Exposition «Quand Fellini rêvait de Picasso» : De «Femmes d’Alger» à «Amarcord»… à Paris

Exposition «Quand Fellini rêvait de Picasso» : De «Femmes d’Alger» à «Amarcord»… à Paris

Une fabuleuse exposition, où les œuvres du cinéaste italien Federico Fellini côtoient celles du peintre Pablo Picasso, se tient actuellement à la Cinémathèque française à Paris (jusqu’au 28 juillet). L’intitulé : «Quand Fellini rêvait de Picasso».

De Paris, Dominique Loraine

Ce dialogue avec Picasso fut rêvé et dessiné par Fellini tout au long de sa vie, le cinéaste ne l’aurait pourtant rencontré qu’une seule fois !

Une présence bienveillante et exemplaire qui a nourri l’imaginaire du cinéaste à des moments clés de sa carrière et pendant des périodes de crise artistique. Les références aux périodes bleue et rose se retrouvent dans ses premiers films : «Les Vitelloni», «La Strada» et «Les Nuits de Cabiria». Ainsi, le cubisme, qui bouleversa la notion de représentation dans l’art, se retrouve dans la structure narrative éclatée de «La Dolce Vita» (Palme d’or au Festival de Cannes en 1960). Fellini se lancera ensuite dans une psychanalyse avec le Dr Ernst Bernhard, qui l’incita à retranscrire ses rêves par des dessins, qui furent compilés après sa mort dans un magnifique ouvrage «Le livre de mes rêves».

À plus de cinq reprises, Fellini rêva de Picasso, qui devient une figure totémique récurrente de son travail cinématographique. L’exposition propose un dialogue à travers des affiches, des dessins, des costumes et des extraits de films du maestro italien et les peintures, croquis, sculptures du peintre espagnol. Au cours de cette déambulation, les dessins des femmes plantureuses d’«Amarcord» (1973) jouxtent le tableau «Femmes d’Alger» de Picasso, qui n’est pourtant jamais allé en Algérie. Mais il aura dessiné, souvenons-nous, un magnifique portrait, glorifiant le martyre de la moudjahida Djamila Boupacha. Après «Femmes d’Alger dans leur appartement», réalisé en 1834, le peintre français Eugène Delacroix présenta en 1849 une seconde version de ce tableau, «Femmes d’Alger dans leur intérieur».

C’est de cette œuvre que s’inspirera Pablo Picasso pour réaliser en 1955 son tableau homonyme. Revenant d’un voyage au Maroc en 1954, Picasso avait choisi spécifiquement cette toile parce que l’Orient et ses couleurs chatoyantes l’avaient charmé. Dans cette exposition qui se décline en thèmes : «Voyages antiques», «Le Continent Femme», «Danse et Corrida», «Mythes en action», on distinguera tout particulièrement «Le Cirque», bien entendu. «Il est probable que si le cinéma n’avait pas existé, si je n’avais pas rencontré Rossellini et si le cirque était une forme de spectacle qui avait réussi à rester vivante, j’aurais aimé être le directeur d’un grand cirque» (Federico Fellini). Les apparitions à l’écran de roulottes, danseuses et clowns bouffons sont innombrables («La Strada», «Juliette des esprits», «Les Clowns»…), rythmées par les prodigieux airs de fanfare de son musicien attitré Nino Rota.

Véritable leitmotiv du cinéma fellinien, le cirque métaphorise l’essence même de tous ses films. À la grande parade fellinienne font écho les compositions picassiennes, en permanente effusion. Dès ses années de bohème à Montmartre, Pablo Picasso vouait aussi une affection toute particulière pour le monde du cirque et du cabaret, qu’il fréquentait en compagnie de ses amis artistes. Les acrobates et les écuyères, les clowns et les dresseurs de chevaux, auxquels s’ajoutent les personnages issus de la commedia dell’arte, peuplant ses peintures entre 1904 et 1920. À la fin des années 1960, ce jeu avec le cirque prendra une dimension burlesque et érotique inédite à travers les planches de la «Suite 347» (Au cirque : groupe avec écuyère et clown, 1968). À cette époque, Picasso regardait La Piste aux Étoiles à la télévision, un nouveau rendez-vous avec le monde du cirque qui fut aussi largement diffusé en Algérie.  Cet échange onirique entre deux grands artistes du vingtième siècle est parfaitement reconstitué, dans cette exposition. Et comme disait Fellini : «Et la nave va».