L’appel lancé par Sellal à ses ministres ce mardi sonne comme une injonction : «Ouvrez des comptes Facebook et twitter. Communiquez et ne laissez jamais des questions sans réponses.» Les responsables algériens se réveillent et se mettent à l’heure des réseaux sociaux. Pour combler un déficit en communication ?
Le message du Premier ministre à son gouvernement s’apparente, à toute première vue, à un véritable coup de gueule, un cri du cœur sorti avec une sincérité perceptible pour combler un vide incommensurable qu’il n’est pas sans ignorer. Le pouvoir algérien est en mal de communication, coupé d’une société qui s’éloigne dangereusement en empruntant un virage où la contestation, parfois manifestée de manière violente, l’emporte désormais sur tout autre moyen de revendication. La situation n’est pas nouvelle.
Sellal comme les responsables qui l’accompagnent dans sa mission le savent. Mais ils savent aussi et surtout que le fossé qui s’est lentement mais sûrement creusé avec les Algériens n’augure rien de bon. Réaction salvatrice ? Ce mardi, le gouvernement a tout fait pour faire savoir qu’il comptait désormais saisir l’opportunité que lui présentent les réseaux sociaux pour tenter une issue à cette crise. Peu de temps après le Conseil du gouvernement où l’injonction fut donnée, le ministre de la Communication entreprend de relayer l’information en la diffusant au large publique.
«En plein Conseil du gouvernement, déclare-t-il à la presse, le Premier ministre nous a instruit d’ouvrir des comptes sur Facebook et Twitter (…) il en a d’ailleurs donné lui-même l’exemple en communiquant récemment sur son compte Twitter.»
Alors qu’il se trouvait à Addis-Abeba à la tête de la délégation algérienne présente au 28e Sommet africain, Abdelmalek Sellal, informé d’un mouvement de grève au sein des étudiants en pharmacie, avait, en effet, immédiatement réagi en postant un message à l’adresse des grévistes auxquels il promettait une rencontre dès son retour à Alger. Le moyen de communication utilisé avait alors tellement surpris que beaucoup avaient cru à un canular faisant douter de la véracité de l’information avant que celle-ci ne se vérifie le jour de l’audience aux étudiants qui ont tempéré leurs ardeurs en constatant la rapidité avec laquelle leur appel a été entendu. L’évènement ouvre la porte sur une nouvelle ère. Conscient de la victoire qu’il vient de remporter, Sellal fonce et exige de ses ministres la généralisation de cette méthode de travail.
Le Premier ministre figure parmi les premiers responsables algériens à avoir ouvert une page Facebook et Twitter. Longtemps malmené sur les réseaux sociaux où il est notamment accusé de commettre des «bourdes» à chacune de ses interventions publiques, l’homme semble avoir décidé de réagir sur le même terrain. Le succès remporté sur sa page Facebook semble bien l’avoir encouragé à aller de l’avant.
En gros caractères, la page d’affiche de son compte Facebook annonce que 8 121 Algériens ont déjà aimé les publications et les postes partagés par leur Premier ministre. Et comme pour montrer que le Premier ministre est sincèrement à l’écoute des Algériens, le gestionnaire du compte a mis au public une analyse de l’évolution des inscriptions au fil des semaines.
Une courbe tracée en fonction de l’inscription de nouveaux abonnés à cette page démontre une hausse de 0,8 % sur la semaine écoulée. Dans la totalité, une hausse de 26,4% a été enregistrée depuis les deux dernières semaines écoulées.
Sa page Facebook permet aussi de prendre la température. Les citoyens abonnés n’hésitent souvent pas à faire des critiques et des reproches crus à leur responsable qu’ils n’hésitent pas à rappeler à l’ordre à certaines occasions. L’un d’eux lui reproche par exemple de ne pas avoir répondu à ses doléances. Les réponses ne tardent jamais à venir.
La page Facebook de Sellal permet d’en savoir davantage, cependant. On y trouve le lien avec d’autres ministres du gouvernement tels que Houda Feraoun, ministre des Télécommunications, Benghabrit, ministre de l’Education nationale, et même Abdelaziz Bouteflika… Le président de la République vient en tête des mentions j’aime octroyées à nos responsables. Tout aussi fièrement, on y mentionne que 1057 508 Algériens sont abonnés à son compte.
Les messages critiques, parfois insultants n’y sont ni supprimés, ni masqués. Le compte visiblement géré occasionnellement n’a pas freiné le débit des messages citoyens.
Vient ensuite Nouria Benghabrit avec 654 560 abonnés et des mentions j’aime à n’en plus finir. Avec la ministre de la Poste et des Technologies de l’information et la communication, son compte figure parmi les plus alimentés. La communication sur les réseaux sociaux ne semble pas nouvelle pour Benghabrit. Elle avait choisi ce canal pour s’adresser aux élèves en colère lors d’une décision de réduire les vacances scolaires, pour annoncer qu’elle revenait sur sa décision. Signe des temps, la nouvelle avait alors immédiatement fait le tour et calmé les esprits en un temps record.
Une gageure en ces temps de crise où tous les moyens doivent être entrepris pour éteindre le plus rapidement les foyers de tensions qui s’allument.
Les responsables se sont rendus à l’évidence : mieux vaut utiliser les réseaux sociaux que les combattre et s’échiner vainement à bloquer une technologie qui ne fait que progresser et qui s’est rapidement transformée en instrument décisif dans des évènements importants ailleurs dans le monde. La fameuse phrase de Donald Trump après son élection à la présidence de la République a d’ailleurs, elle aussi, fait le tour du monde : «Mon audience sur Facebook, Twitter et Instagram m’a aidé à remporter les élections», a-t-il affirmé fièrement. Chez nous, les partis politiques l’ont aussi compris depuis longtemps.
En tête des meilleures performances : le Rassemblement national démocratique (RND) de Ouyahia (73 469) et… le FLN avec 17 700 j’aime.