Le retour des souks hebdomadaires, depuis plus d’une quinzaine d’années, est un signe de décadence de la seconde ville du pays, même si force est de reconnaître que ce fait accompli relève de l’incapacité des gestionnaires de la cité à développer un réseau commercial normatif, notamment dans les nouvelles zones d’habitation
Aujourd’hui, le constat est amer. En effet, la culture du souk s’est imposée et une virée au marché hebdomadaire qui se tient chaque mercredi à Maraval nous renseigne sur tous les aspects négatifs de la tenue de telles manifestations économiques. Ici, et dans un brouhaha indescriptible, si les clients viennent de tous les quartiers d’Oran, les marchands, eux, viennent de toutes les villes de l’Ouest, très tôt le matin pour occuper « leur » espace réservé.
Les mêmes vendeurs se retrouvent chaque mercredi au même endroit, à quelques centimètres près. Si l’on se fie aux plaques minéralogiques des voitures, Relizane et Tiaret fournissent de la laine vierge; Mascara, des pommes de terre; Sidi Bel Abbès, un horloger ambulant; Chlef, des fripiers de Chleff, Mostaganem, des vendeurs de pastèques et melons, et Aïn Témouchent, du raisin, pour ne citer que ces wilayas qui reviennent régulièrement sur les lieux. Si bien que le souk pourrait nourrir des ambitions nationales, si la demande se maintenait à ce rythme, car la surface occupée par les marchands s’étale à vue d’œil.
Pratiquement, tous les espaces existants entre les immeubles sont occupés jusqu’à la mi-journée. Si l’on devait se référer à certaines plaintes du voisinage, la présence de cet important lieu d’échanges commerciaux, qui ameute des milliers de consommateurs et des centaines de marchands, ne fait pas l’unanimité, comme nous l’avons rapporté dans plusieurs de nos livraisons.
Loin s’en faut. On croit savoir, en effet, que certains riverains se seraient plaints de cette situation. «Ils n’ont aucune raison de se plaindre», ripostera un marchand habitant le quartier, qui affirme que «ce marché a des retombées très positives pour tout le quartier. Beaucoup d’habitants ont ouvert des commerces et réalisent de bons chiffres d’affaires, grâce à la clientèle potentielle que draine le souk».
Les quartiers ont remplacé les douars
Cette vieille tradition chère à nos ancêtres, qui pouvait s’expliquer par la dissémination des centaines de milliers de douars incapables de se doter chacun d’un marché, à l’époque, n’est plus un argument recevable aujourd’hui.
Le temps a passé, mais comme les vieilles habitudes ont toujours eu la peau dure, les quartiers ont remplacé les douars et ont formé une agglomération qui peut aisément se doter d’un marché permanent, où les habitants trouveraient tous les produits nécessaires. Le nombre de marchés, dignes du nom, créés depuis des décennies, se compte sur les doigts d’une seule main.
Ce qui a donné naissance à une multitude de souks partout où on pressent l’existence de clients potentiels. Des rues entières sont squattées en permanence. Pour les trottoirs, c’est déjà fait depuis longtemps, en toute impunité. La « possession » de ces espaces publics par les vendeurs est si forte et exclusive que le stationnement est interdit pour les automobilistes.
La présence des marchands informels ne semble pas tellement déranger les nombreuses ménagères, qui trouvent, à proximité, les produits recherchés à des prix qu’on dit «raisonnables». La demande ayant explosé, le nombre de marchands s’est multiplié à une vitesse incroyable pour répondre aux besoins induits.
Et on assiste à la naissance d’un souk dans les règles de l’art, où n’importe qui peut vendre n’importe quoi, n’importe où et à n’importe quel prix. Un véritable souk ! Puis, l’idée d’une concentration de tous ces vendeurs à la sauvette en un seul endroit avait fait son chemin. Et ce fut l’apparition des marchés volants, qui se déplacent à travers les quatre coins de la ville.
Ça, des marchés parisiens ?
Face à cette anarchie totale qui va à contresens de tous les discours officiels voulant donner à El Bahia une dimension méditerranéenne, l’idée de réaliser des marchés parisiens a germé depuis plusieurs années.
Annoncé en grande pompe par les responsables locaux, le projet de réalisation de 3 marchés parisiens à Oran semble en panne si l’on s’en tient à leur gestion, qui est loin d’être normative. Par définition, un marché parisien se tient la matinée jusqu’à 13 heures, et les commerçants légalement domiciliés sont tenus d’évacuer les lieux et de laisser place aux services de nettoyage pour rendre l’espace aux riverains.
Or, ce n’est nullement le cas, et les habitants de la rue des Aurès (ex-La Bastille), connue pour abriter le plus ancien marché de style parisien de la ville d’Oran, continuent d’être asphyxiés par une activité commerciale à longueur de journée, au point où, pour un transfert en urgence de malades, la mission est quasi impossible du fait que l’artère est inaccessible. Ici, si le nombre officiel de tables n’est que d’une centaine, le nombre de commerçants dépasse largement le double.
Ceci étant, ce sont ces intrus, comme les qualifient les commerçants légaux, qui sont à la source de toutes les négations observées avec, avant de partir, l’abandon des places à d’autres commerces informels qui exposent d’autres produits de tout genre dans un désordre total.
Le seul espace du même style qui semble échapper à cette anarchie est celui de l’USTO, érigé à la place des anciennes baraques qui composaient l’ancien marché, rasé il y a quelques années et remplacé par un autre plus réglementé sur insistance de la population locale.
Il faut absolument tout revoir
Par ailleurs, il est à rappeler que pour cette année, un montant de 25 milliards de centimes a été mobilisé par la division des Affaires économiques de l’APC d’Oran pour la réhabilitation des marchés couverts répartis à travers les divers secteurs de la ville d’Oran.
Mais, s’interrogent les citoyens, « pourquoi ces dépenses, alors que certaines de ces structures sont complètement désertées par les commerçants qui ont élu domicile sur la voie publique ? ». L’exemple du marché de Boulanger, retapé à neuf il y a quelques mois, reste édifiant. Ce programme risque d’être hypothéqué si l’activité commerciale n’est pas réglementée autour des marchés.
C’est l’avis d’un responsable de la direction du Commerce. On apprend qu’il a été fait appel aux services communaux de la division des Affaires économiques, ainsi qu’à la force publique, du fait qu’il y a une occupation illégale de la voie publique, afin d’agir efficacement contre ceux qui squattent les espaces extérieurs et bloquent l’entrée du marché comme au marché des Mimosas à Cité Petit.
A la direction du commerce, on soutient que l’évacuation des places publiques ne relève pas de son ressort et que la régulation de l’activité commerciale dans les marchés communaux relève de la coordination de l’action entre les services de la sûreté, du commerce et de la commune !
H. Badaoui