Avec la fonte des recettes pétrolières le gouvernement est face à une équation de plus en plus insoluble. Un déficit abyssal, un Fonds de régulation des recettes (FRR) en voie d’épuisement, des réserves de change durement affectées…
Les comptes de l’État sont au rouge, sans que des solutions viables et sérieuses n’émergent.
La Loi de finances pour 2015 a été calculée sur la base d’un baril de référence à 37 dollars. Avec un baril à 100 dollars, le déficit budgétaire prévu de l’Algérie se chiffrait déjà à près de 1200 milliards.
Or, les cours du brut se sont largement effondrés et flirtent avec les 45 dollars, au plus bas depuis 2009. Avec un baril à un niveau de 40 dollars, le déficit pourrait dépasser les 2500 milliards de dinars, soit près de 25 milliards de dollars.
Un trou béant que le gouvernement doit combler. C’est le rôle du FRR. Mais le gouvernement met également en œuvre une série de mesures techniques qui visent, en théorie, à atténuer la gravité de la crise. Décryptage.
Dévaluation du dinar : jusqu’où peut-on aller ?
En un an, le dinar algérien – sous l’impulsion de la Banque d’Algérie, elle-même guidée par une volonté politique du gouvernement – a perdu près de 35 % de sa valeur face au dollar. Une grande partie de la baisse a été enregistrée ces trois derniers mois dans le sillage du pétrole. Le dinar ne suit plus uniquement les évolutions de la parité euro/dollar. Il est surtout corrélé au prix du baril.
Explication : en dévaluant le dinar, le gouvernement augmente artificiellement ses recettes fiscales. La fiscalité pétrolière est en effet exprimée en dinars mais calculée sur la base d’un baril libellé en dollars. À chaque fois que le baril baisse, la Banque d’Algérie dévalue le dinar pour compenser la différence de prix et maintenir le déficit du budget à un niveau acceptable.
Sauf que les prix du pétrole continuent de s’effondrer, réduisant d’autant les recettes tirées de la vente d’hydrocarbures. Un cercle vicieux qui pousse le gouvernement à «dévaluer» le dinar toujours davantage pour compenser… Mais jusqu’à quand ? Quelle est la limite de cette politique ? Bien qu’elle considère, au même titre que le FMI, que le dinar est surévalué, la Banque d’Algérie peut-elle vraiment aller, par exemple, jusqu’à une dépréciation du dinar de 50 %, sans en passer par le Parlement ? Car les conséquences d’une politique aussi brutale auront un impact direct sur le pouvoir d’achet de la population et sur l’économie nationale en général.
Récupérer l’argent de l’informel
Une fois les possibilités offertes par la dévaluation du dinar épuisées que peut faire le pouvoir pour réduire le déficit en cas de poursuite de la baisse du baril ? Du côté de la fiscalité ordinaire, soit hors hydrocarbures, les possibilités sont réduites. Peu de bonnes surprises sont à attendre. Au contraire, avec un probable ralentissement de la croissance et de l’activité économiques, l’impôt ordinaire devrait même baisser.
Cela dit, le gouvernement mise sur l’amnistie fiscale pour récupérer des fonds qui échappent pour l’instant à son contrôle. Avec une taxe forfaitaire libératoire insignifiante de 7 %, l’État espère pousser les acteurs de l’informel à régulariser leur situation.
Non pas pour récupérer directement de l’argent : même avec les anticipations les plus optimistes du gouvernement – 1000 milliards de dinars d’ici la fin de l’année -, l’État ne récupérerait que 70 milliards de dinars de recettes fiscales supplémentaires sur la base d’une taxation à 7 %. Un montant dérisoire au regard du déficit abyssale de 2500 milliards attendu.
Mais la bancarisation de l’argent de l’informel permettrait au Trésor public de financer des projets en empruntant auprès des banques sans « évincer » les entreprises et les ménages qui ont recours aux emprunts bancaires.
L’emprunt «obligataire» ?
Justement, une troisième solution technique s’offre au gouvernement : un emprunt obligataire interne, auprès des banques et des ménages, présente une solution intéressante, voire obligatoire, pour lever des fonds et financer des projets d’équipements et des investissements sans augmenter les déficits. Un endettement interne qui évite de recourir – pour l’instant – à l’endettement externe.
Mais c’est loin d’être gagné : un État en crise n’inspire pas confiance. Les Algériens risquent d’être davantage tentés de cacher leur argent «sous le matelas» que de le prêter à l’État.
Certains préfèrent convertir (ou préserver) une partie de leurs avoirs en devise étrangère, en guise d’assurance contre un dinar en chute libre. Cette tendance se confirme avec la situation de tension sur le marché du change parallèle où l’euro commence à flamber.
Des introductions en bourse en perspective
Enfin, une ultime solution pour lever des fonds : le projet d’introduction en bourse de plusieurs entreprises publiques a été relancé. Une manière de renflouer les caisses de l’État avec de l’argent frais.
Un simple gain de temps
Ce sont là quelques-unes des solutions techniques à court terme dont dispose le gouvernement. Ces mesures donneront à l’Algérie une certaine marge de manœuvre et permettra de tenir un an ou deux, le temps qu’une hypothétique remontée des cours intervienne. Mais après ? .
Tewfik Abdelbari .
(TSA)