Face aux nouvelles mutations mondiales et à la crisse morale : Quel rôle pour l’intellectuel en Algérie ?

Face aux nouvelles mutations mondiales et à la crisse morale : Quel rôle pour l’intellectuel en Algérie ?

Le mot intellectuel provient du mot latin intellectus, de intellegere, comprendre. La fonction de l’intellectuel n’est pas à proprement parler récente car à l’époque de la Grèce antique des leaders charismatiques, qui font l’intellectuel, se retrouvent dès la première étape du mouvement social qui comme Gorgias ou Protagoras ont marqué leur époque par une démarche passionnelle de l’esprit.

Il est intéressant pour la compréhension, de voir les définitions qu’en donnent différents grands auteurs qui ont marqué l’histoire contemporaine. Dans Horizons et débats, numéro 26, juin 2004, le rôle de l’intellectuel dans la société Joseph M. Kyalangilwa définit intellectuel toute personne, homme ou femme, qui met son intelligence au service de la communauté.

La modestie permet de progresser. L’arrogance est un frein » (Proverbe chinois)

Selon mon humble avis, le rôle de l’intellectuel n’est pas de produire des louanges par la soumission contre-productive pour le pouvoir lui-même en contrepartie d’une distribution de la rente, mais d’émettre des idées constructives, selon sa propre vision du monde, par un discours de vérité pour faire avancer la société. Aussi, toute société qui limite la critique positive, ne met pas en place des contre-pouvoirs politiques et sociaux, en s’appuyant sur des intellectuels organiques aux ordres selon l’expression heureuse de Antonio Gramsci, est vouée à la décadence car une société : sans intellectuels nous avons un corps sans âme

1.-Le rôle de l’intellectuel selon les courants de pensée

Le mot intellectuel provient du mot latin intellectus, de intellegere, comprendre. La fonction de l’intellectuel n’est pas à proprement parler récente car à l’époque de la Grèce antique des leaders charismatiques, qui font l’intellectuel, se retrouvent dès la première étape du mouvement social qui comme Gorgias ou Protagoras ont marqué leur époque par une démarche passionnelle de l’esprit. Il est intéressant pour la compréhension, de voir les définitions qu’en donnent différents grands auteurs qui ont marqué l’histoire contemporaine. Dans Horizons et débats, numéro 26, juin 2004, le rôle de l’intellectuel dans la société Joseph M. Kyalangilwa définit intellectuel toute personne, homme ou femme, qui met son intelligence au service de la communauté. Selon les historiens Pascal Ory et Jean-François Sirinelli, un intellectuel est » un homme du culturel, créateur ou médiateur, mis en situation d’homme du politique, producteur ou consommateur d’idéologie.

Raymond Aron, dans L’Opium des intellectuels (1955), pose cette question du rôle du savant dans la cité, l’intellectuel étant un » créateur d’idées » et doit être un » spectateur engagé » Pour Pierre Bourdieu, dans » Contre-Feux 2, Raisons d’agir, Paris 2001 « l’ intellectuel ne peut être que collectif …il peut et doit remplir d’abord des fonctions négatives, critiques, en travaillant à produire et à disséminer des instruments de défense contre la domination symbolique qui s’arme aujourd’hui, le plus souvent, de l’autorité de la science ; fort de la compétence et de l’autorité du collectif réuni, il peut soumettre le discours dominant à une critique logique qui s’en prend notamment au lexique mais aussi à l’argumentation. Pour cet auteur, toute la pensée politique critique est donc à reconstruire, et elle ne peut pas être l’œuvre d’un seul maître à penser, livré aux seules ressources de sa pensée singulière, ou porte-parole autorisé par un groupe ou une institution pour porter la parole supposée des gens sans parole.

2.- L’intellectuel est- il neutre ou engagé ?

Pour Jean-Paul Sartre, l’intellectuel « est celui qui refuse d’être le moyen d’un but qui n’est pas le sien et quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas et l’intellectuel ne peut donc être que » de gauche , à condition d’entendre ce terme dans le sens d’un désir éthique de justice, et non dans un sens purement politique ». Pour Edward Said (des intellectuels et du pouvoir, Seuil, Paris, 1996), l’intellectuel n’est ni un pacificateur ni un bâtisseur de consensus, mais quelqu’un qui engage et qui risque tout son être sur la base d’un sens constamment critique, quelqu’un qui refuse quel qu’en soit le prix les formules faciles, les idées toutes faites, les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens de pouvoir et autres esprits conventionnels. Le choix majeur auquel l’intellectuel est confronté est le suivant : soit s’allier à la stabilité des vainqueurs et des dominateurs, soit – et c’est le chemin le plus difficile – considérer cette stabilité comme alarmante, une situation qui menace les faibles et les perdants de totale extinction, et prendre en compte l’expérience de leur subordination ainsi que le souvenir des voix et personnes oubliées. Pour Albert Camus (discours de Suède, Gallimard, 1958) l’écrivain « ne peut se mettre au service de ceux qui font l’histoire : il est au service de ceux qui la subissent ….notre seule justification, s’il en est une, est de parler, dans la mesure de nos moyens, pour ceux qui ne peuvent le faire ». Mais, ajoute-t-il, « il ne faudrait pas pour autant attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales.

La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu’exaltante ». Cependant l’efficacité de ces analyses d’intellectuels engagés est remise en cause. Ainsi, pour Michel Foucault, » Dits et écrits II, 1976-1988, Gallimard, Paris, 2001 « pendant longtemps, l’intellectuel dit de gauche a pris la parole et s’est vu reconnaître le droit de parler en tant que maître de vérité et de justice. On l’écoutait, ou il prétendait se faire écouter comme représentant de l’universel. Il y a bien des années qu’on ne demande plus à l’intellectuel de jouer ce rôle ». Pour Antonio Gramsci, l’organisation de la culture est organiquement liée au pouvoir dominant. Ce qui définit les intellectuels, ce n’est pas tant le travail qu’ils font que le rôle qu’ils jouent au sein de la société; cette fonction est toujours, plus ou moins consciemment, une fonction de « direction » technique et politique exercée par un groupe soit le groupe dominant, soit un autre qui tend vers une position dominante.

Par le Dr Abderrahmane Mebtoul