Le service de radiothérapie est dans une situation calamiteuse qui ne date pas d’hier. Moins d’un tiers des malades atteints de cancer bénéficient, pour leur traitement, d’une radiothérapie.
C’est là le constat navrant qu’a fait hier le Pr Kamel Bouzid, chef du service d’oncologie médicale au centre Pierre et Marie Curie d’Alger (CPMC) et président de la Société algérienne d’oncologie médicale, qui intervenait hier sur la Chaîne III de la radio nationale. A ce titre, ce dernier déplorera que sur les «44 000 nouveaux cas de cancer enregistrés chaque an en Algérie, 28 000 nécessitent un traitement par radiothérapie. Et sur ces 28 000, seuls 8 000 malades sont traités par radiothérapie, faute de moyens».
Laissant ainsi 20 000 malades livrés à eux-mêmes et sans traitement. A ce sujet, le chef du service d’oncologie médicale confirmera la fermeture du centre de radiothérapie du CPMC pour des raisons de maintenance, affirmant que le service de radiothérapie est dans «une situation calamiteuse» qui dure depuis plusieurs années. Ainsi, concernant les raisons de la fermeture de ce centre, il évoquera «celles liées à la maintenance». Résultat : les rendez-vous de radiothérapie sont donnés aux malades qui se présentent actuellement au service pour le mois de juin… 2012 ! Juste le temps, pour ces patients de mourir et de ressusciter. Car à juste titre, selon le Pr Bouzid, «80% des cancéreux ne se présentent pas le jour du RDV parce qu’ils sont déjà décédés». «C’est une triste réalité. Je connais des médecins en radiothérapie qui pleurent tous les jours lorsqu’ils reçoivent des appels sur le portable annonçant le décès de l’un de leurs patients, lesquels attendaient un traitement qui n’arrivait pas», regrettera le professeur Bouzid qui déplore que «les malades sont traités dans des délais inacceptables du point de vue médical». Par ailleurs, le chef du service d’oncologie médicale au centre Pierre et Marie Curie d’Alger (CPMC) dénoncera également l’état piteux des centres de radiothérapie en Algérie, la pénurie de médicaments ainsi que celle des réactifs nécessaires pour le traitement des cancers. Ainsi, il affirmera qu’au jour d’aujourd’hui, seuls deux centres de radiothérapie fonctionnent, en l’occurrence ceux de Blida et Ouargla. Pour le reste, les machines sont à l’arrêt. Pourtant, «la radiothérapie est l’une des armes thérapeutiques du cancer» et «n’est pas accessible aux Algériens». Sachant, relèvera-t-il, que le président Bouteflika avait déclaré que «la lutte contre le cancer est une priorité nationale». Une situation que le Pr Bouzid dira avoir dénoncé à plusieurs reprises. En ses termes, il dira qu’«on a dénoncé cette situation. Des milliers de patients ne reçoivent pas leur traitement. Donner des RDV pour juin 2012 pour des malades qui se présentent en octobre 2011, excusez-moi c’est de la fumisterie. Mieux vaut dire, on ne peut pas vous traiter». C’est pourquoi le président de la Société algérienne d’oncologie médicale proposera de transférer à l’étranger les malades qui nécessitent une radiothérapie, dans l’attente de l’acquisition des équipements nécessaires pour leur traitement en Algérie. D’ailleurs, sur cette question, le Pr Bouzid n’ira pas par quatre chemins pour pointer du doigt le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale qui s’est dessaisi depuis 1994 de la prise en charge des cancéreux à l’étranger. En outre, l’invité de la rédaction, reviendra sur les déclarations du ministre de la Santé qui annonçait l’acquisition de 57 accélérateurs et la construction de nouveaux centres durant le premier semestre 2012, alors que soulignera-t-il «le plan d’acquisition d’équipements ne sera complet qu’en 2014».
Abordant la question non moins épineuse de la pénurie de médicaments, notamment ceux destinés aux malades atteints de cancer, le chef du service oncologie du CPMC a affirmé que les ruptures de stocks de médicaments et de réactifs sont fréquents et réguliers, et ce, depuis 20 ans. Accusant ainsi les distributeurs, les pharmaciens et autres gestionnaires d’hôpitaux de ne pas respecter les prévisions en matière de médicaments anti- cancer.

Par Lynda N. Bourebrab