Les connectés pouvaient suivre en direct, ce qui se passait hier sur les lieux des manifestations avec tous les détails sur les présents et également de nombreuses vidéos et photos.
En plus des sites d’information algériens et étrangers, facebook a été un véritable relais des manifestations, ou tentatives de manifestations, qui se sont déroulées hier dans plusieurs villes algériennes.
Le réseau social était en pleine ébullition depuis vendredi. Les commentaires, géniaux pour certains ou creux pour d’autres, qui pullulaient sur les profils de nombreux facebookeurs et de groupes, ont été remplacés, depuis hier, par des vidéos et des infos. Plusieurs relataient, presque en direct, ce qui se passait à la place du 1er-Mai, à Alger, et dans d’autres villes. Comme lors des émeutes du 5 janvier dernier, le groupe ESA (envoyés spéciaux algériens) était au rendez-vous.
Nonobstant la qualité des informations et surtout leur authenticité, les connectés pouvaient suivre presque en direct, ce qui se passait sur les lieux des manifestations. En plus des détails sur les présents, il y avait également de nombreuses vidéos et photos, montrant “le duel” entre les manifestants et l’imposant cordon sécuritaire.
Comme indiqué par les administrateurs de l’ESA, trois “reporters” étaient à la place du 1er-Mai. Les photos et vidéos publiées proviendraient ainsi de ce trio. Les informations sur les arrestations et les heurts qui se sont déroulés à Oran et à Annaba ont eu également leur place sur la page du groupe.
Évidemment, à la place du
1er-Mai, il n’y avait pas uniquement ceux de l’ESA. Manifestants et curieux étaient munis d’appareils photo et de portables pour prendre des photos et des vidéos. “Je compte les mettre sur mon profil facebook dès que je pourrai me connecter et cela ne dépend que de la tournure que prendra la manifestation”, nous dira un jeune rencontré sur les lieux. Un autre, brandissant son appareil numérique au-dessus des têtes, s’est écrié, en souriant, envers son ami : “Ce soir, je vais remplir mon facebook par ces vidéos, je vais être Al-Jazeera des copains.” Facebook n’a pas été seulement une vitrine sur les marches d’hier. Il a été aussi un “catalyseur”. Annaba en est la meilleure illustration. Des dizaines de facebookeurs, qui s’étaient donné rendez-vous sur le cours de la Révolution, ont été ainsi arrêtés par les services de sécurité. Contactée par Liberté, une des manifestante, affirmera qu’“il y a eu 16 personnes arrêtées dont un journaliste et trois enseignants”, précisant qu’“une jeune fille qui n’était même pas venue pour manifester a été brutalisée lors de son arrestation”.
Un autre facebookeur bônois, contacté également par Liberté, a confirmé les informations mais en précisant qu’il y a eu plus de 20 personnes arrêtées avant d’indiquer que “ceux qui se sont rassemblés sur le cours de la Révolution ont pu être mobilisés grâce à facebook et tous sont des indépendants”.
Les facebookeurs algériens installés en France étaient les plus grands frustrés hier. Depuis le début de la matinée, ils cherchaient la moindre information sur les marches prévues à travers le territoire national, surtout celle d’Alger. Les rares informations et vidéos diffusées par les chaînes étrangères étaient loin d’“assouvir” leur soif d’information. L’un d’eux a fait mieux. Il s’était déplacé sur Alger pour l’occasion. Il s’agit du chanteur gnawi, Amazigh Kateb. Après avoir annoncé depuis plusieurs jours qu’il serait de la partie, il a tenu parole. Même si sur son profil facebook, il était “absent”, sa vidéo au milieu des manifestants d’Alger a fait le tour du réseau. Plusieurs l’ont affiché sur leur profil dès le début d’après-midi. Il faut aussi signaler que le groupe Algérie Pacifique a raté son “expression” virtuelle pour ce 12. Ce collectif n’a rien publié depuis vendredi après-midi.
Vraisemblablement, tous ses membres étaient présents aux manifestations et ont oublié de se “manifester” sur la Toile.
L’une des leçons à tirer de cette journée est l’impact grandissant qu’est en train de prendre le réseau social dans toutes les formes de contestation et de revendication en Algérie. Lors d’une enquête réalisée en octobre dernier par deux entreprises algériennes spécialisées dans le conseil en webmarketing (Med&Com) et les solutions logicielles (Ideatic), facebook aurait
1,2 million d’utilisateurs DZ. Si une nouvelle enquête était lancée aujourd’hui, le nombre serait beaucoup plus important. La fièvre du réseau social a touché plus d’un depuis le début 2011.
De nombreux comptes ont été créés, et le côté “in” du réseau est totalement dépassé. Les émeutes du 5 janvier, et surtout la réussite des révolutions tunisienne et égyptienne, ont déclenché un immense vent facebookien chez les jeunes et les moins jeunes. Certains n’hésitent pas à parler d’une maturité politique en gestation.
Cependant, il semble que beaucoup rêvent de rééditer ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte, en croyant que facebook est la “sahat al-Tahrir”.