M. Mokhtar Lakhdari, directeur des affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, a affirmé hier, en marge de en marge de la 14e rencontre du groupe africain de l’Union internationale des magistrats, que l’Algérie a donné des assurances diplomatiques garantissant le respect des droits d’Abdelmoumène Khalifa dans le cas de son extradition.
«Nous avons aussi donné des assurances diplomatiques en cas d’extradition de Khalifa lui garantissant le respect de ses droits, reconnus par la loi algérienne». M. Lakhdari a également révélé que «d’après nos avocats, c’est vers la fin de l’année, entre octobre et décembre, que débutera la deuxième phase de la procédure, c’est-à-dire l’examen du recours».
Il a expliqué qu’en ce qui concerne la prochaine phase, le juge britannique a ordonné la transmission du dossier au secrétaire d’Etat (ministre de l’Intérieur) auquel il appartient de prendre la décision d’extradition.
«Ce dernier dispose d’un délai de deux mois pour délivrer sa décision. Une fois cette décision prise, elle sera notifiée aux parties. Si la décision d’extradition est confirmée, Khalifa pourra introduire son recours devant la Cour suprême dans un délai de 14 jours».
La durée du procès devant la Cour suprême britannique «dépend des moyens et des éléments invoqués par le demandeur et des arguments que lui opposera la partie adverse».
En principe, a-t-il précisé, «la Cour suprême statue sur des points de droit, mais le débat pourra s’étendre à des questions de fond s’il s’agit de fait nouveaux qui n’ont pas été discutés devant la premier juge et qui sont de nature à remettre en cause la décision d’extradition».
«Il y aussi la possibilité d’introduire un recours devant la Chambre des Lords, mais celle-ci n’accepte les recours que s’ils portent sur des questions d’intérêt national», a-t-il affirmé.
M. Lakhdari a tenu également à assurer que la justice britannique s’est prononcée en faveur de la demande algérienne sur la base des éléments de preuves et des chefs d’inculpation constitutifs d’infractions présentées par le ministre de la Justice.
«Le juge britannique, en examinant le dossier fourni par la partie requérante, a considéré que Khalifa n’a pas été poursuivi et condamné pour ses opinions politiques, mais pour des faits criminels et frauduleux». Il a relevé que l’objectif de Khalifa, lors du procès, «était de dire que, derrière cette demande d’extradition, il y avait des motivations politiques», expliquant que le juge britannique est «un arbitre qui ne s’implique pas dans le déroulement du procès, mais écoute les parties, pèse leurs arguments puis tranche».
«Le juge britannique a expliqué que même si Khalifa conteste les preuves fournies par l’Etat requérant, c’est devant le juge algérien qu’il devra invoquer ses griefs», a-t-il ajouté.
Le juge a encore dit : «En mettant en balance les informations qui m’ont été communiquées d’un côté par la défense de Khalifa et de l’autre par l’Etat requérant et les assurances diplomatiques présentées par l’Algérie, je privilégie le côté algérien», a souligné M. Lakhdari.
Ainsi donc, pour le juge britannique, «même si le système judiciaire algérien est différent du système britannique, il offre les garanties exigées par la convention européenne des droits de l’homme en matière de procès équitable».
M. Lakhdari assurera que «dans le cas où Khalifa était extradé, il bénéficiera d’un procès équitable et sera jugé dans un délai raisonnable. Ce ne sera pas un procès à huis clos. Il y aura la presse, des avocats et Khalifa pourra interroger ses témoins», a-t-il assuré, indiquant que c’est également sur cette base que le juge a statué sur l’extradition.
«Khalifa a été jugé pour des faits précis. Nous n’avons pas le droit de le juger pour des faits autres que ceux pour lesquels son extradition a été demandée», a-t-il encore assuré.
Développant ce point, il a soutenu que «face à la défense de Khalifa, nous avons opposé des faits et des preuves. Nous avons pris l’affaire dans son ensemble, parce qu’il fallait, dès le départ, montrer au juge britannique qu’il y avait une entreprise frauduleuse».
Le directeur des affaires pénales et des grâces a également expliqué qu’il y a deux volets dans cette affaire : un volet relatif aux preuves de l’implication de Khalifa dans les différentes infractions pour lesquelles son extradition est demandée et l’autre était relatif à la garantie de l’Algérie pour le respect des droits de l’homme.
«Pour le premier volet, nous avons parlé notamment de faux, de vol et de banqueroute frauduleuse», a-t-il déclaré, cité par l’APS. Il s’agit notamment de sommes d’argent qui sortaient des caisses d’El Khalifa Bank «sans justification».
«Ce sont des faits relatés par des directeurs d’agences d’El Khalifa Bank, lors du procès de Blida, qui avaient révélé avoir remis de l’argent à des personnes sur la base de bouts de papier et sur instruction de Khalifa».
«L’Algérie a fourni également à la justice britannique les faux documents présentés par Abdelmoumène Rafik Khalifa à la Banque de développement local (BDL) de Staouéli (Alger) pour bénéficier d’un découvert bancaire», a-t-il encore dit. Revenant sur Khalifa Airways, M. Lakhdari a expliqué que cette société n’est qu’une couverture pour des transferts irréguliers d’argent.
«Il y avait aussi des virements à l’étranger qui n’étaient pas justifiés».
Et d’ajouter : «Khalifa a utilisé la compagnie aérienne Khalifa Airways comme couverture pour ses différents transferts irréguliers d’argent effectués vers l’étranger. Dans l’affaire de la station de dessalement de l’eau de mer, il y a eu une surfacturation sur du matériel vétuste et l’argent transféré n’a pas été reçu dans sa totalité par le fournisseur».
Ainsi, l’Algérie a remis à la justice britannique «des preuves démontrant qu’il y a eu un détournement d’argent, un transfert et une acquisition de biens à l’étranger avec les actifs d’El Khalifa Bank.
Mais nous n’avons pas retrouvé la contrepartie de cet argent dans le patrimoine de la banque. Ce qui explique qu’il y a eu détournement», a-t-il précisé.
«Nous avons aussi présenté au juge britannique les différents rapports d’inspection et d’audit de la Banque d’Algérie, les différents courriers et rappels à l’ordre adressés à Abdelmoumène Khalifa pour sauver sa banque», a-t-il ajouté.
Tout cela «a pesé dans la décision de son extradition», a conclu M. Lakhdari. Concernant le volet des droits de l’homme, la partie algérienne a expliqué toutes les dispositions légales qui s’appliqueraient à Khalifa dans le cas où il serait extradé et jugé.
«Sur ce plan, nous avons fait appel à un expert algérien et à un diplomate britannique qui a mené les négociations avec le gouvernement algérien concernant l’expulsion de ressortissants algériens détenus au Royaume-Uni», a-t-il fait savoir.
«Ce diplomate, avec lequel nous avons travaillé depuis deux ans, a expliqué au juge britannique le fonctionnement de la justice algérienne, affirmant que l’Algérie respecte ses engagements internationaux et que les personnes expulsées vers l’Algérie ont bénéficié des droits reconnus par la loi», a précisé M. Lakhdari, ajoutant que la partie algérienne a mis l’accent «sur tous les aspects du droit algérien qui étaient conformes aux principes des droits de l’homme et aux pactes sur le droit civil et politique».
Parmi les arguments présentés, il y a aussi le rôle des médias dans le procès d’El Khalifa Bank qui s’est déroulé en 2007 au tribunal criminel de Blida. «Nous avons dit que les médias peuvent être un contrepoids, assurer un contrôle et être les garants d’un procès équitable», a fait savoir ce responsable.