Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH), M. Farouk Ksentini a qualifié jeudi les essais nucléaires effectués par la France dans le Sahara algérien de « crime contre l’humanité » affirmant que les autorités françaises « doivent demander des excuses et indemniser les victimes ». Les habitants des régions qui ont abrité ces essais « en portent encore les séquelles et souffrent de pathologies lourdes comme les cancers », a indiqué M. Ksentini qui intervenait sur les ondes de la Chaîne II de la Radio nationale, soulignant que le peuple algérien était en droit d’exiger des indemnités auprès des autorités françaises.
La CNCPPDH prend part à la caravane de solidarité lancée dernièrement vers Reggane (w. Adrar- 1600 km au sud-ouest d’Alger), à l’occasion du 51ème anniversaire des premiers essais nucléaires français en Algérie (13 février 1960).
Pour M. Ksentini, la loi promulguée par la France pour l’indemnisation des victimes de ces essais nucléaires est « irraisonnable et inacceptable », compte tenu des conditions d’accès rédhibitoires.
Par ailleurs, il a salué les mesures annoncées récemment par le Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, lors de la réunion du Conseil des ministres, affirmant qu’elles « expriment une volonté politique claire pour l’ancrage de l’exercice démocratique en Algérie ». L’invité de la Radio nationale a souligné que la décision du Chef de l’Etat relative à la levée prochaine de l’état d’urgence « prouve que la situation sécuritaire s’est améliorée après que l’Algérie a réussi à se débarrasser pratiquement du fléau du terrorisme ».
Il a salué, en outre, le rôle « essentiel » de la politique de réconciliation nationale dans le rétablissement de la sécurité à travers le pays.
Avec la levée de l’état d’urgence, d’autres mesures complémentaires peuvent être prises dans le cadre du code pénal ou la promulgation d’une loi relative à la lutte contre le terrorisme en vue de permettre aux forces de sécurité de lutter avec « plus d’efficacité » contre ce fléau, a-t-il dit mettant en avant la nécessité de faire confiance en le législateur algérien et d’éviter tout jugement hâtif.
M. Ksentini a, accueilli favorablement la décision du Président de la République d’ouvrir les médias publics devant les partis d’opposition et les différentes associations de la société civile la qualifiant de « décision cruciale à même de changer les données de la vie politique en Algérie ». Il a également insisté sur la nécessité de prendre en charge les préoccupations des citoyens notamment les jeunes conformément aux instructions du dernier Conseil des ministres.
Evoquant la marche du 12 février prochain prévue à Alger, M. Ksentini a imputé son interdiction par les autorités à des « raisons strictement sécuritaires » rappelant que la situation à Alger est différente par rapport aux autres villes.
Estimant que les marches ne résolvent aucun problème, M. Ksentini a affirmé qu’il privilégiait la voie du dialogue pour ce faire.
A une question sur la possibilité de faire le parallèle entre la situation en Tunisie, en Egypte et en Algérie, M. Ksentini a affirmé que « la situation est différente en Algérie qui dispose de moyens financiers plus importants que la Tunisie et l’Egypte et qui est en mesure de prendre en charge les préoccupations de ses citoyens ».
Il a, dans ce sens, souligné la nécessité de lancer de grands projets dans les domaines de l’industrie et de l’agriculture tout en encourageant l’investissement.
Le lien entre les essais nucléaires français en Algérie et les atteintes de cancers
Le lien entre les essais nucléaires français à Reggane et les atteintes de maladies de cancers a constitué le thème d’une journée scientifique organisée hier Adrar par l’association »Amel » d’aide aux cancéreux, en collaboration avec la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH). Les essais nucléaires effectués par la France coloniale dans le Sahara algérien constituent « des crimes abominables à l’encontre de citoyens algériens et une violation flagrante des textes et traités internationaux consacrant le principe de préservation des droits de l’homme », indique le président de la CNPPDH.
Dans un message lu en son nom à cette rencontre, M. Farouk Ksentini, estime qu’il incombe à la France « toute la responsabilité des séquelles de ces crimes nucléaires, malgré ses tentatives, par tous les moyens, d’imposer le black-out sur le dossier, prétextant, d’un côté, l’incompétence de la communauté internationale à traiter cette question et, de l’autre, en entourant le sujet de confidentialité et en dressant des obstacles à l’accès des chercheurs aux documents et archives français ». Parmi les plus graves violations des textes et chartes internationales, dit-il, l’exposition directe, par la France coloniale, de prisonniers issus de l’Armée de libération nationale (ALN) aux radiations sur le site des explosions nucléaires, ce qui, souligne M. Ksentini, constitue « une flagrante violation de la convention de Genève relative aux prisonniers de guerre et à leur traitement ».
Ainsi, poursuit le président de la CNPPDH, au moment où la France célébrait son entrée dans le cercle des forces nucléaires, se trouvaient des citoyens algériens qui luttaient contre la mort, suite à leur inhalation de poussières irradiées soulevées par les explosions nucléaires. Une situation qui témoigne, dit-il, de l’absence d’humanisme chez le colonisateur français.
Le président de la CNPPDH a ainsi appelé à la conjugaison des efforts de toutes les parties, juristes, médecins et société civile, pour élaborer un dossier complet sur la question, à travers l’ouverture d’un débat approfondi criminalisant le colonisateur français, l’obligeant à reconnaître ses crimes odieux contre les enfants du peuple algérien et le contraignant à leur accorder réparation morale et matérielle. La présidente de l’association »Amel » d’aide aux cancéreux, Mme Hamida Kettab, a, tout en soulignant les objectifs de prévention, d’information et de sensibilisation assignés à son association, indiqué que cette rencontre à Adrar vise à montrer le lien entre les atteintes de cancer et les explosions nucléaires effectuées par la France coloniale dans le Sud algérien, il y a 51 ans.
Cette rencontre permettra aux professeurs et spécialistes, venus d’Alger, de présenter sur la base de vérités scientifiques les causes du cancer et les effets des radiations nucléaires sur la santé de l’Homme et sur l’environnement. Elle sera sanctionnée par l’élaboration d’un document scientifique qui confirme le rapport direct entre l’atteinte de cette grave maladie et les radiations provoquées par les essais nucléaires menés sur le site de Hamoudia à Reggane. »Un recensement précis des cas d’atteintes de cancer et de leurs causes n’est, pour le moment, pas possible, en l’absence de registres des personnes affectées par la maladie », estime Mme Kettab. Le Centre anti-cancéreux qu’envisage de créer le ministère de tutelle dans la wilaya d’Adrar, note-t-elle, aura un rôle important et efficace dans le recensement exact des malades, comme il aura la charge d’aider dans la lutte contre cette pathologie lourde et la prise en charge des malades.
Pour le président de la sous-commission des droits de l’Homme auprès de la CNPPDH, M. Layachi Dâadoua, la commémoration de 51ème anniversaire de ces essais nucléaires revêtira un caractère particulier, avec la signature de protocoles d’accords de coopération entre différentes parties concernées, pour une prise en charge réelle et adéquate des cancéreux de la région. Ainsi, il a été procédé, en marge de cette rencontre, à la signature d’un protocole d’entente entre l’association du 13 février 1960 et l’association »Amel » et d’un autre protocole d’accord entre le Centre Pierre-et Marie-Curie d’Alger et les Centres hospitaliers publics d’Adrar, Reggane et Timimoun portant sur la formation à Alger de médecins et paramédicaux de la wilaya d’Adrar, pour préparer l’encadrement du Centre anti-cancéreux en projet dans la wilaya. Les travaux de cette journée scientifique, qui s’inscrivent dans le cadre de la commémoration du 51ème anniversaire des essais nucléaires français à Reggane (13 février 1960), se poursuivent par la présentation de communications par des professeurs et spécialistes, en présence de membres du corps médical opérant dans la wilaya d’Adrar.