Ce qui devait être une émission traitant de la cybercriminalité a tourné à des attaques en règles contre Facebook et Twitter. Souhila El Hachemi, l’animatrice de la chaine III, s’est adonnée dimanche 13 mars à un journalisme très particulier suggérant que les révoltes dans le monde arabe ont été « téléguidées », « commandées » via les réseaux sociaux. Compte rendu.
Alors que l’invité de l’émission, M. Abdelkader Mostefaoui, responsable à la DGSN en charge de la délinquance économique, s’est montré presque sobre, il a finit lui aussi par succomber à la rhétorique de la journaliste de la radio publique.
Après un petit tour de table sur la cybercriminalité, l’animatrice de la chaine III part en vrille en avançant des certitudes étonnantes : « Autres dangers, les réseaux sociaux, Facebook et Twitter avec des slogans diffusés sur internet au service des révoltes. On l’a vécu et suivi en direct. Il y a eu la Tunisie, l’Egypte, le Bahrein,aujourd’hui la Libye, l’Arabie Saoudite. Maintenant notre pays n’est pas à l’ abri. Le monde arabe est secoué aujourd’hui par un vent de révolte, commandé et dirigée. Il est loin, comme le pensent certains d’être spontané », lance-t-elle en direction de son hôte.
Ce dernier ne prend pas tout de suite à l’hameçon. « Ecoutez, les réseaux sociaux, ce n’est pas seulement un moyen d’exprimer sa révolte. A l’origine, ce sont des sites pour se distraire, créer des cercles d’amitié et des cercles professionnels etc. Comme tous moyen de diffusion de l’information, à l’image des médias, ces réseaux sont utilisés pour véhiculés des informations et exprimer les opinons et tout autres activités sociales », réplique M. Mostfaoui.
Et d’ajouter : «Du moment que c’est ouvert au public, tout citoyen algérien a le droit de consulter, de s’exprimer sur les réseaux sociaux et de suivre ce qui se dit et ce qui se diffuse ».
Insatisfaite par la réponse de son invité, la journaliste revient à la charge. « Mais les slogans diffusés aujourd’hui c’est internet au service des révoltes. Est-ce à dire que tout ce qui concerne le monde arabe a été commandé et dirigé ? Certains réseaux le revendiquent, notamment », interroge-t-elle.
Encore une fois, le responsable à la DGSN ne bronche pas. « Les observateurs et les analystes disent que les révolutions que connait le monde arabe ont été largement aidées et favorisées par les réseaux sociaux. Et ce par la diffusion de l’information, sa rapidité et le large éventail des personne qui adhérent », reconnait-il.
La journaliste ouvre une autre brèche en accusant le réseau Anonymous de « saper » les instruments de contrôles des Etats. « Alors, aujourd’hui, il y a des organisations qui se revendiquent de l’organisation dite Anonymous qui dit venir en aide à ces pays de tel sorte à permettre, même s’il ya intervention pour l’arrêt d’internet dans le pays, pour diffuser l’information et saper un peu les instruments de contrôle des Etats. C’est-à-dire, ils s’attaquent aux services de sécurité et aux gouvernements qui mettent en place des mécanismes d’interventions. Est-ce que vous avez entendu parler ? », se demande-t-elle.
L’invité de la chaine III y va de son explication. « C’est une organisation créé par des hackers dans l’espace virtuel. Le rôle tel que affiché est de bloquer tout action qui tend à interdire l’accès aux populations à internet. Ce sont donc des mouvements et des organisations qui ont pour but de libérer l’accès à l’information et élargir le champ d’accès des populations à internet », explique-t-il
La journaliste revient à la charge pour qualifier de « danger » les réseaux sociaux lesquels incitent à la révolte. « Aude-là que les réseaux sociaux soient des moyens de communications à travers le mode, aussi ça consiste un danger, on l’a vu aujourd’hui, dans le sens où ça a incité à des mouvements de révoltes dans les pays. On a vu la dernière fois avec Facebook. Egalement chez nous avec ce qui s’est produit, le 5 janvier dernier ? Le ministre de l’Intérieur l’avait ouvertement déclaré », avance-t-elle
Son invité tente d’esquiver : « Mis a part les révoltes et les révolutions, il faut dire que les réseaux sociaux sont des vecteurs de la cybercriminalité », dite-t-il, en citant les cas de la divulgation et la diffusion de données personnelles des internautes, la propagation des œuvres littéraires artistiques contrefaites et du phénomène de la pédophilie.
L’invité brode ensuite sur l’absence d’un vide juridique en matière de protection de données personnelles sur Facebook et Twitter. « Au niveau nationale, nous n’avons pas encore une législation qui protège les données personnelles. Il faut d’abord définir quels sont les données personnels à protéger. Et mettre en place des mécanismes de protection », reconnait-t-il.
Visiblement peu convaincue par les réponses du responsable de la DGSN, la journaliste remet une couche ! D’une manière choquante. « Les difficultés des enquêteurs pour localiser les auteurs des ces appels pour l’apologie de crime ou de soulèvements. Parce qu’on l’a vu et on l’a vécu en direct chez nous dans notre pays, en Tunisie, l’Egypte, Facebook et les ravages qu’il a pu exercer sur les gens pour se révolter contre leurs Etats. On a vécu ça nous», ne cesse-t-elle de ressasser.
« Je dois dire que internet offre l’anonymat qui est un obstacle très important pour les enquêtes… », reconnait M. Mostefaoui. L’animatrice lui coupe presque la parole et l’interroge d’une voix élevée : « Est-ce que cette anonymat ne vous permet pas de localiser les auteurs avec les moyens dont vous disposer ? », demande-t-elle.
Le chargé de la délinquance économique à la DGSN avoue que la tâche présente « quelques difficultés ». Ceci lorsque les auteurs se connectent à partir des cybercafés, sur des réseaux wifi ouverts au public et non sécurisés, admet-il. Selon lui, c’est aux internautes de se protéger, en mettant en place de mots de passe et des firewalls.
Pour justifier le fait que la révolte dans le mode arabe « n’a rien de spontanée », la journaliste convoque alors des experts. « Par rapport à Facebook et Twitter, le mouvement de révolte qu’a connu le monde arabe n’a rien de spontanée. C’est ce à quoi sont arrivés un certain nombre de d’expert », affirme-t-elle. Lesquels ? On n’en saura pas davantage.
La journaliste embraye sur un autre registre : la main de l’étranger. De préférence occidentale. « Est ce le cas aujourd’hui ? Vous travaillez sur la question, est ce que ce sont des mouvements guidés, téléguidés et orchestrés par des pays occidentaux ? On parle d’une organisation qui a été formée dans les années 80 et réactivée ces derniers temps. »
Son invité ne manque pas de la désavouer. « Ecoutez, des observateurs disent que les éléments vécus par les pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient est presque identique à la région de l’Europe de l’Est. Avec cette fois-ci un élément facilitateurs qui est internet et la téléphonie mobile. Des moyens de mobilisation et d’orientation des mouvements de protestation. Ce n’est pas une raison pour dire que les réseaux sociaux sont mauvais et à éviter », estime-t-il, en indiquant que Facebook et Twitter peuvent être utilisé à des fins culturels, professionnels ou à d’autres fins.
L’animatrice de la radio n’en démord pas. « Au niveau de la DGSN, est ce que vous en avez conscience ? », demande-t-elle. Impavide, M. Mostefaoui convoque la loi. «Ce qui ne constitue pas une infraction à la loi pénale ne peut être faire l’objet d’une action de police », précise-t-il en rappelant par ailleurs que la loi réprime l’apologie du crime, du racisme et de la haine.
La journaliste insiste : « Est-ce que vous avez les moyens suffisamment développés pour pouvoir traquer en temps réels ? Parce que dans ce cadre on sait qu’il faut réagir vite. Puisque vous avez dit qu’on ne peut pas localiser les personnes qui vont dans les cybercafés ? »
La police, selon ce responsable, a le souci de localiser les auteurs de ces infractions et les différer devant la justice.
La touche finale arrive. « Aude-là de leurs moyens de communication, qui se cache réellement derrière ces réseaux sociaux ? », s’interroge la journaliste
Là, l’invité de la radio dérape à son tour. « Il se peut qu’il se cache beaucoup choses (rires). Beaucoup de mauvaises choses comme de bonnes chose
(. …) Les mauvaises choses, c’est ce que l’on dit sur son pays, sa nation, ce qu’on exprime sur son gouvernement. Ce n’est n’est pas interdit de s’exprimer ou de communiquer son opinion, mais je dirais qu’il y a des limites », indique-t-il.
La journaliste soutient que la divulgation des secrets d’un pays peut le rendre vulnérable, d’où la nécessité de mettre en place des mécanismes de contrôle. « L’internaute doit avoir un certain recul par rapport à tout ce se dit et se diffuse sur ces réseaux », conclut M. Mostefaoui.
Que dire de cette attaque en règle contre la libre expression servie sur une radio publique ? La journaliste parle-t-elle en son nom ? La direction de la radio cautionne-t-elle une telle dérive de la part d’une de ses employées? La journaliste est-elle en service commandé ?