Cancor, une petite société canadienne qui a obtenu, du temps de Chakib Khelil, une licence d’exploitation des mines d’or de Tirek, est montée hier au créneau pour annoncer la suspension de ses activités en raison de la situation sécuritaire dans le Sahel.
«En raison des circonstances exceptionnelles actuelles dans le Sahel, et en particulier dans le nord du Mali, Mines Cancor Inc a été contrainte de suspendre temporairement les travaux sur tous projets liés à ses licences dans la région du Hoggar Algérie», a-t-on souligné dans le communiqué publié hier. Mais, selon les experts proches de ce dossier, cette décision est motivée surtout par le manque de ressources financières pour la société Cancor qui n’arrive pas à lever les fonds nécessaires au développement de ses quatre mines algériennes. D’autres spéculations vont dans le sens de l’enquête ouverte par la justice canadienne sur les pots-de-vin versés par les sociétés de ce pays pour bénéficier de largesses dans les affaires en Algérie.
Bradage organisé des mines d’or
Avant son arrivée en Algérie, la société Cancor n’avait jamais exploité le moindre centimètre de mines en dehors du Canada. Par ailleurs, ses capacités d’investissement sont très modestes. Mais, dès qu’elle a décidé d’investir en Algérie, Chakib Khelil lui a permis d’acquérir coup sur coup quatre mines d’or situées dans la région de Tamanrasset. Le permis le plus important est sans doute celui de Tirek Nord, situé à 320 km au sud-ouest de Tamanrasset, qui s’étale sur une superficie de 15 499 ha. La société gère également deux permis à Tan Chaffao, à quelque 220 km au nord-ouest de Tamanrasset et une autre exploitation à In Ouzzal, au sud de la wilaya.
Ces permis d’exploitation des mines d’or ont été accordés pour des miettes. L’une des concessions a été bradée pour seulement 50 mille dollars ! En outre, Cancor est entrée seule dans ces investissements. La Sonatrach devait prendre 49 % dans ces exploitations dès la fin de la phase exploration. Cela aurait donné ensuite à Cancor le droit d’accéder aux ressources financières des banques algériennes et bénéficier de crédits conséquents. Seulement, Chakib Khelil a été ébranlé en 2009 par les affaires Saipem et celles de l’australienne GMA qui exploitait la mine d’or d’Amesmessa et ne pouvait donc achever ce qu’il avait prévu pour Cancor. Il a ensuite quitté le gouvernement sans pour autant achever la petite combine qui consistait à acquérir pour la Sonatrach, 49% de participations.
Le niet des places boursières
En l’absence de partenariat avec des entités publiques en Algérie, Cancor a été incapable de trouver les bons financements ses investissements en Algérie. Le 7 ocobre 2011, Cancor annonçait son intention de lever jusqu’à 5 millions de dollars par voie d’un placement privé d’actions ordinaires sans courtier.
Selon cette société, le produit de l’offre serait utilisé pour renflouer le fonds de roulement et pour financer des travaux d’exploration sur les propriétés de la compagnie en Algérie. Mais, à la fin de l’opération, deux semaines plus tard, Cancor n’a pu récolter que 3 millions de dollars, placés par Michel Chartron, un résident du Royaume-Uni. Ces sommes n’étant pas suffisantes pour aborder l’exploitation des quatre mines, Cancor se prévaut chaque fois de la situation sécuritaire pour justifier les retards qu’elle cumule depuis des années.
En 2011, l’arrêt des activités était justifié par la situation en Libye alors qu’en 2013, on parle de la guerre au Mali. Comme pour le cas des australiennes GMA et Terramin, le ministère de l’Energie et des Mines n’a pris aucune mesure pour presser Cancor de poursuivre ses activités ou d’annuler carrément les permis d’exploration. Bien au contraire, on semble très compréhensif à l’égard de cette petite société. Dans son communiqué publié hier, Cancor a déclaré son «intention de redéployer ses activités à une date ultérieure et elle a réitéré aux autorités son intention de respecter ses engagements en réalisant une campagne de forages dans le permis de Nord Tirek». Autrement dit, Cancor a reçu les assurances de conserver ses permis et de les prolonger autant qu’elle le désir et surtout le droit de reprendre les activités à la date qu’elle choisira, sans aucune pression.
Fodil Bettahar