Le ministre de la Pêche et de l’Aquaculture, Sid Ahmed Ferroukhi, était ce mercredi l’invité de la radio nationale, pour expliquer aux consommateurs Algériens, le phénomène de la cherté du poisson en Algérie.
Les réponses du ministre révèlent soit un déni de vérité soit de l’ignorance, quand il tente d’expliquer que les 1600 km de côte sont aujourd’hui pauvres de poissons ! Il ajoute aussi que l’Algérie importe du poisson pour combler le vide. Notre ministre a complètement omis de dire surtout que le poisson algérien est exporté vers l’Union Européenne.
Transactions occultes au large
Ce qui a surpris les auditeurs, c’est quant M. le ministre explique la cherté de la sardine par le modèle de consommation « monosardinal » institué depuis l’indépendance et qui serait arrivé à ses limites, en raison d’une baisse de la ressource. Cette réponse est bizarrement la réponse des patrons pêcheurs, pour éloigner les soupçons et duper le pauvre consommateur, alors que tout le monde sait que des transactions occultes se déroulent tous les jours au large de la mer avec les pêcheurs espagnols et français.
Monsieur le ministre doit savoir que la sardine, dans le pourtour méditerranéen, ne souffre pas de pénurie ni d’une « baisse de ressources marines », ce qui aurait selon lui engendré sa cherté !
Exportation vers l’Europe
En 2008, il a été constaté qu’en dehors des quantités proposées à la vente au niveau de la wilaya d’Oran par exemple et dont les tonnages sont difficiles à cerner, il y a celles qui sont comptabilisées dans les quotas censés être consommés dans le marché national et celles qui, en réalité, sont exportées vers les marchés espagnol, français et italien.
En 2009, 621,7 tonnes de poissons algériens ont été exportées à partir d’Oran vers la Libye et l’Europe, du début de l’année 2009 jusqu’à la fin novembre, représentant 3, 41 millions de dollars de recettes, soit une hausse de 5% par apport à la même période de l’année 2008, selon la direction de la Pêche et des ressources halieutiques.
La même source a relevé que les plus importantes quantités exportées au niveau national, ont été réalisées par huit unités de transformation des produits halieutiques relevant du secteur privé de la wilaya d’Oran. Il s’agit des unités implantées dans les communes d’Oran, d’Ain Türck, de Bir El Djir, de Hassi Ameur et dans la localité de Hai El Nedjma (ex-Chteibo). Il est à préciser que les poissons utilisés dans l’opération de transformation sont des ressources locales.
Exit le marché national
Les statistiques présentées, lors des travaux de la 2e session ordinaire de l’APW d’Oran montrent que la quantité de poissons exportés avait atteint 717,5 tonnes en 2010, pour une valeur de plus d’un million de dollars. De tous les membres de l’APW d’Oran, aucun ne s’est soucié du marché national !
600 tonnes de poissons frais ont été exportées en 2011 à partir d’Oran, pour une valeur de près de 3 millions de dollars, a annoncé le directeur de la pêche et des ressources halieutiques de la wilaya.
En 2012, plus de 112 tonnes de poissons congelés ont été exportées à partir du port d’Oran vers le marché espagnol durant le mois de novembre 2012, selon le département des statistiques de la CCIO.
Les statistiques du 4 janvier 2014 donnent, un volume de poisson exporté depuis Tipasa vers l’Espagne, la Tunisie et la France, ces trois dernières années, qui a atteint 66,287 tonnes, ce qui représente uniquement 0,031% de la quantité globale pêchée au cours de la même période.
Les crevettes rouges, un vrai filon
Même si le ratio paraît, à première lecture, dérisoire, on ne peut occulter que l’acte d’exporter est en soi une réalité palpable et que 75% des produits exportés, soit un peu plus de 49,71 tonnes, sont composés de crevettes rouges. Ceci dénote à plus forte raison que ce crustacé « made in Algérie » est prisé chez nos voisins du pourtour méditerranéen. Un filon qui mérite toute l’attention requise. Toujours, dans le même volet, il y a lieu de savoir que Tipasa compte deux sociétés privées d’exportation de produits.
Si on parle de la crevettes, ce type de poisson est complètement inconnu, chez la majorité des enfants algériens, alors que le kilogramme de sardine atteint les 800 da et jusqu’à 1000 da, la crevette a fait des ailes pour atteindre le sommet de 3000 da et plus pour la royale ! Pour les pauvres algériens elle est classée (5 étoiles).
Cette espèce noble de crustacés a été, certes, commercialisée de tout temps à des prix élevés par rapport aux autres espèces de poissons. Mais le prix record qu’ont atteint les crevettes sur les étals des poissonneries, qu’il s’agisse de la rouge qui est la plus convoitée, de la rose (bouquet) ou de la grise et d’autres variétés, ne peut être le fait des vertus seules de ce poisson.
Exportation au détriment du marché national
En fait, l’exportation qui va en augmentant, de la majeure partie de la production algérienne en crevettes vers l’Union européenne via les unités de conditionnement privées, lesquelles ont plus que doublé entre 2000 et 2015, a prospéré au détriment du marché national, de moins en moins approvisionné en crevettes. Conséquence de cette baisse de l’offre, une hausse des prix.
La wilaya d’Oran est l’une des wilayas les plus productives en matière de pêche et, surtout, le numéro 1 en terme d’export, avec une flotte composée de 35 chalutiers et 95 sardiniers. Selon la direction de la Pêche, de l’Aquaculture et des Ressources halieutiques, la production en crustacés de la wilaya d’Oran entre janvier et août 2007 a atteint 690 tonnes, dont 88,5 tonnes de crevettes, bien que les crustacés ne soient pas la spécialité de la wilaya, dont la production est dominée par le poisson bleu (sardine, saurel, allache,bogue…) avec un volume de 8.710 tonnes et, au second degré, le poisson blanc (rouget, merlan, pageot, sole…) avec un volume de 353 tonnes et les mollusques (poulpe et sépia essentiellement) avec 254 tonnes pour la même période.
Les espagnols boulimiques
Sur le volume total de 690 tonnes de crustacés, 240 tonnes ont été exportées vers l’Espagne, dont plus de 70% de la quantité de crevettes récoltée par les chalutiers d’Oran. Plusieurs pêcheurs et marchands de poisson interrogés affirment que le gros des prises d’espèces nobles, dont notamment la crevette rouge et rose, est acheté par les patrons des unités de conditionnement, au nombre de 9 seulement à Oran.
Ceux-ci ont tous pour partenaires des Espagnols, réputés par leur boulimie pour le poisson et les fruits de mer et qui, à l’instar de tous les autres connaisseurs en poisson dans le monde, font l’éloge de la crevette algérienne dont le renom s’est répandu dans les quatre coins de la planète, au point où un surnom lui a été collé, «Deglet Nour de la mer».
Selon plusieurs pêcheurs et mandataires, la grande partie de la crevette qu’on trouve dans nos poissonneries est celle qui ne répond pas aux normes de l’UE, qui est intransigeante sur les moindres détails. Donc, ajoutent-ils, un tri minutieux se fait pour séparer le lot qui part en Europe et le lot qui reste ici pour la consommation locale.
En conclusion, il n’y a ni syndrome sardinal ni épuisement des ressources marines comme avancé par le ministre de la pêche d’autant que les cotes algériennes regorgent de poisson. Le peu péché est exporté dans sa grande majorité et le reste, une infime partie, est vendu sur le marché local où il est cédé à des prix exorbitants. Tous les experts s’accordent à dire que les cotes algériennes sont très poissonneuses et aussi paradoxal que cela puisse paraître, le poisson algérien, faute d’être pêché, meurt bel et bien de …. vieillesse.