«L’industrie pharmaceutique est bel et bien menacée en Algérie en raison de l’instabilité des prix des médicaments produits localement. » C’est ce que pense Farid Benhamdine, président de la Société algérienne de pharmacie (SAP), une association regroupant une partie des professionnels du secteur de la pharmacie.
Selon lui, la baisse des prix constatée dernièrement est une menace à prendre très au sérieux, puisque « de nombreuses entreprises productrices risquent de fermer si aucune solution n’est trouvée à ce problème ». La baisse des prix des produits pharmaceutiques a poussé d’ailleurs les membres de l’Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop) à exprimer leur crainte pour l’avenir du secteur.
Selon Farid Benhamdine, la chute des prix des médicaments algériens n’est pas liée à une augmentation de la production nationale, mais plutôt à une faiblesse au niveau de la coordination entre le ministère de la Santé et la direction de la Sécurité sociale au ministère du Travail.
« La direction de la Sécurité sociale fixe un prix de référence pour les médicaments sans en référer au ministère de la Santé. Sur le terrain, on se retrouve avec des prix qui varient au moins deux fois par an. D’autres facteurs entrent aussi en jeu, comme la parité entre le dinar et l’euro, par exemple, qui ont un impact sur la stabilité des prix sur le marché », explique le président de la SAP.
Parallèlement, « les prix des médicaments importés sont stables pendant des périodes plus ou moins prolongées, car les prix sont fixés, en amont, dès l’enregistrement du médicament importé», ajoute M. Benhamdine.
En résumé, la situation actuelle sert beaucoup plus les importateurs que les industriels locaux. « Si le problème des prix perdure, l’Algérie deviendra un pays à 100% importateur de médicaments, car les industriels locaux risquent de disparaître. Ce serait vraiment dommage, étant donné que l’industrie pharmaceutique est aujourd’hui la seule industrie du pays à garantir 35 à 40% des besoins locaux », déplore le professionnel. Le président de la SAP se dit solidaire avec l’Unop, dont l’appel de détresse est considéré comme « légitime ».
Selon M. Benhamdine, « il est urgent que les autorités algériennes prennent au sérieux ce problème et surtout qu’elles fassent le nécessaire pour aider les industriels locaux à s’épanouir, parce qu’il s’agit d’une industrie stratégique pour le pays ».
Des chiffres qui donnent à réfléchir
Selon le président de la SAP, l’augmentation des importations de médicaments ne fait pas de l’Algérie un gros consommateur de médicaments. « Nous sommes encore considérés comme un pays dont la consommation est dans la moyenne régionale et nous sommes encore loin de la moyenne de consommation enregistrée en Europe du Sud ou du Nord », note-t-il. Il relève, toutefois, un certain déséquilibre en matière de dépenses.
« L’Algérien dépense chaque année 63 dollars pour les médicaments, mais dépense 90 dollars pour le tabac », informe-t-il. Poussant sa logique plus loin, il estime que les Algériens dépensent plus pour tomber malades que pour se soigner.
« Le marché de l’automobile, qui génère beaucoup de pollution, représente 6 milliards de dollars, au moment où le marché du tabac totalise 2,4 milliards de dollars. Le marché du médicament, quant à lui, pèse 3 milliards de dollars », constate-t-il.