Comme à chaque fois qu’on lui rend visite à Valence, Sofiane Feghouli est ravi. Ravi surtout de pouvoir s’adresser aux supporters de l’Equipe nationale, à quelques jours seulement du premier virage important des éliminatoires de la Coupe du monde, important pour lui et la génération qu’il représente. Après avoir assisté à quelques minutes de l’entraînement du FC Valence et attendu pendant quelques autres celui qu’on appelle désormais la star algérienne de Valence, nous nous sommes vus proposer par Feghouli de faire l’interview autour d’une table sur une terrasse, pas loin de chez lui. Il faisait beau et chaud ce jour-là à Valence, comme la chaleur qui se dégage de ce jeune garçon pétri de qualités footballistiques, mais surtout humaines. L’échange a été passionnant.
Revenons tout d’abord au match retour de Ligue des champions contre le Paris Saint-Germain. Au vu du nul qui a sanctionné cette rencontre, il était clair qu’en dépit de la défaite subie par Valence au match aller, il y avait un bon coup à jouer…
C’est vrai, mais il est clair que la qualification s’est jouée au match aller. Nous avions complètement joué à l’envers. Nous avions facilité le jeu du PSG en perdant des ballons au milieu du terrain, ce qui a fait le jeu de l’adversaire qui défendait avec 9 joueurs derrière et jouait les contres avec des attaquants percutants. Cela nous avait fait beaucoup de mal. Au match retour, nous avons très bien joué en dominant du début à la fin. Je pense que nous méritions largement de gagner. Malheureusement, il nous a manqué ce brin de réussite pour pouvoir l’emporter. Maintenant, je souhaite bonne chance au PSG.
De plus, c’est certainement frustrant pour vous d’avoir encaissé un but bête sur l’égalisation du PSG…
C’était, je crois, la seule occasion du match pour notre adversaire. Il a eu donc 100 % de réussite. Le football est comme ça. Nous avons eu pas mal de coups francs, de corners et d’occasions, mais nous n’avons pas su mettre un second but qui aurait fait douter davantage le PSG.
Valence est éliminé de la Coupe du Roi et de la Ligue des champions et n’est pas concerné par la course au titre. Comment se motiver pour bien terminer la saison, sachant que le seul objectif restant est d’atteindre une place qualificative à la Ligue des champions ?
Nous avons à cœur de disputer à nouveau la Ligue des champions, la saison prochaine. Maintenant, avec un match par semaine, cela va nous permettre de mieux récupérer. Nous allons nous accrocher afin d’essayer de terminer le plus haut possible dans la Liga.
Dans un entretien que vous nous aviez accordé ici même à Valence, avant que vous ne prolongiez votre contrat, vous nous aviez déclaré que vous étiez heureux au FC Valence et que votre objectif était de gagner des titres avec ce club plutôt que d’aller les chercher ailleurs. Visiblement, ce n’est pas cette saison que vous concrétiserai cet objectif…
Quand on voit, par exemple, que l’Atlético Madrid a eu un tirage au sort favorable en Coupe du Roi, on se dit que la chance y est pour beaucoup. La saison passée, nous avions eu le FC Barcelone en demi-finales et, même si nous n’étions pas passés loin de la qualification, ça a été quand même difficile. Cette année, nous avons eu le Real Madrid comme adversaire en quart de finale et, si nous étions passés, c’était le Barça qui nous attendait en demi-finale. C’était donc difficile pour nous car le tirage au sort ne nous a pas épargnés. En Ligue des champions, cela aurait été très bien pour nous d’arriver en quart de finale, mais nous avons été éliminés. En Liga, c’est dommage que nous ne puissions pas jouer le titre, mais je continue de croire en notre capacité de décrocher une place pour la Ligue des champions.
Qu’est-ce qui a changé pour vous après que vous ayez prolongé votre contrat avec Valence ?
Rien n’a changé pour moi. J’ai participé à la Coupe d’Afrique des nations avec l’Algérie et je suis revenu, mais rien n’a changé en particulier. Je suis toujours le même.
Cependant, on a noté que vos prestations avant la CAN-2013 étaient largement meilleures que ce qu’elles sont actuellement…
Durant la CAN, j’ai travaillé sur le plan physique comme j’ai rarement travaillé durant toute ma carrière. Avec les matches que j’ai enchaînés en jouant tout le temps 90 minutes, ça devient dur à un certain moment. C’est normal. Il arrive qu’on se sente moins bien physiquement. On verra ce qu’il en sera dans les semaines à venir, mais je vais m’accrocher jusqu’à la fin de la saison, comme la saison dernière. J’espère être épargné par les blessures et pouvoir terminer la saison comme je l’ai commencée.
Donc, vous avez beaucoup travaillé sur le plan physique durant la Coupe d’Afrique…
Oui. Nous avons fait une préparation énorme. De plus, il faisait chaud en Afrique du Sud. Cela a fait du bien à ceux qui ne jouaient pas souvent, mais pour ceux qui, comme moi, jouaient tous les matches avec leurs clubs, ça ne les a pas aidés. C’est comme ça. Il nous reste à présent la Liga, et le rythme d’un seul match par semaine me fera du bien, c’est sûr.
Cela vous tenait à cœur de réaliser de belles choses durant la CAN. Aujourd’hui, plus d’un mois après, est-ce que la déception est toujours là ou bien êtes-vous passé à autre chose ?
Il faut savoir passer à autre chose. Après la Coupe d’Afrique, j’étais déçu sur le moment et même abattu, mais c’est comme ça. Il faut passer à autre chose et essayer de rebondir. En football, il y a de grandes joies, des succès et aussi parfois des échecs. Je me dis qu’il faut garder le positif de nos prestations durant la CAN car il y a eu quand même de bonnes choses malgré l’élimination. Il faut s’appuyer sur les choses positives afin de pouvoir, par la suite, être meilleurs à l’occasion des prochaines échéances, à commencer par celle du Bénin, et ne pas reproduire les mêmes erreurs.
Les Algériens ont retenu de vous, en plus de vos prestations, l’image de vos larmes versées lorsque l’hymne national avait été entonné avant le premier match face à la Tunisie, une image qui les a beaucoup touchés…
Il s’agissait de ma première compétition avec l’Algérie et le fait d’avoir mon nom sur le maillot national, sous le regard de millions d’Algériens, n’est pas une chose qui arrive à tout le monde. Même si je joue dans un championnat relevé et que je dispute la Ligue des champions, jouer pour la sélection de mon pays était un rêve de gosse que je suis en train de réaliser. Ecouter l’hymne national a été quelque chose qui m’avait touché. Je suis quelqu’un de spontané et de naturel. Je suis simple, je n’ai pas à cacher mes émotions.
En ce qui concerne le positionnement sur le terrain, vous sentez-vous plus à l’aise en tant qu’ailier ou bien comme milieu axial derrière l’attaquant de pointe ?
Ce n’est pas à moi qu’il faut demander ça, mais à l’entraîneur qui juge les joueurs. Cela fait pas mal de temps qu’il est à la tête de la sélection et c’est à lui de juger quel joueur peut lui apporter quelque chose à tel poste. Pour ma part, je ne réclamerai jamais à mon coach de jouer à un poste plutôt qu’à un autre. Là où on me met, je donne le meilleur de moi-même. Jusqu’à maintenant, ça s’est toujours passé ainsi et je ne changerai jamais mes habitudes.
Madjid Bougherra et Karim Matmour ont déclaré qu’avant d’avoir pu se qualifier à la Coupe du monde, ils avaient reçu beaucoup plus de gifles que la sélection actuelle. Pensez-vous que des déceptions comme celles de la CAN-2013 renforcent le groupe ?
Oui, je le pense. Les grandes victoires et les réussites se construisent à partir d’échecs. Tu ne peux pas réussir une grande carrière si, à un moment donné, tu n’as pas souffert ou tu n’as pas eu des moments difficiles. C’est comme ça que je vois les choses. L’histoire du football l’a prouvé.
Pensez-vous donc que cet échec soit de bon augure pour les éliminatoires de la Coupe du monde ?
Je ne sais pas. Moi, j’ai senti, à la CAN, une équipe qui en voulait. J’espère que nous allons tout d’abord remporter une belle victoire face au Bénin. C’est un match très, très important et qui ne sera pas facile. Il faudra gagner pour ensuite entrevoir avec sérénité une éventuelle qualification pour le Mondial.
On vous attend dans un rôle où vous devez être plus leader. Pensez-vous que ce n’est pas encore le moment pour vous d’assumer ce rôle ou bien estimez-vous que tout le monde, dans l’équipe, peut être leader ?
Un leader qui se dégage, ça doit venir naturellement. On n’impose à personne d’être leader. A chacun sa personnalité et son charisme. Moi, quand je rentre sur le terrain, je fais de mon mieux. Si j’ai quelque chose à dire, je le dis pour le bien de l’équipe avant tout. Etre capitaine un jour, pourquoi pas ? Si on me le demande. J’en serais fier, mais leader, ça peut être beaucoup de choses : un leader sur le terrain, en dehors du terrain, par le jeu… Cela dépend. Pour ma part, je me sens bien dans ce groupe. J’ai ma place depuis que je suis arrivé. Je me sens bien avec mes partenaires.
La liste des joueurs convoqués pour le match face au Bénin comporte de nouvelles têtes, dont une que vous avez connue à Grenoble : Saphir Taïder. Que pensez-vous de lui en tant que footballeur ?
Quand je l’ai connu, c’était un petit jeune qui se cherchait encore. Il avait un potentiel. S’il arrive aujourd’hui à jouer régulièrement en Serie A, l’un des championnats les plus difficiles pour un jeune joueur, c’est qu’il a des qualités et qu’il travaille bien dans son club. Je lui souhaite toute la réussite du monde. Il est le bienvenu au sein de la sélection d’Algérie. Si j’ai quelque chose à lui dire, c’est de faire le maximum quand il sera sur le terrain.
Quelles sont ses qualités en tant que footballeur ?
C’est un milieu relayeur qui a une bonne qualité de passe et un gros volume de jeu.
Le fait qu’il soit titulaire à Bologne prouve qu’il a pris de l’ampleur au sein de son équipe…
Il est encore jeune. Il faut qu’il accomplisse des saisons complètes, qu’il travaille énormément. Il a la chance d’être dans un championnat où il peut progresser rapidement et où il y a peut-être les meilleurs entraîneurs au monde. Il faut qu’il travaille d’arrache-pied et qu’il soit hyper ambitieux. Il faut qu’il fasse en sorte de rejoindre un jour les plus grands joueurs du championnat italien et, pour cela, il faut qu’il travaille et qu’il soit toujours humble.
Yacine Brahimi, que pensez-vous de lui ?
Lui aussi est un jeune joueur. Il a beaucoup de qualités techniques et une très bonne vision du jeu. C’est un joueur au fort potentiel. Je pense que c’est bien pour lui qu’il soit venu à Granada car il a du temps de jeu. Je pense que le championnat d’Espagne lui correspond. J’espère qu’il va nous faire bénéficier de ses qualités techniques et qu’il pourra apporter sa qualité de passe dans notre jeu.
Qu’en est-il de Nabil Ghilas ?
Sincèrement, je ne l’ai jamais vu jouer. J’ai entendu parler de lui en bien de la part de mes coéquipiers en sélection qui jouent au Portugal. Ils m’ont dit qu’il marche bien cette saison. Je lui souhaite la bienvenue en sélection. Nous allons bien l’accueillir. Qu’il vienne, qu’il joue son jeu et qu’il se donne à fond et soit généreux dans l’effort comme il le fait au sein de son équipe.
Vous avez été bien accueilli à votre arrivée en sélection. Sentez-vous, à présent, la responsabilité de bien accueillir à votre tour les nouveaux sélectionnés ?
Quand on arrive en sélection, on est très bien accueilli, c’est sûr. On se sent tout de suite à l’aise. J’ai vécu cela. Pour ce qui est de Brahimi, Saphir et Nabil Ghilas, il n’y a aucun souci : ils seront accueillis comme des frères. Sur le terrain, ce sera à eux de donner le maximum. Il ne faut pas qu’ils se posent de questions. Quel que soit l’adversaire, il faut entrer sur le terrain avec la volonté de gagner et tout donner pour l’Algérie.
Pensez-vous déjà au match face au Bénin et à l’ambiance folle qui règnera au stade Mustapha-Tchaker ?
Oui. Les qualifications pour la Coupe du monde sont très importantes. J’ai vu jouer le Bénin peut-être une fois et j’avais noté que c’est une équipe difficile à manier, très athlétique, avec quelques bons joueurs. En Afrique, c’est toujours difficile. Il n’y a jamais de match facile. A nous de jouer comme nous savons le faire et être efficaces offensivement et défensivement.