La fin de l’été s’annonce sous des auspices incertains au plan politique et sous des formes dramatiques pour des centaines de milliers de citoyens qui ne savent pas comment faire face aux frais des rentrées scolaire et universitaire.
Depuis quelques années, de très nombreuses familles vivent la rentrée sociale dans la douleur. Les dépenses incompressibles qu’elle induit grèvent considérablement leur budget déjà fortement érodé par l’inflation. Il y a eu d’abord le couffin du Ramadhan, qui a coûté excessivement cher cette année, eu égard à la flambée inexpliquée des légumes, des viandes et autres ingrédients composant les mets incontournables de la table de ce mois sacré. Viennent ensuite les achats de l’Aïd, suivis par les dépenses liées à la reprise de l’école.
L’UGTA a établi, en 2011, qu’un foyer de six personnes a besoin d’un revenu mensuel de 37 000 DA pour faire face aux frais de fonctionnement du ménage, de l’alimentation, de l’habillement et divers, tout en rationnalisant au maximum les dépenses. En périodes exceptionnelles, comme le Ramadhan ou la rentrée des classes, il faudra multiplier ce chiffre au moins par deux.
Malgré la revalorisation du Salaire national minimum garanti, fixé actuellement à 18 000 DA, de celle des retraites (augmentation de 9% perçue au mois d’août avec effet rétroactif du mois de mai 2012) et de manière plus générale la hausse des salaires de pratiquement tous les travailleurs des secteurs publics notamment, le pouvoir d’achat demeure faible. Une situation qui place le pays aux abords du cratère d’un volcan endormi qui peut se mettre en irruption à tout moment.
La menace de l’explosion sociale inquiète d’ailleurs des partis politiques et aussi la Centrale syndicale. L’UGTA a, en effet, fait part de sa crainte de voir profiler une rentrée sociale “explosive”. Elle suggère, comme bon moyen d’éviter la crise, la tenue, dans de brefs délais, d’une bipartite ou carrément une tripartite. Au début du mois, l’UGTA et le Cnes (Conseil national économique et social) ont transmis au président de la République un mémorandum, dans lequel les deux organisations consignent 80 propositions, s’articulant essentiellement autour de la préservation du pouvoir d’achat. Un objectif qui ne saurait être atteint sans, entre autres, la maîtrise de l’inflation, la régulation du commerce intérieur et l’engagement d’une bonne réforme financière.
Certains partis politiques avertissent, aussi, les pouvoirs publics contre une crise sociale dont ils entrevoient les prémices. Aussi bien la formation de Abdallah Djaballah que celle d’Amara Benyounès tirent la sonnette d’alarme. Le Mouvement populaire algérien a souligné, dans un communiqué rendu public via la presse nationale, que “les Algériens ne comprennent pas la discrétion des pouvoirs publics face à une situation qui comporte tous les ingrédients d’une explosion sociale”. À ce titre, il a rappelé que “l’acte de gérer, de gouverner, consiste à prévenir et non à expliquer les défaillances a posteriori”. Les syndicats autonomes, notamment ceux de l’éducation et de la santé alimentent la grogne et promettent de renouer avec les grèves à la rentrée. Le malaise social est davantage exacerbé par ce qui est perçu comme l’immobilisme du gouvernement. Il était attendu, certes, que le président de la République procède au changement de l’Exécutif juste après les élections législatives du 10 mai dernier. L’opinion publique aurait été, alors, édifiée sur les orientations qu’il souhaitait donner à ses réformes politiques et sociales. Près de quatre mois après, le statu quo perdure. Pire encore. Comme cela a été, à maintes reprises relevé dans les colonnes de la presse nationale, sept ministères fonctionnent sans leurs titulaires. Les affaires des ministères du Travail, des Travaux publics, des Transports, des Télécommunications, de l’Environnement et de l’Enseignement supérieur, ainsi que celles de la Justice sont prises en charge par des collègues ministres, qui président aussi aux commandes de leur propre département. Une situation inédite, ne serait-ce que par sa durée. En somme, la promptitude des pouvoirs publics à juguler la pression sociale et par ricochet politique, pour se mettre à l’abri des soubresauts du Printemps arabe s’émousse au fur et à mesure que les révoltes, qui ont déchu de leur pouvoir des dictateurs avérés, perdent de leur impact médiatique et de leur force de contagion. Ce sont donc les vieilles habitudes, d’un pouvoir aux antipodes des préoccupations des citoyens, qui reviennent.
S. H