Farouk Ksentini s’attaque aux réformes conduites par Tayeb Belaiz,«Ce qui a été mal fait doit être défait !»

Farouk Ksentini s’attaque aux réformes conduites par Tayeb Belaiz,«Ce qui a été mal fait doit être défait !»

Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH) a qualifié de «catastrophique» la réforme de la justice. Farouk Ksentini, qui était hier l’invité de la matinale de la Chaîne III, a jugé nécessaire de revoir le processus engagé durant une dizaine d’années par l’ex-ministre de la Justice, Tayeb Belaïz.

Zéro pointé ! C’est la note qu’attribue Farouk Ksentini aux architectes des réformes du secteur de la justice. Invité, hier, de l’émission matinale de la Chaîne III, il a totalement démoli ce qui est considéré comme étant un des plus importants chantiers engagés durant les trois mandats de Abdelaziz Bouteflika. «Ce qui a été fait doit être défait. Ce qui est bien est bien et ce qui est mauvais est mauvais !», a-t-il insisté. Pour étayer ses propos, Ksentini a cité en exemple plusieurs textes amendés dans le cadre de ces réformes. A commencer par le code de procédure civile et administrative révisé en 2009. «Je rappelle à haute et intelligible voix que le code de procédure civile et administrative est un texte totalement inadmissible et qu’à l’épreuve du temps, il s’est avéré catastrophique. A mon sens, il faut le retirer et revenir à l’ancien texte en y apportant quelques modifications. De l’avis général, c’est une véritable catastrophe.

C’est l’avis des magistrats qui subissent cette loi et des avocats qui la pratiquent. Ce code ne contient que des incohérences alors qu’il a été présenté comme un texte novateur et progressiste. Il n’en est strictement rien», a déclaré Farouk Ksentini. Autre exemple, l’avant-projet de loi relatif à l’exercice de la profession d’avocat qui est depuis plusieurs mois au centre d’une vive polémique. Lui-même avocat, le président de la CNCPPDH aura des mots très durs pour critiquer la teneur de ce texte. «Cette loi contient deux dispositions complètement débiles ! Elles fragilisent l’avocat et le mettent sous la coupe du procureur de la République alors qu’il n’est qu’une partie au procès. Il faut retirer au procureur la possibilité d’attaquer l’avocat durant l’audience. Nous faisons une profession suffisamment difficile, il n’est pas nécessaire de nous fragiliser plus encore.» Pour réparer ces erreurs, Farouk Ksentini a plaidé pour un retour à l’esprit du rapport de la Commission de la réforme de la justice que présidait feu le professeur Mohand Issad.

«Ce rapport n’a été observé ni de près ni de loin. Il a été enterré dès sa présentation. Je pense que nous pouvons aujourd’hui reprendre les idées de la Commission Issad.» Lors de sa sortie médiatique d’hier matin, Ksentini s’est bel et bien attaqué à Tayeb Belaïz, même s’il n’a pas nommé expressément l’ex-ministre de la Justice. En effet, Belaïz, qui préside depuis quelques mois le Conseil constitutionnel, a été, durant près de dix années, le chef d’orchestre des réformes engagées dans ce secteur. Par ailleurs, et dans le cadre de la révision de la Constitution, le président de la CNCPPDH a remis sur la table sa proposition d’amender l’article 70 qui stipule que le président de la République est «garant de la Constitution». Farouk Ksentini propose d’amender cette disposition pour confier cette même mission à l’Armée populaire nationale. «L’ANP doit protéger la Constitution contre toute possibilité d’être manipulée ou malmenée à une occasion ou une autre.» Une proposition qui peut paraître saugrenue dans un pays où le président est le «chef suprême de toutes les armées» et également «responsable de la défense nationale».

T. H.