Un spectacle devenu quasi quotidien
Les pouvoirs publics n’ont apparemment, d’autre alternative que de satisfaire des revendications salariales qui ont fait boule de neige au point de menacer l’existence de milliers d’emplois.
La hausse des salaires de l’ordre de 106% réclamée par le personnel gréviste d’Air Algérie peut-elle être supportée par leur compagnie? Ne représente-t-elle pas une forme de chantage en cette période d’été? Et si simultanément, l’on prenait en compte le coût que doit générer l’ampleur d’une telle opération, ne frôle-t-on pas le début d’un bras de fer qui remettrait en cause la stabilité retrouvée d’Air Algérie? «La situation financière de la compagnie ne permettra pas de satisfaire l’augmentation des salaires à hauteur de 106%», a fait remarquer Mohamed Salah Boultif, le nouveau P-DG d’Air Algérie qui est prêt à mettre la main à la poche à hauteur de 20%. Combien d’entreprises sont dans le même cas? Des dizaines probablement. En matière de stratégie, la cessation du travail par le personnel de la compagnie aérienne nationale a l’air d’avoir été adroitement planifiée. Elle intervient en pleine période estivale qui équivaut à une saison où les déplacements domestiques et surtout ceux des deux côtés de la Méditerranée connaissent leur point culminant. Les grévistes peuvent mettre une grosse pression sur leur employeur pour faire aboutir leurs doléances. Le revers de la médaille est que leur mouvement risque, si le conflit perdure, de devenir impopulaire. Tous les employeurs algériens ne sont pas égaux devant la problématique de la hausse des salaires. De nombreuses entreprises ont été éprouvées par ce phénomène quasiment «historique» de l’Algérie indépendante. Il y a eu l’élaboration des statuts particuliers de la Fonction publique avec des augmentations conséquentes de salaires pour les enseignants, les médecins… qui ont touché tous les autres secteurs avec effet rétroactif depuis le mois de janvier 2008. L’Etat étant le plus grand pourvoyeur d’emplois avec plus d’1,5 million, soit les pouvoirs publics qui ont décidé de répondre aux attentes des salariés, de pratiquement tous les secteurs, ont estimé que la facture qui se chiffre à des milliards de dinars peut être supportée sans porter préjudice à l’équilibre des finances de l’économie nationale, soit ils l’ont fait pour calmer un front social en ébullition pour acheter la paix sociale avec une dose d’irresponsabilité qui risque de compromettre pour longtemps une croissance économique qui repose essentiellement sur la bonne santé des activités du secteur des hydrocarbures. Surtout si l’on prend en compte la hausse des salaires de 36% accordée aux policiers ou celle plus conséquente de 75% accordée aux douaniers. Sous le poids d’une telle opération, qui nécessite le recours à une enveloppe financière conséquente, le déficit budgétaire doit se creuser de près de 34% d’ici la fin de l’année 2011. Une démarche qui soumet certaines entreprises dont la situation financière est plus fragile que d’autres, à un vrai casse-tête pour améliorer le pouvoir économique de leurs travailleurs. Les cheminots et les transporteurs en général, ceux de la sidérurgie à l’instar d’ArcellorMital, ou de la méttallurgie (Snvi Rouiba…), les postiers ou encore les agents communaux…ont battu le pavé ou tout simplement débrayé et demeurent mobilisés tant que leurs revendications ne sont pas encore satisfaites. Pour un retour à la normale leurs organismes employeurs doivent mettre la main à la poche.
L’un des derniers mouvements de grève déclenchés par les travailleurs d’Air Algérie est révélateur d’une société en pleine mutation en proie à des mouvements sociaux dont le principal aiguillon est la sauvegarde du pouvoir d’achat. Une réaction tout à fait légitime qui s’apparente à un geste de «survie» étant donné la flambée des prix qu’ont connue les produits de consommation de base,les fruits et légumes, les viandes blanches et rouge et le poisson. Un constat qui a eu la bénédiction de dirigeants politiques de haut niveau et qui crédibilise les revendications en série des travailleurs algériens. Où vont les entreprises algériennes?
Le ministre du Travail ne s’est pas posé la question. «La moyenne des salaires représente 20% du PIB alors que la norme au niveau mondial est de 35%», a déclaré Tayeb Louh pour dire que les Algériens ne sont pas assez payés, à moins de deux mois de la tripartite.
«C’est la première fois que je le dis, mais pas en tant que ministre», a t-il tenu à préciser. Tayeb Louh a t-il troqué sa casquette de membre du gouvernement pour celle de syndicaliste? Sidi Saïd n’aurait pas fait mieux!