Faire un islam en France distinct est une « arrogance teintée d’une ignorance »

Faire un islam en France distinct est une « arrogance teintée d’une ignorance »

PARIS – Evoquer la réforme de l’islam de France pour en faire un islam distinct est une « arrogance teintée d’une ignorance », a estimé l’islamologue et philosophe algérienne Razika Adnani.

« Evoquer ‘la réforme de l’islam de France’, dans le sens de s’occuper de ne réformer que l’islam qui existe en France et en faire un islam distinct, comporte une arrogance teintée d’une ignorance », a affirmé cette écrivaine fondatrice des Journées philosophiques d’Alger, dans une contribution publiée mercredi par Le Figaro.

Elle relève que si les problèmes qu’engendre la présence de l’islam en France posent la question de sa réforme, « celle-ci ne peut se faire en France ou en Occident indépendamment des autres pays musulmans ».

Le président français Emmanuel Macron, rappelle-t-on, prépare une réorganisation « complète » du culte musulman en France touchant essentiellement son organisation, le financement des lieux de culte et la collecte des dons et un programme de formation des imams.

A travers ce projet, le chef d’Etat français souhaite « réduire l’influence des pays arabes, qui empêche l’islam français d’entrer dans la modernité », en voulant « inscrire le culte musulman dans une relation apaisée avec l’Etat et les autres religions et ( ) l’associer pleinement à la lutte contre le fondamentalisme ».

Pour la philosophe algérienne, « envisager un islam en France réformé et moderne, alors que dans les autres pays musulmans il continue d’être figé et pratiqué dans sa version traditionnelle, est impossible sauf si cela ne touche qu’aux apparences et c’est ce que veulent justement les conservateurs », avertissant que lorsqu’il s’agit de leur religion, les musulmans vivant en Occident, « c’est vers les pays musulmans, pour la grande majorité leur pays d’origine, qu’ils se tournent ».

Pour elle, l’idée d’un islam spécifique à la France, qui est une « utopie » accentuera « la crispation et le rejet de la réforme ».

« L’idée d’un islam de France, ou d’un islam français comme certains préfèrent traduire cette expression, autrement dit d’un islam spécifique à la France, est une utopie », a-t-elle dit, estimant que ceci « ne fera que renforcer les attaques de ceux qui croient détenir le vrai islam » qui s’appuieront, selon elle, sur l’argument que l’Occident veut la fin de l’islam.

L’islamologue pense, par ailleurs, que la réforme de l’islam « n’est pas celle de l’islam de France ou d’Occident, mais celle de l’islam tout court ».

« Elle n’est pas non plus une exclusivité pour les musulmans de France ou d’Occident, car ceux qui vivent dans les pays à majorité musulmane ne sont pas à l’abri des bouleversements que connaît le monde et ne sont pas insensibles aux problèmes que rencontre l’islam dans les sociétés actuelles », a-t-elle expliqué.