En plus de l’Afrique du Sud, l’Algérie suit également de très près les différentes mutations qui se produisent autour des gaz de schiste. Mais, contrairement à la polémique sur ce sujet dans le pays de Nelson Mandela, les Algériens cherchent plutôt des investisseurs.
Le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousni, a déclaré en 2011 que «le pays ne dispose pas de la technologie complexe nécessaire pour réaliser ce type d’exploitation (de gaz de schistes, ndlr), mais aussi souhaite partager les coûts d’exploitation élévés de ce type de ressources». Total et BP ont immédiatement fait part de leur intérêt pour cet appel. Et ce d’autant que, selon le ministre de l’Energie et des Mines, les réserves de gaz non conventionnels sont aussi importantes que celles des Etats-Unis. «Les résultats préliminaires de notre évaluation du potentiel de gaz non conventionnels et notamment de gaz de schiste indiquent que le potentiel est au moins comparable aux plus importants gisements américains», selon Yousfi. La «bataille des gaz de schiste» ne fait donc que commencer. En plus de la pression des écologistes, l’exploitation progressive de cette énergie fossile va modifier profondément le marché du gaz et, par ricochet, celui de l’énergie.
D’après les données 2009 de l’Agence internationale de l’énergie, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord possèdent des réserves de gaz non conventionnels de 95 T m3, contre 31 pour l’Afrique subsaharienne. En attendant d’exploiter ce potentiel, l’essor des gaz de schiste pose un sérieux problème aux pays africains exportateurs de gaz comme notre pays. En effet, la diminution de la demande américaine a pour corollaire un surplus de gaz naturel liquéfié sur le marché, qui engendre également la baisse des prix du gaz. Les pays producteurs font donc face à une baisse des devises, causée aussi bien par la chute du cours du gaz que par celle de la demande mondiale. Mais l’exploitation des gaz de schiste suscite également des polémiques en Afrique. La révolution des gaz de schiste démontre bien comment une innovation peut avoir des répercussions mondiales et remettre en cause l’ordre économique d’un secteur énergétique.
En déboursant 41 milliards de dollars l’année dernière pour le rachat de XTO, l’entreprise spécialisée dans l’exploitation des gaz de schiste Exxon Mobil a mis en exergue tout l’intérêt pour cette source d’énergie. En plus du numéro un mondial du pétrole, de Total à BP en passant par Shell, toutes les majors pétrolières rachètent ou prennent des positions importantes dans les PME qui exploitent les «schales gas». Malgré leur important budget de R&D, les grands groupes ne sont pas à l’origine du saut technologique qui est en passe de redéfinir les frontières du business mondial du gaz et des autres sources d’énergie. D’après l’IFP Energies nouvelles, les réserves mondiales de gaz sont estimées à 175 Tm3 (mille milliards de mètres cubes). Il s’agit d’environ 60 ans de consommation. Et les réserves des nouvelles découvertes sont estimées à 261 Tm3. Pour l’avenir, il faudra surtout compter sur les immenses réserves de gaz non conventionnels (gaz de schiste, gaz de réservoir compact et gaz de houille). « Sur la base d’un taux de récupération de 15 à 20%, les réserves prouvées atteignent 170000 milliards de m3 dans le monde. Cela revient à doubler les réserves de gaz », observe Guy Maisonnier de l’IFP Energies nouvelles, cité par Enjeux Les Echos de septembre 2010. Par contre, l’exploitation des gaz de schiste emprisonnés dans la roche n’est pas simple.
Les start-up, qui ont volé la vedette aux majors qui les rachètent aujourd’hui, ont innové pour y arriver. Après avoir creusé des puits horizontaux, il faut injecter sous pression de grandes quantités d’eau dans les réservoirs pour fracturer la roche et libérer le gaz. L’avantage du process est son coût très bas par rapport à celui des méthodes conventionnelles. Selon les gisements, il est compris entre 4 et 6 dollars/MBtu. L’inconvénient de cette technique est qu’il faut multiplier les zones de forage. En plus de l’impact sur le paysage, ce sont les conséquences environnementales qui font l’objet de toutes les critiques en Occident, et notamment en France où les associations bataillent fermement pour l’interdiction de l’exploitation des gaz de schiste. La pression des ONG est fondée.
En effet, pour éviter l’obstruction des fractures, des produits chimiques sont mélangés à l’eau qui est injectée sous pression dans les failles. Le problème est le traitement et l’élimination de cette eau polluée qui s’infiltre dans la nappe phréatique.
La possible indépendance énergétique des USA perturbe le marché du gaz
En 2009, les Etats-Unis sont devenus autosuffisants grâce aux gaz non conventionnels. Ils ont, par la même occasion, arraché le titre de premier producteur mondial de gaz à la Russie… Et c’est toute la planète énergie qui s’affole. Face à la flambée des cours des énergies et aux risques géopolitiques dans les pays producteurs, les autorités américaines ont favorisé et encouragé dès 2006 l’exploration des gaz non conventionnels. Stratégie payante puisqu’en moins de cinq ans la consommation de gaz de schiste représente 50% de la demande nationale. Dans ce pays très vorace en énergie, la production de gaz non conventionnels est passée de 45% (environ 300 Gm3) en 2008 à 59% en 2009. Les perspectives pour les années à venir sont très prometteuses. « Les gaz non conventionnels (gaz de schiste, gaz de réservoir compact et gaz de houille) devraient représenter 64% en 2020, contre 42% en 2007 », selon un consultant ICF cité par Le Figaro le 31 mai 2010. Pour l’instant, grâce aux gaz non conventionnels, la quasi-autosuffisance en gaz des Etats-Unis a des répercussions sur le marché mondial, car elle contribue à la baisse des prix du gaz par le jeu d’un déséquilibre de l’offre par rapport à la demande.
Par : Tassaâdite Lefkir