Femmes violées dans les maquis terroristes, Enfin un statut !

Femmes violées dans les maquis terroristes, Enfin un statut !

À la faveur d’un décret ministériel, signé le 1er février dernier par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, l’État reconnaît enfin le statut de victime aux femmes violées par les terroristes.

Le texte en question les dispense aussi de la contrainte de fournir des éléments de preuve comme le certificat médical. Seul le procès-verbal des services de sécurité est exigé lors de la constitution du dossier d’indemnisation que la victime devra déposer auprès du wali de son lieu de résidence. Cette démarche effectuée, ouvre droit à une pension calculée sur la base d’un taux d’incapacité permanente forfaitaire fixée à 100% dont le montant n’a pas été rendu public. Mais pourquoi se pencher sur un tel dossier maintenant, après tant d’années de tergiversations et de fuite en avant ? Les femmes violées par les terroristes ont constitué, pendant longtemps, un dossier latent, embarrassant pour les autorités qui n’ont pas fourni d’efforts pour le prendre en charge.



La demande insistante du mouvement associatif s’est heurtée à un bloc de roche, sous le fallacieux prétexte que leur accorder un statut de femmes violées par les terroristes aurait conduit à leur stigmatisation. De hauts responsables ont estimé à l’époque qu’une quelconque reconnaissance sur papier diminuerait leur chance de fonder un jour un foyer. Ils ont soutenu qu’à chaque fois qu’elles recevraient leur pension, cela leur fera revivre l’acte de viol. Face à ce mépris maquillé en compassion et après plusieurs années de mutisme, c’est étonnamment la cellule d’assistance judiciaire pour l’application de la charte qui est venue, en 2012, remettre cette question à l’ordre du jour en intégrant cette question de statut parmi les quinze mesures complémentaires à la charte pour lesquelles elle a sollicité le président de la République pour une promulgation des lois additives.

Le problème est que personne n’est en mesure, aujourd’hui, d’estimer le nombre réel de ces victimes, ni dire ce qu’elles sont devenues, même pas les nombreuses associations qui les ont prises en charge pendant de longues années. C’est comme si elles se sont évaporées.

Certaines d’entre elles avaient pourtant, au début, trouvé le courage de raconter à visage découvert leur calvaire aux autorités, psychologues et à la presse nationale et internationale, avec l’espoir que justice leur soit rendue. En contrepartie, elles n’ont bénéficié d’aucun appui solide, ni de la société ni de la part de l’État qui les a tragiquement abandonnées.

De nombreuses femmes, violées sous les yeux de leur famille, ont été privées de leurs enfants et répudiées. Ne pouvant supporter seules le poids de ce drame, nombreuses se sont tout simplement suicidées peu d’années après.

Pour mieux s’imprégner du drame des femmes violées, la période la plus sanglante du terrorisme doit être divisée en deux phases : avant 1996, elles étaient violées soit chez elles lors d’une incursion terroriste, soit étaient victimes d’un mariage forcé, car à cette époque-là, les groupes armés avaient une certaine liberté de mouvement. Les enlèvements de femmes sont apparus en 1996, lorsque les terroristes commençaient à se retrancher dans les maquis à la suite de l’offensive militaire et donc ne pouvaient plus circuler librement dans les villages. Dès que de nouvelles filles sont enlevées, celles précédemment violées par les “émirs” sont offertes à leur entourage proche. Quand elles tombaient enceintes ou devenaient nombreuses, et donc gênantes pour les mouvements de la troupe, elles étaient tuées. Certes, cette reconnaissance, même tardive, vient réparer une grande injustice et permettre la reconstruction des femmes violées et encore en vie, sur le plan psychique.

Une reconstruction qui ne pouvait se faire sans la reconnaissance des faits en relation avec le viol en période de terrorisme. Auxquels, bien entendu, sont associés des actes de torture, assassinats et massacres collectifs. Seulement, cette victoire reste incomplète, tant que l’État ne décrète pas la non-prescription de ces crimes.

N H