Le ministère des Finances s’apprête à réorganiser de fond en comble les règles régissant les professions d’expert comptable, commissaire aux comptes et comptable agréé.
A travers le projet de loi relatif à l’exercice de ces professions, le département de Karim Djoudi compte «mettre de «l’ordre» et combler les lacunes ».
En présentant son projet devant la commission des finances et du budget de l’APN, le 22 février dernier, Djoudi dira encore que, «ces lacunes sont dues à l’absence des autorités publiques dans la régulation de la profession».
Dans l’exposé des motifs de ce projet de loi dont le Midi Libre détient une copie, il est clairement relevé que ce texte «vise à remédier à la situation actuelle par la réappropriation par les pouvoirs publics des prérogatives de puissance publique, la réorganisation de la profession, l’exercice de la tutelle sur la profession et l’élévation du niveau de formation des professionnels».
Le conseil de l’Ordre scindé en trois entités
A l’évidence ce projet de loi, qui vient abroger la loi N°91-08du 27 avril 1991, ne manquera certainement pas de faire grincer des dents au sein du Conseil de l’Ordre national des experts comptables, commissaires aux comptes et comptables agréés, qui perd ainsi presque l’essentiel de ses prérogatives, ce d’autant qu’il sera , de surcroît, «scindé» en trois entités distinctes représentant chacune une catégorie professionnelle.
En effet, l’article 13 de ce projet de loi énonce clairement qu’«il sera crée un ordre national des experts comptables , une Chambre nationale des commissaires aux comptes et une Organisation nationale de comptables agrées, dotés chacun de la personnalité civile, regroupant les personnes morales ou physiques agrées…».
Outre les attributions qui leur sont fixées par l’article 14 comme par exemple de veiller à l’organisation et au bon exercice des professions, l’article 13, qui n’exclut pas la possibilité de créer des Conseils régionaux, stipule que «les attributions, la composition et les règles de fonctionnement des conseils visés ci-dessus sont définies par voie réglementaire».
Le projet de Karim Djoudi va plus loin encore puisque, en plus du «morcellement» du Conseil de l’Ordre en trois nouvelles entités, il apporte aussi une nouveauté qui n’est pas des moindres, loin s’en faut.
En effet, ces futures entités seront presque dépourvues de toute «indépendance ou autonomie», l’article 15 faisant d’ailleurs foi.
Ce dernier dispose, ainsi, que «l’Ordre national, la Chambre national et l’Organisation nationale sont placés sous la tutelle du ministère chargé des Finances qui nomme, à cet effet, auprès des conseils visés à l’article ci-dessus des représentants dont le rang, le nombre et les attributions seront définis par voie réglementaire».
Le ministère des Finances reprend ses prérogatives
Le ministère, pour ce faire , à prévu, à travers l’article 4 dudit projet, de créer un Conseil national de la Comptabilité qui aura pour mission aussi «la normalisation comptable, l’organisation et le suivi des professions comptables».
Ce projet de loi n’explicite pas toutefois les aspects liés à la composition, l’organisation et le fonctionnement de ce conseil qui, sans doute, seront fixés ultérieurement par voie réglementaire. L’autre point fort de ce texte qui vient conforter la volonté du ministère de se réapproprier ses prérogatives de puissance publique a trait à la question de l’octroi de l’agrément pour l’exercice de ces activités.
Car, si auparavant cette prérogative était du ressort exclusif du Conseil de l’Ordre, elle relève désormais des seules compétences du ministère des Finances.
«Nul expert comptable, commissaire aux comptes ou comptables agréé ne peut être inscrit au tableau de l’Ordre national des experts comptables , de la Chambre nationale des commissaire aux comptes ou de l’Organisation nationale des comptables agrées, s’il n’a pas été au préalable agréé par le ministre chargé des finances» note l’article 7 du projet de loi qui précise que les conditions et les modalités d’agrément sont déterminés par voie réglementaire.
Mais les demandes d’agrément sont, selon l’article 9, adressées au Conseil national de la Comptabilité. Ce dernier «statue sur les demandes dans un délai maximum de quatre mois et transmet ses conclusions au ministère chargé des finances pour agrément».
Le ministère a, alors deux mois pour se prononcer car, au delà de ce délai, «un recours judiciaire peut être introduit» par le postulant. Selon un membre de la commission des finances de l’APN, cette disposition n’a pas suscité l’adhésion et les élus du peuple ont expressément demandé de l’abandonner.
«Le postulant doit avoir le droit d’introduire un recours au niveau du ministère et non de s’adresser directement à la justice», confie à Midi libre un député.
Pour notre interlocuteur, c’est certainement la situation dans laquelle se trouve le Conseil de l’Ordre «qui aurait motivé la volonté du ministère de vouloir mettre fin à ce désordre et remettre en cause les principes de la loi encore en vigueur qui est intervenue dans un contexte d’ouverture économique et politique.
Apparemment, ce projet de loi s’inscrit en droite ligne avec les nouvelles orientations économiques et le retour remarqué de l’Etat dans la «sphère économique».
Il faut dire que le conseil de l’Ordre, déchiré par des luttes intestines, s’est scindée en deux entités et c’est pourquoi il n’a pu délivrer des agréments depuis 2002 alors qu’il y a des milliers de demandes en souffrance.
Le conseil de l’Ordre aura ainsi vécu puisque, selon l’article 77, une commission ad hoc va organiser dans les trois mois après la promulgation de ce projet de loi,des élections qui donneront naissance aux trois nouvelles entités.
Amine Salama