Faut-il mieux fructifier nos réserves en devises ?

Faut-il mieux fructifier nos réserves en devises ?
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Les banques internationales ont courtisé l’Algérie en vue de la création d’un fonds souverain dans le pays.

Chaque Algérien peut-il hériter d’une dizaine de milliers d’euros grâce au fonds souverain ? Fiction aujourd’hui, cette possibilité peut devenir une réalité demain si on opte pour cet instrument financier rejeté par les pouvoirs publics et méconnu par la population.

Il faut savoir qu’il y a deux manières d’appréhender le fonds souverain, explique Rachid Sekak, ancien directeur de la Banque d’Algérie, l’un de nos meilleurs spécialistes financiers. On peut le considérer d’une part comme un placement financier. On achète des parts dans des sociétés internationales, des actions, des obligations sur les marchés financiers internationaux. On fait donc faire fructifier cet agent. Il s’agit dans le premier cas d’un investissement purement financier.

On peut appréhender le fonds souverain d’autre part, comme instrument de politique industrielle. En acquérant des actions dans des sociétés internationales, l’objectif est d’entrer dans le conseil d’administration de ces sociétés et avoir la possibilité d’influer sur les décisions de ces entreprises : réorienter certaines vers le transfert technologique vers l’Algérie, la réalisation d’investissements en Algérie.

LG Algérie

Encore faut-il pour s’y lancer, s’agissant de l’Algérie, de disposer d’une stratégie industrielle clairement définie et, à partir de là, identifier les éléments qui manquent dans notre puzzle pour avoir une puissante industrie compétitive, à savoir l’identification des secteurs compétitifs, les investissements industriels à réaliser et les savoir-faire à transférer. L’achat d’actions dans des sociétés internationales entrent donc dans cette stratégie industrielle.

La question est de savoir quel est le montant des réserves de change qu’on peut affecter au fonds souverain. On pourrait par exemple y mettre les ressources dont l’Algérie n’aurait pas besoin avant un certain nombre d’années, disons 5 à 7 ans. L’ancien ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou, avait suggéré de mettre 10% à 20% de nos réserves de change dans le fonds souverain, estimées alors à plus de 100 milliards de dollars. Mais avec la tendance à la baisse de nos reserves de change, on pourrait penser que cette option ne peut être retenue. Pour Rachid Sekak, nos réserves de change se situeront à 90 milliards de dollars en 2019 sur la base d’un prix moyen du baril de 70 dollars entre 2015 et 2019 et 60 milliards de dollars sur la base d’un prix du pétrole de 60 dollars.

Il y aura donc un matelas de devises relativement assez important d’ici à 2020. Il faut donc, via le fonds souverain, profiter aujourd’hui de la crise en Europe en achetant des parts dans des sociétés internationales qui se vendent actuellement à bas prix dans une optique de transferts technologiques vers l’Algérie. En un mot, il est opportun pour Rachid Sekak de lancer un fonds souverain en Algérie, mais en tant qu’instrument de politique industrielle.

Mais grosse difficculté, nos dirigeants sont toujours très réticents à l’option fonds souverain. Avec la crise des subprimes en 2008, s’est formé au sein de la sphère dirigeante une perception négative du fonds souverain encouragée par les énormes pertes financières essuyées par le fonds souverain libyen, consécutive à cette crise financière internationale. Cette image a été confortée par le comportement de nos réserves de change placées en bons du Trésor américains et dans des banques internationales très sûres classées AAA. En dépit de cette crise, la Banque d’Algérie n’a essuyé aucune perte dans le placement des réserves de change. “Dans ce contexte de crise, des banques internationales ont courtisé en 2009 l’Algérie pour que cette dernière crée un fonds souverain dans le pays”, confie Rachid Sekak. En vain.

Autre difficulté, réunir les conditions de succès du fonds souverain en Algérie. Outre la question du contrôle de la gestion du fonds, il faudrait au préalable voter une loi consacrant cette option et disposer d’une technicité pour mettre en œuvre cet instrument financier. En clair, il convient d’avoir une expertise locale dans le domaine. Elle est inexistante. Cette lacune invalide-t-elle la possibilité de créer un fonds souverain? Pas du tout. “L’expertise, ça s’achète”, affirme Rachid Sekak.