SOS mômes en danger
La délinquance, l’un des plus vieux maux de société, a, néanmoins, pris des proportions alarmantes ces dernières années au gré de la disponibilité de ses facteurs géniteurs, notamment ceux d’ordre social.
Et, phénomène nouveau, ce fléau qui n’épargne point notre pays, a vu ses « surfaces d’intervention » s’élargir pour contaminer des pans ce qu’il y a de plus sensible dans toute société, jusque-là insoupçonnés, la frange des mineurs.
Et les chiffres rendus publics à l’occasion du séminaire sur la justice des mineurs qui s’est achevé hier, donnent froid dans le dos du fait qu’ils étalent au grand jour la réalité d’un phénomène, il n’y a pas longtemps, étranger à nos us et coutumes.
Rien que durant les dix premiers mois de l’année en cours, un contingent de 9 000 de mineurs, plus exactement 8 603, ont été rendus coupables d’infractions diverses, dont le vol détient la palme avec 3 453 cas talonné de près par la violence physique avec 2 232 cas.
434 mineurs délinquants ont été arrêtés durant la même période pour avoir dégradé de biens publics alors que 276 ont été interpellés pour leur implication dans la consommation et l’usage de drogues.
Des proportions infimes, fort heureusement, sont enregistrées dans les crimes de sang et agression physique sur ascendants, avec respectivement 17 et 59 mineurs appréhendés. Même le sexe faible ne semble pas être épargné par ce fléau avec, cependant, une faible proportion de l’ordre de 3% du totale des mineurs interpellés.
LE PHÉNOMÈNE SE SUFFIT-IL DE LA SEULE RIPOSTE JUDICIAIRE ?
Et la question qui vient à l’esprit en abordant ce sensible sujet est le traitement judiciaire réservé à ce fléau. Quoique 90% des mineurs arrêtés pour délits aient été remis à leurs parents, après une procédure de médiation, selon le commissaire de la Police judiciaire, Mme. Kheira Messaoudène, il n’en demeure pas moins que le traitement de ce fléau dans les tribunaux relève d’une brûlante problématique.
Des experts dans les questions de l’enfance estiment que la riposte judiciaire est loin de suffire à elle seule pour endiguer le fléau. Selon eux, ces chiffres doivent inciter à la méditation et à une attentive interprétation et interpellent la société dans ses divers segments et intervenants, État, mouvement associatif et cellule familiale, entre autres, qui doivent explorer la meilleure synergie possible pour affronter ce phénomène destructeur.
Car, pour plus d’un spécialiste, la défaillance et la démission citoyenne est le premier facteur se trouvant derrière ce mal et le stimule. Les mêmes voix n’ont pas omis de relever la décennie noire, faite de pleurs et de sang qu’a traversée doublée d’une très difficile conjoncture économique ayant encouragé la criminalité et la délinquance en général et celles des mineurs en particulier
L’IMPLICATION DE TOUS RECOMMANDÉE
Pour Manuel Fontaine, le représentant permanent de l’Unicef à Alger, « l’approche de la question de la délinquance juvénile dans son cadre social le plus large est seule en mesure d’inclure une dimension préventive essentielle à cette délinquance.» Il préconisera d’appréhender la question dans « sa globalité avec l’ensemble des acteurs du champ institutionnel et social et suivant une démarche préventive ».
Cette dernière, expliquera-t-il, consiste à favoriser la mobilisation des ressources de la famille et de la communauté, principalement à travers des services de proximité, des mesures d’aide sociale par du personnel qualifié.
Manuel Fontaine relèvera que nombre de pays ont mis en place des programmes de prévention à domicile et à caractère familial, comme la formation des parents en vue de renforcer l’interaction qu’ils peuvent avoir avec leurs enfants, dès le plus jeune âge.
Il met en exergue la « corrélation » entre l’accès à une éducation, dès la petite enfance, et le taux ultérieur réduit de violence et de criminalité. L’expert plaidera, en outre, pour la responsabilisation de l’acte délictuel et la réparation de la faute commise par une mesure à caractère social.
De son côté, Kamel Filali, le viceprésident de la commission des droits de l’enfant de Genève, a relevé « la délinquance des mineurs met tous les pays du monde face à un double défi, à savoir: répondre à une aggravation sensible des manifestations délinquantes et aux besoins de sécurité de la population.
D’où, dira-t-il, l’obligation faite aux États ayant ratifié la convention relative aux droits de l’enfant, qui et le premier instrument juridique international ayant force d’obligation, d’harmoniser leur législation nationale avec ses dispositions ».
Relevant d’autres phénomènes qui favorisent la délinquance des mineurs comme la diminution des repères culturels, l’impact des nouveaux médias, l’urbanisation et la concentration de masse de jeunes dans certaines régions, les migrations et l’inadaptation sociale ainsi que le chômage, Filali estimera que les systèmes judiciaires de prise en charge des mineurs délinquants sont « remis en question » et les projets de modification législative « fleurissent un peu partout dans le monde ».
Et entre de « meilleurs droits » accordés aux mineurs, pour un recours « moins fréquent » à la privation de liberté et pour un respect « plus général » des principes des droits de l’Homme, l’orateur fera le plaidoyer d’une troisième voie, celle basée sur la protection qui prend en considération, avant tout, l’intérêt de l’enfant, en tant que « victime de son milieu » et sa prise en charge par l’examen de sa situation personnelle.
Il citera fort à propos l’article 40 de la convention onusienne relative à l’enfant qui implique les enfants sans recourir aux procédures pénales judiciaires et il est laissé aux États la liberté de déterminer la nature et les mesures permettant de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire.
Une protection dont Mebarka Sakhri, juge des mineurs, relèvera l’absence dans les textes de loi qui abordent les mineurs, tels le Code de la famille, le Code de procédures pénales et le Code de nationalité.
Elle estimera, pour sa part, que la justice des mineurs exige un traitement particulier. Un vide juridique comblé par d’autres structures comme les brigades des mineurs relevant de la Sûreté nationale et les services de protection des mineurs de la Gendarmerie nationale.
M.Kebci