Expulsés avec leurs familles Enfants des rues, ou l’innocence vagabonde

Expulsés avec leurs familles Enfants des rues, ou l’innocence vagabonde
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On les surnomme les «enfants des rues». Agés entre 10 et 15 ans, ils bravent les dangers de la rue par la force des choses, expulsés avec leurs familles des logements qu’ils occupaient. De janvier à septembre, plus de 1 000 familles ont été délogées à travers le pays. Egarés, livrés à eux-mêmes et à toutes les tentations malsaines, ces enfants se sont transformés en délinquants.

Le nombre de familles expulsées de leurs logements durant les dix derniers mois a atteint son paroxysme. La barre des 1 000 expulsions est dépassée. Le comité SOS Expulsion tire la sonnette d’alarme, tandis que les familles bravent le danger en cette période d’hiver.

Trois familles sont en moyenne chassées manu militari, chaque jour, alors que les prix de la location ont triplé, ce qui a aggravé davantage leur situation. Il y a près de quatre mois, dans la commune de Bab Ezzouar, deux familles occupant les bidonvilles ont été délogées, mais aucune prise en charge ne leur a été assurée. Avant d’occuper les bidonvilles, elles avaient été expulsées de leurs logements de fonction. L’hiver est arrivé et leur situation va se détériorer.

Aujourd’hui, on expulse les familles même en plein hiver alors que c’est contraire à la loi, notamment l’article 245 de la Constitution de la République. Depuis le mois de septembre dernier, le rythme des expulsions s’est accéléré dans plusieurs wilayas du pays. A Alger, cinq familles ont été jetées à la rue, et ce, à la veille de l’Aïd El Adha. Ces malheureux ont installé des tentes de fortune du côté de Baba Hassen.

Dans le quartier résidentiel d’Aïn Allah, plusieurs familles ont connu le même sort. Il s’agit des familles occupant des logements de fonction revenant au Consulat de France à Alger. C’est le Consul français à Alger qui a décidé de les chasser. A BirKhadem, huit familles ont été expulsées de leurs logements, parmi lesquelles des cadres d’entreprises et un sapeurpompier qui occupent actuellement des tentes.

Ils habitaient au Centre de rééducation féminin de Birkhadem, devenu aujourd’hui un lieu de prestige pour nos émigrés qui viennent de tous les horizons passer leurs vacances. Le revers de la médaille c’est que des familles habitent la rue avec leurs enfants. A. Mounir, jeune animateur à la Radio nationale, a été victime d’une expulsion. Sa famille habite Kouba depuis 1945.

Il vit dans un local avec sa mère âgée de 80 ans et ses frères dans une Algérie souveraine. «Ma mère a été jetée à la rue par l’Etat, et c’est dur d’accepter cela», explique-t-il

DES MILLIERS D’ENFANTS BRAVENT LES DANGERS DE LA RUE

En quittant, par la force des choses, leurs demeures, les enfants autres victimes des expulsions, bravent les dangers de la rue. Actuellement, on dénombre plus de 3 000 enfants parmi les familles expulsées.

Il faut savoir que beaucoup de ces enfants, si ce n’est la plupart, sont devenus des délinquants, des rapports des services de sécurité l’ont prouvé. D’ailleurs, beaucoup d’enfants des «rues» ont été arrêtés après avoir commis leurs premiers actes criminels : vol, cambriolage ou trafic de stupéfiants.

Outre les enfants, des femmes âgées, des jeunes filles universitaires, des employés de la radio, de la Protection civile, des Douanes, des psychologues, des médecins généralistes, des mamans au foyer, se trouvent actuellement dans la rue. Quel sera leur avenir ? C’est la question que l’on se pose aujourd’hui.

LA FAMILLE K.S RISQUE L’EXPULSION DANS QUELQUES JOURS

Une mère de famille et ses deux enfants occupant momentanément un petit logement de fortune, sis à la rue Richelieu, en plein centre-ville d’Alger, risquent dans les prochains jours l’expulsion.

En effet, la mère de cette petite famille ne sait plus à quel saint se vouer. Son époux, qui travaillait à la CNAN, est décédé il y a quelques mois, après un long combat contre l’asthme. Elle ne sait plus quoi faire devant l’expulsion quasi certaine qui sera prononcée à son encontre dans les jours à venir.

Cette mère courageuse a, depuis 1976, sollicité une aide des P/APC qui se sont succédé. Mais en vain. Epuisée, elle a entamé des procédures d’acquisition d’un logement digne de ce nom. Pour cela, elle a adressé des requêtes à l’OPGI, l’EPLF et même l’APC d’Alger-Centre, dans le cadre de la distribution des logements sociaux. Mais ses écrits et ses dossiers ont été soigneusement rangés dans les tiroirs.

Actuellement, elle appréhende le jour J où on l’obligera à quitter sa demeure avec ses deux enfants, dont l’aîné travaille actuellement à la CNAN. Face à cette situation, cette mère, comme toutes celles souffrant du problème de logement, sollicite l’intervention des plus hautes instances du pays avant que l’hiver ne s’installe.

S. A.