certains économistes estiment que les quelques mesures annoncées jusque-là sont manifestement en net décalage par rapport aux vrais enjeux et ne permettent pas de créer le choc salutaire du changement espéré.
La chute rapide des cours sur le marché pétrolier international, au cours du second semestre 2015 est venue révéler, encore une fois, l’extrême fragilité de notre système économique. Après avoir tenu un discours rassurant, le gouvernement a été contraint de réagir. Des mesures visant la viabilité du budget de l’État, la maîtrise des dépenses et de la balance des échanges commerciaux du pays ont été prises. Selon un télex en date du 4 août 2015 émanant du ministère des Finances et signé par le directeur général du budget adressé notamment aux contrôleurs financiers auprès des ministères, institutions et établissements publics, tous les projets d’équipements inscrits et non lancés à ce jour seront gelés à l’exception des programmes de développement locaux (PCD). Le gouvernement a adopté des mesures pour réduire les importations, notamment de médicaments et de véhicules. Dans ce cadre, la Banque d’Algérie, dans une instruction, a baissé le niveau des engagements extérieurs par signature des banques et établissements financiers. Depuis le 1er août 2015, le niveau des engagements extérieurs par signature des banques et établissements financiers ne doit, à aucun moment, dépasser une fois leurs fonds propres réglementaires tels que définis par la réglementation prudentielle en vigueur. Certains économistes estiment que les quelques mesures annoncées, jusque-là, sont manifestement en net décalage par rapport aux vrais enjeux et ne permettent pas de créer le choc salutaire du changement espéré. Pour eux “le gouvernement agit encore comme s’il ne s’agissait que de gérer des difficultés économiques passagères, là où des réformes plus structurelles sont rendues nécessaires pour commencer à jeter sérieusement les bases d’une économie qui doit plus que jamais se préparer au défi de l’après-pétrole”. Le véritable enjeu de la politique économique nationale, celui qui devrait mobiliser l’ensemble des acteurs économiques au cours des prochaines années, c’est la construction d’une économie plus diversifiée et moins dépendante des performances du seul secteur de la production et des exportations d’hydrocarbures. Or, tous les travaux menés sur l’économie algérienne révèlent que la visibilité en matière de politique économique figure parmi les contraintes sérieuses auxquelles font face les agents économiques.
L’ancien ministre Abdelhamid Temmar, dans son dernier livre sur “L’économie de l’Algérie”, relève que “l’action du gouvernement et ses objectifs sont peu lisibles dans leur portée et leur mise en œuvre, l’abondance des textes et les changements brusques de décisions constituent un élément d’incertitudes qui désoriente les agents économiques”. L’ancien ministre rappelle dans son livre que “les préoccupations de stabilité sociale immédiate prennent le pas sur la mise en place d’un système économique qui assurerait, à travers la maîtrise et la durabilité d’une croissance élevée et inclusive, une stabilité économique et politique dans une perspective à long terme”. Évoquant la question de la gouvernance économique, le professeur Temmar indique qu’elle a été au centre des débats des années 1986 à 1989 et elle a constitué la trame des grandes réformes lancées de 1989 à 1991, au moment de la rupture avec le système de gestion étatique de l’économie nationale. Depuis, si elle est évoquée d’une manière régulière, elle n’a jamais été réellement considérée comme une problématique stratégique. C’est la dimension manquante de la stratégie de développement économique de la nation. “La gouvernance économique a toujours été centralisée et peu transparente. Le sujet de la gouvernance économique n’a jamais figuré comme une préoccupation de politique économique”, a-t-il écrit. Pourquoi ? Pour le professeur Abdelhamid Temmar, la réponse est qu’un cadre précis de gestion économique touche au problème de l’organisation du pouvoir et du mode de gestion politique et à l’état des rapports de forces au sein de la société. “Définir un cadre de gouvernance, c’est imposer des règles du jeu aussi bien aux parties prenantes sociales qu’au gouvernement lui-même. Une gouvernance définie, ce sont des libertés de décision dont se prive le gouvernement. Cela explique les hésitations et les contradictions permanentes qui ont marqué la gouvernance économique”, a-t-il affirmé. L’ancien ministre a indiqué, par ailleurs, que les partenaires sociaux et économiques et les acteurs politiques ne sont associés à la formulation des politiques publiques, comme la mise en œuvre, que de manière épisodique. La seule forme d’institutionnalisation de l’association des partenaires économiques et sociaux est la Tripartite dont les résultats sont, en général, purement formels, en dehors du relèvement du SNMG. En effet, plusieurs décisions de la Tripartite n’ont pas été appliquées.
M. R.