Merci Angel d’avoir accepté de parler à un média algérien pour la première fois dans votre carrière on suppose, non ?
En effet, c’est la première fois.
Avant de commencer à poser les questions, on doit vous avouer notre surprise lorsque Mariano (l’un de ses amis) vous a appelé «la vermicelle» sans que cela ne vous dérange…
Non, ça ne dérange pas du tout. Cela date de 2007 je crois, donc je suis déjà habitué à ce qu’on m’appelle comme ça.
Ça a commencé dans la presse comme toujours, non ?
Pas du tout. C’était Ever Banega (Ndlr. International argentin du FC Valence) qui m’a donné ce surnom durant la Coupe du monde des U20. C’est vrai que j’étais encore plus maigre que maintenant. A partir de cet instant, j’étais «la vermicelle» dans le groupe et lorsque la presse s’en est rendu compte j’étais devenu «la vermicelle» pour tout le monde.
Après le tirage au sort de la Coupe du monde, quelle a été votre première réaction sachant que l’Argentine est dans un groupe largement à sa portée ?
C’est vrai que tout le monde dit que c’est un groupe facile et que les adversaires sont à la portée de l’Argentine, mais les matchs se jouent et se gagnent sur le terrain, pas ailleurs. Le Nigeria, tout comme l’Iran et la Bosnie vont tout faire pour se qualifier au second tour et ils vont par conséquent nous créer beaucoup de problèmes.
Le Nigeria vous rappelle justement un bon souvenir…
Oui, c’est vrai. Un très bon souvenir même avec cette finale des Jeux olympiques de Pékin et le but que je marque et qui nous permet d’être champions olympiques. A chaque fois que je me rappelle de ce match, je ressens une grande fierté. Toutefois, je sais qu’en Coupe du monde, ça sera une autre histoire. Les joueurs qui avaient 23 ans ou moins à Pékin, auront 26 ans et plus au Brésil. Les matchs seront plus durs en Coupe du monde.
Dans quel sens il est difficile de battre le Nigeria, l’Iran et la Bosnie ?
C’est difficile de gagner les matchs du premier tour parce que vous avez en face des équipes qui se regroupent derrière et qui ne vous laissent aucun espace. On l’a déjà vérifié lors du dernier mondial en Afrique du Sud surtout lors du premier match face au Nigeria. Après et à partir des huitièmes de finale, ça devient plus facile d’arriver dans le camp contraire avec des adversaires qui, eux-mêmes, font le jeu.
Vous-même , Messi, Aguero, Higuain, Lavezzi… Avec une attaque de ce niveau, que manque-t-il à l’Argentine pour être championne du monde ? Il y a des sélectionneurs qui rêvent d’avoir sous la main tous ces attaquants en même temps…
Pour moi personnellement, c’est un privilège de jouer au milieu de tous ces joueurs de grand talent et là, je ne parle pas uniquement des attaquants. Après, il ne faut pas se contenter des individualités, il faut avoir un groupe aussi. Depuis quelques années, ce groupe est en train de se former, la preuve, nous avons réalisé un excellent parcours durant les éliminatoires. Même au cours des rencontres amicales, nous avons été très bons. Sabella, le sélectionneur est en train de réaliser un grand travail, maintenant il faut répéter ce qu’on a fait en éliminatoires et lors des matchs amicaux au Brésil. Il faut rester sur cette même dynamique lors des matchs amicaux qui nous restent et jusqu’au mondial pour essayer d’atteindre la finale et surtout la gagner.
Il vous manque peut-être ce brin de chance dont ont besoin toutes les équipes championnes…
C’est certain. Prenons l’exemple de l’Espagne. Cette équipe a eu beaucoup de chance en finale avec ce but raté de Robben et cet arrêt miraculeux d’Iker. La suite, tout le monde la connait. Bon, le plus important pour nous c’est d’abord de faire bien les choses en espérant que la chance nous sourit.
Par rapport au denier mondial, l’Argentine arrive avec des joueurs plus mûrs notamment la génération Messi dont vous faites partie et qui aura 26 ans au Brésil presque comme Maradona en 86 au Mexique…
En Afrique du Sud, il y avait aussi des joueurs d’expérience, mais il y avait beaucoup de jeunes comme Leo, moi-même, Kun et d’autres encore. Au Brésil, nous serons plusieurs à avoir déjà joué une Coupe du monde, à jouer dans de grands clubs et avoir atteint le plus bel âge pour un footballeur. Tout ça est important pour l’Argentine. En plus, on est plusieurs joueurs à jouer ensemble dans les sélections jeunes depuis sept ans. Cela peut aider sur le terrain croyez-moi.
Qui seront les favoris pour gagner la Coupe du monde selon, en plus de l’Argentine bien sûr ?
Pour moi, le favori principal c’est le Brésil qui aura l’avantage de jouer chez lui devant ses supporters et dans des stades où les joueurs ont l’habitude de jouer. Juste après le Brésil, vient l’Espagne en tant que tenant du titre et parce que l’Espagne continue à proposer un jeu attractif et efficace. Il ne faut pas non plus oublier l’Allemagne qui a les moyens d’arriver jusqu’en finale.
L’Algérie est dans le groupe H avec la Belgique, la Corée du Sud et la Russie de Capello. Pensez-vous les Algériens sont capables de se qualifier au second tour ?
Oui, mais il ne faut pas se contenter de dire qu’on peut passer. Il faut travailler beaucoup et comme vous l’avez dit vous-même avoir ce brin de chance qui vous permettra de passer. Vous savez, il faut seulement une victoire et un nul pour pouvoir passer aux huitièmes de finale. C’est en même temps difficile et accessible pour beaucoup de sélections dont l’Algérie qui se trouve, disons dans un groupe équilibré.
Chez nous, certains pensent que le fait de faire partie des 32 meilleures sélections du monde est un évènement en soi. Faut-il s’en contenter ou jouer le tout pour le tout pour passer ?
Faire partie des 32 équipes qualifiées en Coupe du monde est un privilège. Quand on est là, on n’est pas n’importe qui. Après, il est clair qu’il faut être ambitieux et viser à chaque fois la prochaine étape. Les huitièmes puis les quarts et ainsi de suite.
Parmi les joueurs algériens qui évoluent en championnat d’Espagne, il y en a un qui a joué avec vous au Benfica. Quel souvenir gardez-vous de Hassan Yebda ?
C’est un très bon mec, j’avoue. Lorsqu’il était arrivé à Benfica, j’avais déjà une année dans ce club et je l’invitais souvent chez moi à la maison. Vous savez, quand quelqu’un débarque comme ça dans un club, il a besoin qu’on s’occupe de lui et je l’ai fait avec plaisir. La dernière fois qu’on a joué à Granada, on s’est croisés et on a discuté un peu. C’est un grand joueur aussi qui a réalisé de très belles choses à Benfica. Je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi il était parti. Ce sont des décisions qui nous dépassent.
Lui-même a toujours eu d’excellents rapports avec les Argentins, là où il est passé…
(Il rit) Je vous le disais, Yebda est un bon gars qui s’adapte vite à un groupe. A Benfica, il n’a mis que quelques jours pour se fondre dans le groupe.
Vous connaissez Feghouli ?
Un très grand joueur ! Vous avez vu le but qu’il a marqué hier ? (Entretien réalisé le lendemai de la rencontre Valence- Levante du 4 janvier 2014) Il a réussi à pénétrer à l’intérieur du périmètre adverse pour piquer le ballon. Cela démontre ses grandes qualités.
Connaissez-vous les autres joueurs algériens du championnat d’Espagne ?
Même si je ne connais pas bien les autres joueurs, j’avoue que le fait d’avoir des joueurs qui évoluent dans un championnat aussi relevé que la Liga permettra à votre sélection de grandir et d’aller en Coupe du monde avec des chances de faire quelque chose.
Vous avez eu le privilège de travailler sous les ordres de deux entraîneurs qui ont été de très grands joueurs : Maradona et Zidane. Que ressent-on qu’on est dirigé par des techniciens comme eux ?
Avec Diego, j’avais une très bonne relation et je lui en serai reconnaissant toute ma vie pour m’avoir fait confiance en Coupe du monde, pour m’avoir aidé tout le temps. Je n’oublierai jamais qu’après avoir été expulsé face à la Bolivie et suspendu quatre matchs, il n’a pas hésité à me convoquer de nouveau et tout de suite après. Des choses pareilles, on ne peut pas les oublier. Avec Zidane aussi, lui n’hésite jamais à venir me parler, me conseiller, me donner un coup de main. C’est bizarre, hier encore lorsque j’étais plus petit, je me délectais à le regarder jouer à la télé et là, il est devant moi tous les jours. En fait, Zidane est beaucoup plus coéquipier qu’entraîneur. A l’entraînement, il passe plus de temps avec les joueurs qu’avec le staff technique.
Justement, tout à l’heure on l’a vu tripoter le ballon avec les joueurs…
Oui, comme je vous le disais tout à l’heure, c’est plus un coéquipier qu’un entraîneur. Pour nous les joueurs, c’est important d’avoir cette classe de personnes dans le groupe.
Et il tripote toujours bien le ballon ?
(Il sourit) La touche est toujours là, en effet.
Il y a chaque fois plus de joueurs musulmans dans les grands clubs. Quels sont vos rapports avec Benzema, Khedira et dans un passé récent Ozil ?
Même s’il ne maîtrise toujours pas l’espagnol, je parle beaucoup avec Karim Benzema, il finira par l’apprendre, j’en suis convaincu. J’ai de très bons rapports avec Sami et Mesut. Dommage qu’il soit parti. Non, toutes les personnes que vous venez de citer sont des gens bien.
Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi Ozil récite des prières, avant chaque match ?
Avant, je pensais qu’il portait un livre entre les mains. Finalement, il lève les mains au ciel et récite des prières qu’il connaît de mémoire. Je sais qu’il prie souvent, mais je n’ai jamais osé lui poser la question. Vous savez, la religion, ça fait partie de la vie privée.
Quel a été votre modèle de joueur quand vous étiez gamin ?
Je vais peut-être vous surprendre, mais la référence pour moi a été Kily Gonzalez. Il est ailier comme moi et est natif de Rosario comme moi aussi. Je me suis vite identifié à lui et je suis fier d’avoir pu jouer à ses côtés au début de ma carrière professionnelle à Rosario Central.
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Di Maria, Higuain, Aguero et Messi, le quatuor fantastique de l’Albiceleste
Avec Lionel Messi, Gonzalo Higuain et Kun Aguero, Angel Di Maria forme depuis de longues années un groupe appelé «le quatuor fantastique» par la presse argentine. En effet, ces quatre joueurs hyper doués, nés entre 1987 et 1988, ont formé ensemble une attaque redoutable depuis les U17 pour ensuite remporter la Coupe du monde des U18 en 2007 au Canada puis la médaille d’or olympique en 2008 à Pékin. Sachat qu’ils ont auront gagné en maturité en juin au Brésil, ils sont décidés à offrir à l’Argentine le titre le plus convoité pour un joueur de football : la Coupe du monde.
«Attention, avec Di Maria il faut augmenter le volume»
Gustavo, le photographe du quotidien argentin Olé qui nous accompagnait à l’interview et qui connaît bien Di Maria, nous a mis en garde. «Dites au cameraman d’augmenter le volume, Di Maria est très timide, il ne parle pas fort et ça risque de se ressentir au moment de l’enregistrement», nous a-t-il dit. Jaime, le cameraman espagnol, a pris note. Le résultat était impeccable et vous allez vous en apercevoir lors de la retransmission de l’interview à la télé.
Il demande au photographe de lui envoyer les photos du match Argentine-Pérou
Avant le début de l’interview, Di Maria a chuchoté quelque-chose dans l’oreille de Gustavo le photographe. Avant même de lui demander quoi que ce soit, le photographe argentin est venu vers nous pour nous confier ce que lui disait le joueur argentin parce qu’en fait, il savait qu’on allait lui poser la question. «Il m’a demandé de lui envoyer les photos du match Argentine-Pérou des éliminatoires de la Coupe du monde (Ndlr, Argentine 3- Pérou 1 du 12 octobre 2013), parce qu’en l’absence de Messi et Mascherano, il a été promu capitaine pour la première fois de sa carrière. Vous savez, être capitaine de la sélection d’Argentine, ça n’arrive pas tout le temps.»
C’est Ever Banega qui lui a collé le surnom de «vermicelle»
En Argentine, c’est une habitude, tous les joueurs voire même tous les Argentins portent deux prénoms et surtout un surnom. Il y a les puces comme Messi, les lapins comme Saviola, les rats comme Ayala, les oursons comme Maradona. Angel Di Maria n’échappe pas à cette règle immuable. Contrairement aux autres, ce n’est pas la presse qui lui a collé un surnom, mais un coéquipier pendant les jeux Olympiques de Pékin en 2008. Ce coéquipier n’est autre qu’Ever Banega qui joue avec notre Sofiane Feghouli à Valence. Remarquant son corps mince voire même maigre à l’entraînement, il lui a lancé : «Arrête de te la jouer perso vermicelle !» Depuis, Di Maria, c’est Fideo (vermicelle) ou Angelito (le petit ange) ou encore Dimari, comme on préfère l’appeler au Real.
Enfin un joueur du Real au Buteur
Après toutes les interviews avec les stars publiées ces dernières années dans nos colonnes, certains lecteurs, notamment ceux qui supportent le Real Madrid, n’étaient toujours pas satisfaits. Pour eux, Butragueno qui est venu jusqu’à Alger à l’occasion du Ballon d’Or, n’est qu’un dirigeant et Del Bosque qui nous a reçus deux fois à Madrid n’est plus un Madridista. Les voilà donc satisfaits de cette interview d’Angel Di Maria, titulaire depuis quatre saisons au Real. Du moins, on l’espère.
Le stade Bernabeu plein, comme toile de fond !
Au centre d’entraînement du Real Madrid, toutes les conditions sont réunies pour que la presse travaille à l’aise. On a pensé à tous les détails, dont des salles d’interviews spécialement conçues pour les représentants des médias. En ce qui nous concerne, on nous a proposé une salle avec trois toiles de fond : la place Cibeles, là où les joueurs du Real font la parade à chaque fois qu’ils gagnent un titre majeur, les neuf Ligues des champions remportées par le club royal et le stade Santiago Bernabeu plein à craquer, le jour où le grand Zizou avait décidé de raccrocher les crampons. En concertation avec Di Maria, nous avons choisi le stade plein. Notre hôte argentin savait que Zizou était très attaché à l’Algérie.