Le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, est à Alger pour deux jours, ce dimanche et demain lundi. Sa dernière visite en Algérie remonte à décembre 2012. Son séjour, cette fois-ci, s’effectue dans un contexte très perturbé dans la région. Questions sécuritaires régionales, notamment Mali et Libye, feront, annonce le Quai d’Orsay, l’objet de concertations.
Est-ce un hasard de calendrier si cette visite coïncide avec la tenue à Alger d’un conclave réunissant les mouvements du nord du Mali pour des consultations exploratoires ? Outre l’aspect sécuritaire, «les questions économiques occuperont aussi un large segment de ce déplacement», précise le ministère des Affaires étrangères français qui annonce que son premier responsable sera reçu, entre autres, par Bouteflika.
Deux grandes interrogations qui ont occupé la scène politique algérienne feront surface sans aucun doute lors de cette visite : quel rôle a joué Paris dans la décision de Bouteflika d’aller vers l’exploitation du gaz de schiste ? En second lieu, la France veut-elle convaincre Alger d’aller plus loin dans son implication quant à la lutte contre le terrorisme en Libye ? Quant au dossier du Sahara occidental, Alger n’attend sûrement rien de nouveau de la France, même si les relations de cette dernière avec le Maroc ne sont pas, Le ministre des Affaires étrangères français, Laurent Fabius, est à Alger pour deux jours, ce dimanche et demain lundi. quelques mois, au beau fixe.
Alors qu’il vient en visite officielle de deux jours, Laurent Fabius n’ignore pas les inquiétudes qui sont exprimées ça et là en Algérie, sur la dimension de l’intervention militaire algérienne dans le dossier libyen. Jusqu’où ira l’Algérie ? Parviendra-t-elle à se cantonner dans la protection de ses frontières, refusant d’intervenir militairement à l’intérieur du territoire de son voisin libyen conformément au principe de non-intervention militaire dans un pays tiers.
La question se pose de plus en plus, d’autant que depuis quelques semaines, alors que la situation sécuritaire en Libye se dégrade, des opérations sont menées par des forces spéciales américaines, françaises et algériennes, annoncent plusieurs sources. Rien n’émanant des autorités officielles algériennes ne confirme cette offensive commune ni d’ailleurs la profondeur territoriale de son intervention. Notons toutefois que le ministre des Affaires étrangères algérien, Ramtane Lamamra, a insisté il y a peu sur «l’appui de l’Algérie à son voisin libyen dans sa guerre contre le terrorisme». Reste juste à savoir jusqu’où peut aller cet appui.
La visite de Fabius ne vient-elle pas convaincre la partie algérienne de rendre franc et massif cet appui ?
Sur l’autre champ, le Mali, l’Algérie est devenue incontournable. De fait, notre pays ici comme en Libye, deux pays avec lesquels nous partageons de grandes frontières, a tout intérêt à voir le retour à la stabilité. Là est notre objectif, celui de la France étant de sortir du bourbier dans lequel elle s’est enlisée. Depuis jeudi dernier, Alger accueille les principaux dirigeants de tous les mouvements du Nord malien pour des consultations exploratoires élargies en vue de trouver une solution à l’instabilité dans la région.
Ces consultations sous la houlette d’une médiation algérienne sont venues en prolongement du cessez-le feu signé le 23 mai à Bamako entre le pouvoir malien, le MAA, le Mouvement national de libération de l’Azawed et le Haut-Conseil pour l’unité de l’Azawad. «Poursuivre la dynamique d’apaisement engagée à la faveur du cessez-le feu intervenu (après d’ailleurs une déroute le 21 mai dernier des forces maliennes régulières à Kidal) et faire que le dialogue engagé soit un dialogue inclusif est l’objectif assigné à ce round algérien. Paris a plus que jamais intérêt à ce que ce dialogue réussisse. Alger, cela va de soi, fait tout, pour. C’est peut-être autour du contenu de ce «tout» que les discussions avec Fabius seront axées.
Tout autant que les deux premiers points, sinon plus encore, les Algériens observeront ce qui va se dire au plan économique et notamment pour ce qui est du gaz de schiste. «Le ministre sera accompagné d’une délégation d’entrepreneurs français et poursuivra ainsi l’accompagnement des projets de partenariats industriels». Au-delà de cette information du communiqué des affaires étrangères français, l’on ne sait quel chef d’entreprise accompagnera Fabius. Beaucoup attendent de voir si les patrons de l’énergie et des hydrocarbures seront du voyage.
S’ils l’étaient, cela pourrait supposer que des accords sont peut-être passés ou en voie de l’être avec la partie française pour, au moins, l’exploration du gaz de schiste, si ce n’est l’exploitation elle-même. Si du côté français les choses sont clairement dites par Hollande lui-même «il n’y aura pas de production de gaz de schiste» du côté algérien, l’on avance, l’on recule, puis l’on avance au gré des réactions de l’opinion. Cette dernière, faute d’observer un débat public sur les bienfaits ou les méfaits de l’exploitation de cette ressource, réagit avec force devant le fait accompli, et refuse que l’on ne lui explique pas pourquoi la France, qui a définitivement banni l’exploitation de cette ressource, veuille l’exploiter chez nous, faisant ainsi de l’Algérie un champ d’expérimentation pour les entreprises françaises interdites d’exploitation du gaz de schiste chez elles.
Le patron de la diplomatie française, dans une confidence faite à l’hebdomadaire Le Point, en décembre 2012, annonçait déjà «la signature prochaine d’un accord (avec l’Algérie) permettant des recherches françaises dans le domaine de l’exploitation de gaz de schiste». C’est peut-être à cela que Youcef Yousfi faisait allusion lorsqu’il évoquait, il y a quelques jours, des études et l’exploration déjà entamées. C’est à se demander si le train schisteux n’est pas déjà en marche. L’on ne nous dira certainement pas encore qui conduira ce train.
Khedidja Baba Ahmed