Fabrication de glaces : Les gros producteurs déroutés par la concurrence

Fabrication de glaces : Les gros producteurs déroutés par la concurrence

Le marché de la production de glaces n’arrive pas à décoller en raison des litiges et des producteurs saisonniers qui cassent les prix, dénoncent les gros producteurs qui n’arrivent pas à cerner la demande réelle en Algérie.

Les fabricants de crème glacée peinent à s’organiser en association professionnelle pour stabiliser le marché qui connaît des perturbations en dépit de leur indépendance de l’Office national interprofessionnel du lait (ONIL) pour leur approvisionnement en poudre de lait. C’est ce qui ressort de l’enquête menée auprès de certains producteurs de glace. Par ailleurs, a-t-on appris auprès de certaines sources, «un litige en justice entre deux associés a précipité le marché dans le chaos». Il s’agit du conflit qui «oppose les anciens associés dans la société Casa Glaces, dont l’un a eu gain de cause pour garder le nom de la société avec le produit désigné par Iper Glaces».

Contacté par téléphone, le patron de cette société située à Baraki, Ramdani, a réfuté le fait que son litige avec son associé ait perturbé le marché des glaces. Casa Glaces a une capacité de production de 1,2 million de litres par an et son dernier investissement remonte à 2010 avec 90 millions DA. Sa gamme est composée de 35 produits dont les prix varient de 10 DA à 200 DA pour la bûche de glaces. Cet opérateur utilise 150 tonnes de poudre de lait importée. « Le prix de cette poudre est autour de 280 DA le kilo », a confié M. Ramdani. Casa Glaces réalise un chiffre d’affaire de 150 millions DA en moyenne et emploie170 personnes dont 40 permanents et le reste des saisonniers pour six mois.

PRIMA GLACES : «SEULS TROIS PRODUCTEURS PROFESSIONNELS EXISTENT SUR LE MARCHÉ»

Sur le sujet, Salim Zeghlache, patron de la Sarl Prima Glaces, est catégorique : «nous n’arrivons pas à nous organiser à cause des petits producteurs saisonniers qui cassent les prix pour se concurrencer». Il ajoute que «sur la quarantaine de producteurs recensés, seuls trois sont des professionnels dans cette activité». La société Prima Glaces, née en 1984, est certifiée ISO 9001 version 2008 en attendant l’ISO 22000 (HACCP) version 2005 pour bientôt, selon M. Zeghlache. Elle a engagé un investissement 25 millions DA, il y a deux ans. Cet opérateur importe lui-même sa poudre de lait pour la fabrication de ses produits. «Nous ne sommes pas dépendants de l’ONIL. Nous importons notre poudre au prix du marché international soit de 290 à 300 DA/kg de France, d’Allemagne, de Belgique et de Suisse», précise-t-il. Son industrie nécessite entre 150 et 200 tonnes de poudre de lait par an. Les capacités pratiques dépendent de la saison et de la demande. Elles sont aussi liées aux saisonniers qui travaillent «en cloche», soit 12 heures par jour, a expliqué la même source. La société emploie 100 personnes permanentes et 220 saisonnières. Pour ce producteur, les capacités varient de 0,5 à 0,8 l/h en mai, 1 à 1,5 l/h en juin et le pic de production atteint 2,5 l/h en juillet avec une gamme de douze produits différents. « L’activité freine de septembre à mars, voire avril », signale M. Zeghlache. L’entreprise, dont le chiffre d’affaires varie entre 320 et 360 millions DA par an, assure elle-même la distribution dans les quatre wilayas du centre du pays : Alger, Boumerdès, Tipasa, Blida. Pour l’intérieur du pays, des distributeurs exclusifs prennent en charge l’approvisionnement. En raison des contraintes que connaissent les producteurs de glace, dans un marché désorganisé, le partenariat avec les étrangers est inévitable. Selon Prima Glaces, des multinationales ont dépêché des émissaires pour prospecter les opportunités d’un éventuel partenariat avec cette entreprise.

Mais pour Mouloud Melzi, DG de la Eurl Mazafroid, dont la marque est Ital Crem, l’arrivée des étrangers risque de faire des dégâts dans la profession. «Si les multinationales s’installent en Algérie, elles nous écraseront», soutient-il. Explication : la situation du marché et le dumping sur 10 à 15 ans dans le cadre de l’accord d’association avec l’Union européenne qui consiste à vendre un produit à un prix inférieur à son prix de revient menacent la profession.

N’empêche, pour cet opérateur, qui a lancé son activité de production de crème glacée en 1999 et emploie une centaine de personnes, la traçabilité du produit et l’innovation sont le cheval de bataille de l’entreprise. D’ailleurs celle-ci certifiée ISO 9001 version 2008 a obtenu en avril dernier la certification ISO 22000 version 2005. Elle se prépare pour la certification ISO 14001 qu’elle espère obtenir l’année prochaine. L’entreprise active toute l’année car elle est aussi dans la biscuiterie et la chocolaterie tandis que ses concurrents ferment le 31 août et ne reprennent leur activité qu’en mai de l’année suivante. Pour asseoir son assise sur le marché, Ital Crem a lancé une glace destinée aux diabétiques avec quatre parfums. « Le produit a été approuvé par la fédération algérienne des diabétiques », assure M. Melzi. Ce produit vient s’ajouter aux 120 références existantes avec 34 parfums différents. Sa fourchette de prix se situe de 25 DA le pot de glace, 30 DA l’esquimau normal, 200 DA la boîte familiale de 1 litre et 300 DA le litre pour le produit spécial diabétiques. Pour sa certification, Mazafroid a investi 18 millions DA en 2010 notamment en infrastructures dans le but d’assurer la qualité mais surtout l’hygiène dans la chaîne de fabrication, de stockage et de distribution des produits. Ces derniers sont fabriqués à base de lait à 0% de matières grasses ou de moins de 10% en plus du Coprah (fait à base de cocotier).

La société importe ses matières premières ou achète auprès des importateurs. Elle utilise une centaine de tonnes par an pour une moyenne journalière de 12 000 litres. Elle compte doubler son chiffre d’affaires, qui tourne autour de 150 à 200 millions de DA/an, et tripler ses capacités de production. « Malgré ces efforts, l’entreprise n’arrive pas à faire face à la demande », confie M. Melzi. Avec moins de 25% de part de marché, Mazafroid est classée troisième dans les ventes. Le produit Ital Crem s’exportait vers la Libye mais la concurrence tunisienne est rude. Enfin, le gérant indique que son entreprise vise le marché français car ses prix sont plus attractifs, d’autant que le marché hallal est en plein essor dans ce pays. Un projet que l’opérateur algérien prévoit de réaliser avec deux éventuels groupes français qui devront réaliser un audit.

DE PETITS PRODUCTEURS TRÈS DISCRETS

Un tour chez les producteurs saisonniers comme Iceberg, situé dans la zone d’activité de Dar El Beïda. La marque est née en 1966, mais la Sarl a été créée en 1998, selon Ahmed Bach Sais, l’un de ses responsables. L’entreprise fonctionne avec deux machines dont l’une fabrique 9 000 pièces d’esquimaux et l’autre 17 000 pièces par heure. L’usine ne fonctionne que quatre mois dans l’année (de mai à août).

La petite entreprise familiale produit 1 500 cartons de 50 unités en tout et pour tout. Elle emploie une vingtaine de permanents et 30 à 40 saisonniers principalement des étudiants. Ses besoins en poudre de lait sont d’environs 30 tonnes importés de France et de Pologne pour un coût de 290 à 300 DA le kilo. A Bordj El Kiffan, Icemed est né de la séparation de deux associés dont le second est en activité à deux pâtés de maison. Cette petite entreprise familiale lancée par les fils Medour, est installée dans le modeste garage du domicile de la famille.

Elle est équipée d’un laboratoire flambant neuf. Le frère et le père du directeur sont restés très discrets sur leur activité. Le laboratoire était vide et à l’arrêt ce jour-là.L’industrialisation de la fabrication de glaces a définitivement balayé la production artisanale de ce dessert en Algérie au profit des recettes étrangères importées grâce à des partenariats avec les locaux..