Les émeutes de janvier dernier ont donné à réfléchir à l’exécutif sur bien des mesures.
Les émeutes de janvier dernier ont donné à réfléchir à l’exécutif sur bien des mesures. En renonçant à l’application de certaines mesures à coups d’instructions et notes, le gouvernement ne montre-t-il pas des signes de fébrilité devant le moindre mécontentement social?
Le but est d’éviter une nouvelle poussée de protestation. Après la suspension de retrait de permis de conduire, la mise sous le boisseau de la lutte contre l’informel et le renoncement à l’application de l’obligation d’utilisation du chèque pour les transa-ctions de plus de 500.000 DA, le ministre de l’Intérieur a bloqué récemment toutes les expulsions des locaux commerciaux et des logements. Selon une source sûre, une instruction a été adressée dans ce sens aux APC, aux daïras, à la police et aux huissiers de justice.
Ce qui a fait dire à un observateur qu’il s’agit de mesures secrètes du gouvernement.
En d’autres temps, ces mesures sont prises uniquement pendant la trêve hivernale, et ce pour des locaux à usage d’habitation. Les dernières émeutes qu’a connues le pays ont obligé les pouvoirs publics à une telle souplesse. La même attitude de repli des autorités publiques devant les barons de l’informel est reproduite désormais, sur différents plans.
La décision du gouvernement algérien, en décrétant des mesures politiques pour calmer une protestation populaire est devenue une tendance méthodique. Tous les procès des affaires ayant trait aux scandales de corruption, à l’instar de celui de Sonatrach, ceux relatifs aux attentats terroristes ou encore ceux des émeutiers des participants aux dernières émeutes sont systématiquement différés. L’attribution des cartes militaires pour les jeunes entre aussi dans le cadre des concessions pour calmer la population. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a adressé le 15 janvier 2011 une note aux directions des services de sécurité, notamment la police et la gendarmerie, dans laquelle il leur recommande de surseoir aux retraits de permis, sauf pour les cas de faute grave. Cette mesure vise à éviter que les retraits de permis devenus intempestifs depuis l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi en février 2010, ne contribuent à susciter de nouvelles violences en Algérie.
Le gouvernement a décidé également de ne plus s’attaquer au commerce informel qu’il soit gros ou petit. Le Conseil des ministres a renoncé à faire appliquer la mesure portant obligation du chèque pour les transactions de plus de 500.000 DA, qui devait entrer en vigueur à partir du 31 mars dernier ainsi que la généralisation de la facturation à toutes les transactions commerciales. De l’interdiction, on passe au laxisme. Des milliers de commerçants auraient fermé boutique pour se mettre au commerce sur le trottoir. Cela sonne le glas du peu de crédit qui restait aux autorités. Avec le message subliminal que seule l’activité illégale et parasitaire paie en Algérie. Il y a un grand risque qu’en cédant devant les groupes de pression, de surcroît mafieux, le gouvernement ne leur livre le marché sur un plateau en argent. C’est valable, notamment pour ceux du sucre et de l’huile. On ne mesure pas encore les effets pervers et ravageurs d’une telle option. La conjoncture prévalant dans la région et le Monde arabe et la pression de la demande intérieure laissent ouverts tous les scénarios.
Acheter la paix sociale, mais à quel prix? Le gouvernement tente depuis près de trois mois d’anticiper et d’éteindre un à un les foyers de la contestation sociale. Mais cette politique sera-t-elle viable à long terme pour apaiser la situation? Un véritable casse-tête chinois pour le pouvoir, une course contre la montre dont l’issue peut être incertaine. Est-ce une méthode adaptée à la circonstance? Face à la protestation sociale, le gouvernement favorise aussi l’augmentation des dépenses publiques. 15 milliards de dollars seront consacrés aux aides sociales en 2011. Il est question du versement des indemnités dans le cadre de l’application des nouveaux statuts particuliers à effet rétroactif depuis 2008, aide à l’emploi, au logement et de subvention des produits de large consommation et autres.
Mohamed BOUFATAH