Pour l’exploration, il est primordial d’aller en premier lieu vers les zones les plus prometteuses, les plus simples et les moins risquées.
Pour attirer les compagnies pétrolières internationales à investir dans l’exploration des hydrocarbures en Algérie, le ministère de l’Energie et des Mines offre des régions de l’Algérie, dites des blocs.
Le troisième appel d’offres a eu lieu au cours de 2010-2011 et les résultats ont été publiés au courant du mois de mars 2011. Ces résultats (2 périmètres sur 10 attribués, dont 1 pour Sonatrach; 4 offres reçues alors que 85 compagnies (dont des majors) étaient intéressées au départ) sont un signe clair qu’il y a quelque chose à revoir. C’est d’autant plus évident que ce résultat s’inscrit dans la même tendance tracée par le précédent round. Les explications lues dans la presse comme quoi cela est dû à la crise économique mondiale, ou encore à la situation actuelle héritée de la gestion opaque dans une atmosphère de corruption de l’ancienne équipe, ne tiennent pas la route, à mon avis.
La situation actuelle, marquée par ce début du printemps arabe, par la guerre civile en Libye pour se débarrasser d’une dictature sanguinaire, et encore, suite aux catastrophes naturelles que le Japon affronte courageusement entraînant ainsi une reconsidération de l’énergie d’origine nucléaire, font que tous ces faits convergent vers l’importance des hydrocarbures. Ils resteront encore pendant des années et des décennies comme source d’énergie numéro 1. Les prix des hydrocarbures continueront donc à augmenter. Les grandes compagnies pétrolières le savent très bien, et c’est une des raisons pour lesquelles elles se sont présentées nombreuses pour l’appel d’offres cité plus haut.
Donc la situation est propice pour investir rapidement dans l’exploration des hydrocarbures.
Que se passe-t-il en Algérie?
Il faut avoir présent à l’esprit que l’exploration obéit à des règles géoscientifiques très claires qui consistent à passer par des étapes successives, et chaque nouvelle étape repose sur les résultats de la précédente, entraînant des investissements importants avec des risques de plus en plus grands.
Avec toujours une seule question qui domine toutes les acquisitions de données (qui coûtent très cher!) et leurs interprétations (qui ont aussi un prix!): Y a-t-il du pétrole?
La réponse n’est jamais OUI ou NON, simplement dite et sans ambiguïté. Il y a, à chaque fois une incertitude derrière les explications et interprétations. Aussi, les réponses sont systématiquement du genre: il est très (ou peu) probable!
Pour être plus précis, tout en essayant de simplifier pour que les lecteurs de tous azimuts puissent participer à ce débat vital pour l’avenir de notre pays, je dirais qu’il y a 5 étapes:
-1) Etape numéro 1 qui consiste à pointer du doigt une région (bloc) et se poser la question. Aussi, les données existantes sont rassemblées, traitées pour en vérifier la qualité, réinterprétées à la lueur des dernières acquisitions des géosciences et un jugement collectif (de toute une équipe!) est établi pour décider de passer (ou NON!) à l’étape numéro 2.
-2) L’étape numéro 2 implique des investissements lourds, généralement pour acquérir des données géophysiques (de subsurface) et de géologie (de terrain), et par la suite les traiter et les interpréter, avec à la fin la même question qui revient et que les équipes géoscientifiques doivent cerner de près: continuer ou non?
-3) L’étape numéro 3 exige des investissements encore plus lourds comme le forage, sans aucune garantie de succès. Avec, dans certains cas, présents à l’esprit les risques énormes qui peuvent exister.
La seule garantie est la qualification et l’expérience des géoscientistes et souvent des expériences et intelligences accumulées pendant des années et des décennies au sein de la compagnie pétrolière. Le bon sens géoscientifique, à jour des progrès récents, est le seul argument dominant!
-4) L’étape numéro 4, conditionnée bien sûr par les succès précédents, consiste à engager une série de forages pour évaluer le gisement et pouvoir répondre à la question: la découverte est-elle économiquement rentable?
-5) L’étape numéro 5 consiste à investir des sommes énormes pour mettre en place toute l’infrastructure pour commencer l’exploitation du gisement et souvent cela prend des années, avant de commencer à avoir des rentrées.
Ce chemin est pratiquement le même pour toutes les compagnies, grandes ou petites, anciennes ou jeunes. Une différence qui pourrait y être, de taille parfois, en fonction des cas, c’est que les grandes compagnies avec une grande expérience sont en mesure parfois d’écourter une étape.
Le fond du problème
Sans rentrer dans les détails, la réglementation impose dès le départ un programme prédéterminé pour une région (bloc). D’où la question: pourquoi obliger une compagnie qui s’est engagée à exécuter un programme sur plusieurs étapes?
Alors que peut-être (et ça personne ne le sait!) dès la fin d’une des premières étapes il s’avère inutile d’aller plus loin, cela devient du gaspillage d’énergies et de fonds! D’autant plus que seule la compagnie en question supporte les investissements, ce n’est qu’en cas de découverte exploitable que l’Etat, à travers Sonatrach, participe aux dépenses; mais il ne partage pas les risques au départ.
A mon avis, c’est ce fond du problème qui doit être revu! Et voilà rapidement mon point de vue. L’exploration des hydrocarbures en Algérie doit être basée sur des principes assez simples, sur le bon sens géoscientifique et éviter, à chaque fois que cela est possible, le «bon sens» bureaucratique, qui va toujours dans le mauvais sens du succès. A partir du moment où l’on invite des compagnies à venir s’installer et investir, leurs réussites et développements dans le pays sont aussi une part du progrès économique, social, scientifique et technique du pays. Elles sont amenées à recruter en premier lieu parmi les Algériens. Donc, leurs échecs ne sont pas souhaitables ni pour l’Algérie ni pour les Algériens.
Au contraire, tout devrait aller dans le bon sens pour qu’elles réussissent et se développent en Algérie. Plus elles ont des laboratoires sur place, et plus la recherche et le savoir-faire se développeront dans le pays. Il faut au contraire éviter qu’elles ne se comportent comme seulement des extracteurs d’hydrocarbures en accumulant leurs intelligences et expériences dans des laboratoires localisés dans d’autres pays.
Pour l’exploration, il est primordial d’aller en premier lieu vers les zones les plus prometteuses, les plus simples et les moins risquées. Comment les définir? Par des concertations et échanges organisés et publics permettant la contribution de géoscientistes basés dans le pays et dans d’autres pays, des compagnies et institutions du pays et d’ailleurs.
Lorsqu’une compagnie s’engage dans l’exploration d’un bloc, une concertation et une souplesse dans les accords devraient permettre de suivre pas à pas la recherche de gisements et réservoirs et l’orienter dans le bon sens en évitant de gaspiller de l’énergie inutilement. Au fur et à mesure que les nouvelles données arrivent, leurs traitement devraient donner des résultats appréciables à leur juste valeur, tout en tirant tous les enseignements nécessaires qu’il faut. Et s’il faut arrêter le programme initial et aller vers un autre bloc, suggéré par l’analyse des données nouvellement acquises au cours des phases initiales exécutées, cela ne peut être que dans l’intérêt général! Les structures géologiques, riches en hydrocarbures, qui existent en profondeur, ne suivent pas nécessairement les limites tracées au crayon et à la règle sur une carte de blocs.
La localisation des réservoirs d’hydrocarbures obéit à des lois géoscientifiques très complexes, constamment en amélioration, jamais définitives, variables d’une région à une autre. Ce sont des approches successives qui permettent de les cerner petit à petit. Ce que l’on peut apprendre à partir d’un bloc peut aider à localiser ces réservoirs, mais pas forcement dans le bloc en question mais, peut-être, plus loin dans un autre bloc, déjà attribué ou non.
(*) Géoconsultant et expert international dans le domaine des hydrocarbures, particulièrement spécialisé dans les réservoirs pétroliers. Il est directeur et fondateur de Geo Africa Sciences society, une ONG qu’il a créée en 2010. Il a intégré, en 2002, l’American Associaltion of Petroleum Geologists. Il est également membre de la Society of Petrophysicists and Well Log Analysts. Docteur d’Etat en géologie structurale depuis 1992, il a enseigné la géologie structurale à l’Université de Besançon en France, comme il a été chercheur au Cnrs de Montpellier durant la période 1994-1995.
Abdelkader SAADALLAH (*)