C’est le capitaine du Jumbo-Jet Ali Fergani qui sort aujourd’hui de sa réserve et parle de la situation difficile que traverse la JSK. En tant qu’ancien joueur de la JSK et ancien entraîneur de cette même équipe, Ali Fergani nous a fait savoir, hier, dans l’entretien qu’il nous a accordé au siège de l’Amicale des joueurs, que le temps est venu pour lui de s’exprimer.
Connu pour être une personne qui n’aime pas trop polémiquer, le moins qu’on puisse dire, c’est que cette fois-ci, Ali Fergani n’a pas mâché ses mots en clamant haut et fort qu’il est temps pour que le règne de Moh-Cherif Hannachi prenne fin. 19 ans à la tête du club phare de la Kabyli, c’est plus que trop, juge-t-il. Fergani va encore plus loin en précisant que le président actuel de la JSK ne laissera rien derrière lui en matière d’infrastructures, puisque, en près de deux décennies de présidence, Hannachi n’a pas estimé utile d’investir. Après qu’il eut évoqué les raisons pour lesquelles Hannachi doit impérativement partir, Fergani parle dans la dernière partie de l’entretien de l’EN depuis l’arrivée de Vahid Halilhodzic.
– Une grande rogne anime actuellement les supporters de la JSK qui veulent le départ du président actuel Mohand-Cherif Hannachi, en tant qu’ancien capitaine de la célèbre équipe du Jumbo-Jet, un commentaire sur ce que vit le club actuellement ?
– Je dois d’abord dire que ce qui se passe actuellement à la JSK concerne tous les gens qui aiment la JSK, qu’ils soient anciens joueurs, anciens entraîneurs et bien évidemment les supporters, et donc je ne peux qu’être concerné par ce que vit le club en ce moment. J’ai donc estimé que le moment est venu pour moi de m’exprimer à cet effet. J’avoue qu’il y a un mécontentement qui, à mon avis, n’est pas forcément dû à la gestion du club cette saison seulement, mais c’est plutôt un cumul d’une gestion de plusieurs années. Il y a aussi le fait que le président actuel fait le vide autour de lui…
– Pouvez-vous être plus explicite ?
– Les dirigeants de la JSK ou même dans les différents autres clubs algériens ont cette culture de l’oubli qui est d’ailleurs condamnable. Nous, par exemple, dans le cadre de l’Amicale des anciens joueurs, notre cheval de bataille c’est de combattre cette ingratitude et cet oubli. Maintenant pour ce qui est de la JSK, je dirais qu’il est vraiment temps qu’il y ait du changement. Bien évidemment, il ne faudrait pas que ça vienne perturber la fin de saison qui est très délicate. Ce fut le cas aussi l’an dernier, puisque la JSK habituée à jouer les titres n’a évité la relégation que lors de la dernière journée à la suite d’un match plutôt gentil qui l’a mise aux prises avec le MCA. Je pense que tout le monde se souvient de ça.
– Vous évoquiez le mécontentement des supporters, il y a même une caravane qui a été organisée pour manifester cette colère et exiger le départ de Hannachi…
– Comme je vous l’ai déjà dit, ce mécontentement est bien réel et il existe, d’ailleurs pour celan il n’y a qu’à voir les gradins pratiquement vides du stade du 1er-Novembre lors des matchs cette saison que ce soit en championnat ou en coupe, c’est du jamais vu. A l’époque, pas forcément la nôtre, les gens se bousculaient pour rentrer au stade et voir la JSK jouer. Donc, jouer dans un stade vide veut certainement dire quelque chose. Il faut donc que les choses changent à la JSK. Quand on règne, puisque ça en est un, pendant près de 19 ans, il faut savoir faire un bilan et puis quand on fait face à cette grogne et ce mécontentement, il faut savoir quitter la table…
– Certains diront que le bilan de Hannachi est plutôt positif, puisque le club a quand même remporté des titres sous sa présidence…
– Beaucoup de clubs ont gagné des titres et la JSK a gagné certes des titres, mais elle en a toujours eus, ça ne date pas d’aujourd’hui, puisque ça fait partie de la tradition du club de remporter des trophées. A la limite, c’est normal. Mais le problème, c’est qu’en dehors des titres, ces présidents de clubs y compris celui de la JSK ne laissent absolument rien derrière eux, mis à part les titres et ces mêmes présidents pensent d’ailleurs qu’après eux, c’est le déluge.
– Que voulez-vous dire exactement ?
– Vous savez, un club survit à tous les départs qu’il s’agisse du meilleur entraîneur au monde, des meilleurs joueurs ou même des meilleurs présidents, mais ce qui reste et ce dont les gens se souviendront, ce sont surtout les investissements faits au niveau du club. L’empreinte qu’il n’aurait pas laissée et c’est ce qu’on peut justement reprocher à Hannachi. Ce dernier ne laissera absolument rien derrière lui en matière d’infrastructures. Il faut savoir que la JSK dans les années 1980 était un club modèle avec des vestiaires vraiment top, une salle de musculation, une salle de soins, à cette époque-là. Déjà, tout ça s’est perdu, puisque les choses se sont détériorées à ce niveau-là, alors que la JSK devrait avoir une base d’entraînement, éventuellement un hôtel, au moins ça, alors que même le cercle de la JSK est fermé je ne sais depuis combien d’années. Ce n’est pas normal. C’est un lieu de rendez-vous pour les supporters du club.
– Vous parlez de terrain, d’hôtel, vous pensez vraiment que la JSK avait les possibilités et les moyens d’en construire ?
– Je vais vous dire quelque chose, quel que soit le wali en place à Tizi Ouzou, je ne pense vraiment pas qu’on puisse refuser à la JSK une demande d’une assiette de terrain. Croyez-moi, ce genre de demandes se règle facilement lorsqu’il s’agit de la JSK. Donc, on aurait dû faire de la formation une priorité. Quand on veut enseigner, il faut des classes, et quand on veut former des joueurs à jouer au football, il faut des terrains et la JSK aurait dû investir dans ces terrains qui auraient pu la faire passer dans le professionnalisme bien avant cette année. Donc, c’est un tort d’avoir négligé cet aspect et c’est le cas pratiquement de tous les présidents, à part un seul…
– Vous voulez parler du président de l’USMA certainement ?
– Je dois dire qu’en l’espace d’un an et demi, le président Haddad a transformé le stade Omar Hamadi de Bologhine. Je ne veux en aucun cas critiquer la gestion d’Allik, mais la vérité est là. Je connais l’USMA pour l’avoir entraînée et je peux vous dire que j’ai vu la saison dernière les choses changer de façon vertigineuse afin de permettre à l’équipe de travailler dans les meilleures conditions possibles. C’est tant mieux pour l’USMA et tant pis pour la JSK, puisque, comme tout le monde le sait, Haddad devait prendre la JSK.
– On a presque le sentiment que vous regrettez que Haddad ne soit pas le président de la JSK ?
– Franchement oui, je le regrette comme d’ailleurs beaucoup de gens qui aiment la JSK. A présent, il est président de l’USMA et j’espère qu’il réussira, car ça reste un exemple qu’il faut suivre et je pense sincèrement qu’il existe des mécènes sans citer de noms qui sont tout à fait prêts à prendre la JSK et d’autres clubs algériens d’ailleurs. Ces mécènes sont prêts à investir, notamment à la JSK, dans la mesure où ils pourront travailler sereinement avec des équipes qu’ils mettront en place et ça serait vraiment un bon choix, car la JSK est très porteuse. Si je dois comparer la JSK à un club européen, je dirais que c’est un peu comme Barcelone, car c’est un club qui englobe toute une région sans aucun régionalisme de ma part, car j’ai toujours été pour qu’il y ait diversification par rapport aux joueurs composant la JSK. Mais en même temps, j’affirme haut et fort que chaque club doit avoir une identité, et on a tendance à perdre cette identité, y compris à la JSK. L’identité d’un club, c’est d’avoir des joueurs formés au club et non pas recruter 90% de l’effectif. L’USMA a recruté la saison dernière pas moins de 14 joueurs et c’est pareil partout. C’est bien de ramener des joueurs, mais de manière étudiée et non pas recruter par vague.
– Vous êtes donc pour encourager la formation ?
– Qu’on ne vienne pas me dire qu’il n’y a pas de jeunes. Des jeunes talents existent partout dans toutes les régions du pays, seulement il y a un problème de prise en charge. Il est vrai qu’à l’époque, il y avait le sport scolaire, il y avait aussi beaucoup d’aires de jeu. Ajouter à cela que les clubs formaient des joueurs et la prospection était bonne. Donc, si chaque club faisait une prospection au niveau de sa région, quand on prend l’exemple de la JSK, c’est toute la Kabylie. On prospecte dans toute la wilaya et aider les clubs de daïra parce qu’ils vont former pour la JSK. Des clubs comme la JSK attirent et ce n’est pas normal qu’on se retrouve avec 90% de joueurs recrutés, et tous les ans, c’est la même chose. Si on prend l’effectif actuel, on peut les prendre un à un, il y a au moins 80% des joueurs qui seront en fin de contrat au mois de juin…
– Justement, Hannachi compte entamer les discussions pour renouveler les contrats…
– Vous savez que la réglementation préconise que six mois avant la fin de la saison, un joueur peut tout à fait signer un précontrat donc pourquoi attendre la dernière minute pour renouveler des contrats ?
– D’ailleurs, des joueurs sont soupçonnés d’avoir déjà signé des précontrats avec d’autres clubs ?
– Bon, c’est un peu leur droit, mais normalement, six mois avant la fin de la saison, on règle le problème des joueurs qu’on veut à tout prix garder. Mais des fois, il y a d’autres facteurs qui rentrent en considération et j’espère vraiment que Hannachi n’appliquera pas la politique de la terre brûlée en souhaitant que tout le monde parte. Une fois encore, Hannachi devait partir un jour ou l’autre et je pense vraiment que c’est le bon moment pour lui pour qu’il quitte le club…
– Justement, Hannachi ne cesse de déclarer qu’il ne partira pas pour laisser le club aux mains de gens qui n’ont même pas de quoi se payer un café, qu’en pensez-vous ?
– Le danger pour la JSK, c’est qu’il y ait une assemblée générale comme celles qui ont précédé. Il est vraiment impératif de revoir la composante. Je trouve d’ailleurs anormal que d’anciens entraîneurs et d’anciens joueurs de la JSK ne fassent pas partie de cette composante de l’AG. C’est d’ailleurs un combat que je mène même au niveau de l’Amicale concernant l’AG de la FAF. Franchement, sur la composante de l’assemblée générale de la JSK, il y a beaucoup à dire. Cette composante doit changer pour que d’éventuels mécènes viennent. Des gens qui apportent leurs deniers pour construire quelque chose, car c’est toute une vie au sein et autour d’un club. C’est vrai que ça ne se fera pas du jour au lendemain et qu’il va y avoir de la résistance, mais globalement, lorsque le club est présidé et dirigé par des gens compétents qui sont là à investir leur propre argent, ça marche toujours.
– Vous souhaiteriez que la composante de l’AG change tout de suite ?
– Je ne sais pas comment il faudra s’y prendre sur le plan légal, mais il est clair que c’est mon souhait. Il faut revoir la composante de l’AG le plus tôt possible.
– Vous serez partie prenante dans ce changement ?
– Je serai impliqué en tant qu’ancien joueur et ancien entraîneur de la JSK. Dernièrement, j’ai dit que l’adrénaline des terrains me manquait un peu et je pense reprendre le terrain la saison prochaine, pas forcément à la JSK bien sûr. Mais une fois de plus, j’estime qu’il faut qu’il y ait du changement et je pense que ça ne sera que bénéfique pour la JSK. Je dirai même plus, si Hannachi veut du bien à la JSK, il doit partir.
– Des rumeurs ont évoqué le fait que vous seriez intéressé par la direction du club de la JSK ?
– J’ai entendu ces mêmes rumeurs disant que si j’ai quitté la FAF, c’est parce que j’avais des projets au niveau de la JSK. Tout ça est archi faux, je peux vous le certifier. Je n’ai aucune intention dans ce sens.
– Qu’est-ce qui pourrait sauver l’équipe dans l’immédiat en championnat ?
– Vous savez dans le football, ça va très vite. La fin du championnat s’annonce difficile pour tout le monde, pas seulement pour la JSK. Si j’ai un appel à lancer, c’est que les supporters doivent revenir au stade pour encourager leur équipe et la soutenir dans ces moments difficiles, même s’ils sont en colère contre la direction. Donc, il faut que tout le monde se mobilise, y compris les joueurs, afin que la JSK se maintienne même si je pense qu’elle n’est pas vraiment menacée par la relégation…
– Pensez-vous que ce fut une erreur d’avoir fait en sorte qu’Ighil parte…
– Personnellement, je ne connais pas tous les détails de cette histoire très bizarre, parce qu’au début, c’était à bras ouverts, ensuite, c’est la guerre. Mais ce que je peux dire, c’est que je suis contre ces dépassements verbaux. Mais bon, il est vrai qu’il existe une instabilité chronique au niveau de la barre technique de la JSK. Il n’y avait qu’à voir au début lorsque Saïb était venu. Il était venu dans des conditions extrêmement difficiles qu’il assumait d’ailleurs parfaitement. Au début, on lui a dit la coupe d’Afrique, ce n’est pas un objectif, après c’en est devenu un. Mais souvenons-nous surtout de Geiger qui a fait un parcours magnifique en Ligue des champions africaine avec du très beau jeu et on le limoge. Ça n’honore pas un club comme la JSK. Personnellement, son départ m’avait étonné. On ne change pas un entraîneur chaque semaine, après chaque faux pas.
– Parlons d’autre chose, à savoir de l’équipe nationale. Vous avez certainement dû suivre le parcours de l’EN depuis la venue de Vahid Halilhodzic, qu’en pensez-vous ?
– Je dirais que globalement c’est positif. Il est vrai qu’il a débuté avec des matchs officiels dont l’enjeu n’était pas très important vu que l’équipe était pratiquement éliminée de la CAN. Ensuite, il y a eu le match amical contre la Tunisie et le match officiel face à la Gambie. Je pense que Halilhodzic a su faire une analyse bien précise de tous ses joueurs et de leurs mentalités et a surtout pris des décisions courageuses…
– Vous voulez parler de la non-convocation de Karim Ziani…
– Oui, entre autres. Je ne dis pas que Karim n’a pas des qualités, après, chaque entraîneur le positionne là où il l’entend. Halilhodzic était attendu au tournant contre la Gambie mais il a pris ses responsabilités et il est sorti gagnant de cette confrontation. Ce n’est pas fini, bien au contraire ça ne fait que commencer, mais on peut dire déjà que c’est une bonne prise en main notamment du côté de l’état d’esprit puisqu’on voit l’équipe jouer de manière plus offensive. Il a aussi mis tout le monde sur un pied d’égalité et les joueurs le ressentent bien.
– Vous estimez donc que l’EN est sur le bon chemin…
– Il y a de bons signes. Il a aussi lancé des messages comme celui : les pays du Golfe c’est bien mais l’Europe c’est mieux. Il a aussi repris les stages pour les joueurs locaux. C’est moi qui aurais dû les faire, mais cela prouve que les stages locaux sont indispensables et cela montre bien que j’avais raison. Donc, c’est bien que Halilhodzic l’ait fait car c’est nécessaire même s’il n’y pas d’objectifs dans l’immédiat pour la sélection nationale locale.
– Pensez-vous que certains éléments peuvent revenir en sélection sous son ère comme Ziani par exemple ?
– Je pense que de temps en temps c’est bien de secouer et de provoquer des joueurs. Ça leur permet de se remettre en question et c’est une bonne chose. Maintenant pour revenir à Ziani, je dirais qu’il a une qualité de centre exceptionnelle, maintenant quand il y a la concurrence il faut l’accepter, mais je peux vous dire avec certitude que Ziani n’est pas fini et il peut encore apporter à l’équipe nationale. En plus, j’ai l’impression qu’il prend cette mise à l’écart temporaire plutôt du bon côté et c’est tant mieux.
– Une deuxième Coupe du monde de suite est donc possible…
– Le chemin sera très long et tout dépendra de la façon dont seront entamées les éliminatoires de la Coupe du monde avec les deux matchs contre la Rwanda et le Mali. Le départ dans ce genre de compétition s’est toujours très déterminant pour la suite, mais il y a de la qualité dans cette équipe et il faut vraiment y croire. Mais il y a aussi la CAN 2013, l’EN a fait un grand pas contre la Gambie, il reste encore un tour et il faudra faire en sorte de se qualifier car il est aussi important que l’Algérie retrouve la CAN en Afrique du Sud en 2013. En tous les cas, on voit que les choses ont changé et que surtout les joueurs ne ressentent plus d’injustice et c’est vraiment une bonne chose.
A. H. A.