Mercredi 15 janvier. Paris. Il était 14h45 lorsque nous avons fait notre apparition au siège de la Fédération française de football situé dans le 15e arrondissement, Boulevard de Grenelle. Une fois à la réception, on nous a annoncé une mauvaise nouvelle : l’interview sera décalée d’une heure.
C’est donc aux alentours de 16h que nous avons pu rencontrer M. Didier Deschamps qui nous a reçus dans son luxueux bureau. Très courtois voire même accueillant, Didier Deschamps nous a reçus avec un large sourire. Après une discussion amicale qui a duré quelque dix minutes, les choses sérieuses ont commencé. On vous laisse le soin de découvrir cet entretien exclusif de Didier Deschamps, le champion du monde 98 et champion d’Europe 2000 avec les Bleus. C’est la première interview qu’accorde Deschamps à un journal algérien. Appréciez !
Didier Deschamps, on vous remercie d’avoir accepté de nous recevoir dans votre bureau…
Pas de quoi. Au contraire c’est avec plaisir, soyez les bienvenus.
Peut-on avoir votre avis sur le tirage au sort de la Coupe du monde où l’équipe algérienne a hérité d’un groupe en compagnie de la Belgique, la Corée du Sud et la Russie ?
La Belgique, oui. Je connais cette équipe puisque nous l’avons déjà croisée. Je pense qu’il s’agit d’une très bonne équipe. Elle possède surtout de jeunes joueurs mais qui évoluent au sein de très grands clubs en Europe. En plus de ça, les Diables Rouges ont réalisé d’excellents résultats ces dernières années, ce qui va leur donner de l’ambition sans le moindre doute pour aller le plus loin possible dans cette Coupe du monde.
La Russie de Fabio Capello ?
Je ne pense pas que les Russes vont être un adversaire facile. Ils sont quasiment présents durant tous les grands tournois. Ils ont un entraîneur d’expérience (ndlr : Capello), mais aussi des jeunes dont la majorité sont des locaux. Je pense qu’ils peuvent réaliser de bons résultats.
Etes-vous d’accord avec ceux qui disent que la Russie c’est tout ou rien ?
Non, il y a des équipes qui sont plus fortes que la France, que la Russie et même l’Algérie. Donc, je pense que c’est la réalité du terrain qui va compter. Sur le plan individuel, les Russes sont moins forts que par le passé mais ils ont tout de même un collectif intéressant.
Enfin la Corée du Sud ?
Sincèrement, je ne les connais pas assez, je ne peux rien vous dire sur eux. Ils ont parfois des joueurs qui évoluent dans le continent, donc on les voit un peu. Les Coréens ressemblent un peu aux Asiatiques dans cette envie de gagner, la détermination… etc.
On va vous parler un peu de l’équipe algérienne… sans doute vous avez suivi les éliminatoires du Mondial en Afrique…
Oui, j’ai suivi à travers la télévision, notamment pour ce qui concerne l’équipe algérienne et je suis très content pour l’Algérie et surtout pour le sélectionneur Monsieur Halilhodzic que je connais.
En quelle circonstance l’avez-vous connu ?
On a joué ensemble (ndlr : au FC Nantes Atlantique). Moi à cette période, j’étais très jeune contrairement à lui qui était déjà très expérimenté. J’ai eu aussi l’occasion de discuter avec lui lors du tirage au sort de la Coupe du monde 2014 au Brésil. Je l’apprécie beaucoup.
En discutant avec Halilhodzic au Brésil, avez-vous justement senti qu’il veut réussir un coup spectaculaire en Coupe du monde, en qualifiant l’Algérie au deuxième tour ?
Oui, j’ai senti cela. C’est un entraîneur qui a de la volonté et qui veut toujours progresser. Oui, je pense qu’il veut qualifier l’Algérie en Coupe du monde. Il part du principe qu’une qualification en Coupe du monde est une bonne chose mais il faut faire bonne figure aussi au tournoi final.
L’Algérie jouera pour se qualifier au deuxième tour pour la première fois de l’histoire. Pensez-vous que pour réaliser un tel objectif, il ne faudra plus parler des résultats glorieux du passé lors des années 80 et 90, notamment la victoire historique face à l’Allemagne ?
Je peux vous dire que ce fait n’est pas spécifique à l’Algérie. Même chez nous en France, avant qu’on soit qualifié en Coupe du monde, on ne parlait aux jeunes que des générations de 98 et 2006. Lorsque j’étais joueur de l’équipe de France, avant le Mondial 98, on ne parlait que de la génération de Platini de 82 et de celle qui a remporté l’Euro 84. La victoire face à l’Allemagne reste dans l’histoire. Lorsqu’une équipe réalise de bons résultats, ça devient une référence, mais après, il faut savoir que ce ne sont pas les mêmes joueurs ni la même mentalité.
L’Algérie risque d’affronter l’Allemagne une seconde fois en huitièmes de finale…
(Il nous coupe) Mais il faut d’abord se qualifier avant de penser à l’Allemagne. Je souhaite pour votre équipe qu’elle soit plus performante.
L’équipe de France que vous dirigez jouera le Honduras, la Suisse et l’Equateur. Tout le monde est unanime à dire que les Bleus ont hérité d’un groupe facile…
Facile… non ! Je ne pense que ce groupe soit facile sur le terrain. Peut-être qu’il est facile sur le papier. En Afrique du Sud, lors du précédent Mondial, notre groupe était facile aussi sur papier, mais après, il faut savoir gagner les matchs sur le terrain, c’est le plus important. Certes, on pouvait tomber sur des équipes plus connues, plus fortes. La Suisse, on connait. Par contre le Honduras et l’Equateur dont j’ai vu les matchs, se sont qualifiés dans des poules difficiles. Si on prend l’Equateur par exemple, cette équipe a réussi à atteindre le Mondial en jouant de bonnes équipes durant la phase de qualification, donc il faut les prendre très au sérieux.
Voulez-vous dire que la France ne sera pas favori ?
Le favori de notre groupe, c’est incontestablement la Suisse qui est tête de série. Nous avons un classement FIFA qui n’est pas du tout avantageux. Il ne faut pas oublier aussi que la dernière performance de l’équipe de France date de 2006 lorsqu’elle avait atteint la finale. Depuis cette date, l’équipe de France n’a réussi à remporter qu’un seul match en poules entre l’Euro et la Coupe du monde. Ce n’est plus la période où l’équipe de France pouvait être favori.
De tels chiffres vous font peur ?
Non, ça ne me fait pas peur du tout. On est là pour modifier ces chiffres et les améliorer. Seulement, il faut être réaliste. On ne peut pas être favori de notre groupe. Pour moi, le plus important lorsqu’on commence un tournoi comme la Coupe du monde, c’est de gagner le premier match. C’est pour cette raison que j’estime qu’il faudra gagner notre premier match face au Honduras le 15 juin, c’est capital. Dans une poule à quatre, lorsqu’on remporte le match, ça nous met dans une bonne situation pour se qualifier… Certes ce n’est pas suffisant mais on prend quand même une option.
Allez-vous transmettre aux joueurs votre expérience de la Coupe du monde 1998 ?
C’était une époque différente, mais c’était quand même une expérience pour moi. Pour revenir à votre question, ce sera mon rôle avec mon staff bien sûr. Il y a des joueurs qui ne possèdent pas d’expérience comme par exemple Paul Pogba ou Raphael Varane qui ont à peine 20 ans, mais ils savent tout de même qu’il s’agit d’une Coupe du monde qui se déroule au Brésil, avec un objectif après, l’Euro 2016 qui aura lieu en France.
Vous avez cité l’âge de Pogba et de Varane. Pensez-vous alors que ce sera un handicap ?
Non, l’âge n’est pas un critère de sélection. Il faut savoir qu’il y a des joueurs qui ont de la maturité à l’âge de 20 ans. D’autres, ils ne l’ont pas même à 30. Moi par exemple, je ne fais jamais jouer un joueur de 25 ou 28 ans au détriment d’un jeune de 20 ans, à cause de l’âge. Si je juge que le jeune peut apporter un plus, je l’aligne, je n’ai pas le moindre souci de ce côté. Il y a aussi l’expérience qui est importante. Donc, si on a de jeunes joueurs, il y aura aussi des cadres qui vont encadrer les jeunes.
En huitième de finale, vous risquez d’affronter un des favoris de ce Mondial, à savoir l’Argentine de Lionel Messi… Vous y pensez ?
Non, j’espère que non. Je ne souhaite pas l’affronter, après tout peut se passer. Déjà, on connait trois de nos adversaires. Il faudra réaliser de bons résultats pour être à la première place. J’espère que nous serons premiers du groupe, tout comme les Argentins, comme ça, on va s’éviter au deuxième tour.
On aimerait savoir si vous avez trouvé des difficultés durant les éliminatoires pour qualifier la France…
On est tombés dans un groupe avec l’Espagne. Avec peu de matchs, nous avons tout de même joué pour cette première place, avant de la céder à l’Espagne, c’était un peu serré. On avait même épaté tout le monde en Espagne grâce à un très bon match où, n’était un peu de malchance, on aurait pu s’imposer. Enfin, il y a eu ce fameux match face à l’Ukraine.
Justement, des regrets quant à ce match qui a failli vous coûter cher ?
Non, l’Ukraine a joué un vrai match de qualification pour aller en Coupe du monde, contrairement à nous qui avions joué un simple match, je ne dirai pas amical mais pas loin. On était tombés sur une équipe accrocheuse qui voulait à tout prix gagner. On avait même frôlé le 3-0 qui allait nous être fatal.
Vous avez même pris quelques risques au retour en opérant beaucoup de changements…
Non, je ne pense pas. Déjà, au départ, j’avais l’idée de changer. C’était difficile de voir les joueurs se donner à fond et cette débauche d’énergie durant deux matchs en l’espace de quatre jours. D’ailleurs, je pense que nous avons pu inverser la tendance suite à notre avantage sur le plan physique. Les Ukrainiens ont beaucoup souffert.
Vous êtes chanceux puisque vous avez trouvé des doublures…
J’ai mis en place un dispositif pour que l’on attaque bien, et que l’on défende bien pour ne pas encaisser de buts. J’ai 23 joueurs qui peuvent jouer à n’importe quel moment.
Il y a seize ans, à cette même période, vous prépariez la Coupe du monde en tant que capitaine d’équipe. Aujourd’hui vous le faites en tant que sélectionneur. Quel est votre sentiment ? Le même ?
Ce ne sont pas les mêmes conditions. En 1998 c’était sur le sol français, tandis que cette fois-ci, ce sera au Brésil. Cela fait plus de soixante ans qu’une Coupe du monde n’a pas eu lieu dans ce pays qui est la nation du football. Après, il faut savoir que les rôles sont complètement différents. En 98, j’étais joueur, cette fois entraîneur. Mais, c’est toujours un grand honneur et une immense fierté de servir l’équipe de France. Cette fois, je la prépare avec beaucoup de détermination et de motivation pour essayer de réaliser quelque chose dans ce tournoi prestigieux.
On disait de votre génération qu’elle était très mûre pour son âge comme en témoigne l’image marquante à la finale de l’Euro 2000 lorsque vous étiez resté ensemble sur le terrain après le match. Ne pensez-vous pas que la différence entre l’ancienne et l’actuelle génération réside dans la maturité ?
C’est une question d’expérience et d’état d’esprit. Il y a ceux qui peuvent avoir de la maturité à 20 ans, d’autres ne l’ont pas à 30. C’est vrai, de notre temps, il y avait beaucoup de joueurs qui évoluaient dans de grands clubs. Aujourd’hui, c’est presque pareil. J’ai des joueurs qui sont dans de grands clubs, d’autres qui sont en France. Mais, je fais toujours en sorte de m’adapter à tout ça. Je souhaite par contre que tous les joueurs soient dans de grands clubs français ou européens, afin qu’ils puissent s’adapter au quotidien, s’entraîner tous les jours, prendre part aux compétitions et s’adapter à la vie professionnelle.
Didier Deschamps qui a comme philosophie de croire aux vertus du travail et de ne craindre aucune équipe, vise-t-il le titre de champion du monde ?
Sincèrement, non. J’ai de l’ambition, je ne vous cache pas, je veux aussi que mes joueurs aient de l’ambition. Mais quand on voit le classement FIFA de l’équipe de France et surtout les résultats enregistrés par l’équipe de France depuis la Coupe du monde 2006, il est impossible de dire qu’on va jouer la finale de la Coupe du monde. Il y a d’autres pays qui ont pris de l’avance, qui ont beaucoup progressé par rapport à la France. Seulement, il faut avoir de l’ambition pour atteindre un stade très avancé dans la compétition. Il faut aller le plus loin possible dans ce tournoi.
Des footballeurs binationaux ont été formés en France avant de décider de jouer pour les équipes de leur pays d’origine. Etes- vous d’accord avec cette politique ?
Je n’ai aucune position là-dessus. C’est vrai, c’est regrettable pour les clubs et même la Fédération qui misent sur des joueurs, mais une fois qu’ils ont atteint un certain âge, ils rejoignent les équipes de leur pays d’origine. On ne peut rien faire face à cette situation du fait que les règlements de la FIFA permettent à cette catégorie de joueurs de choisir.
Supposons qu’ils aient opté pour la France, auraient-ils pu avoir cette chance chez les Bleus ?
Oui, bien sûr qu’ils l’auraient eue, cette chance ! Après, c’est à eux de prouver sur le terrain. Moi, un joueur de 23, 24 ou même 25 ans lorsqu’il n’a pas joué en équipe de France et qu’il est sollicité par son pays d’origine pour disputer une CAN ou bien une Coupe du monde, je comprends parfaitement.
Il y a un Franco-algérien qui évolue à Tottenham, Nabil Bentaleb. Les médias français parlent d’un intérêt de la FFF pour ce joueur au moment où la Fédération algérienne de football et Halilhodzic souhaitent l’engager avec les Verts en vue de la Coupe du monde…
Sincèrement, je ne sais pas si la Fédération française s’intéresse à ce joueur ou non. A mon avis, le fait qu’il ait déjà eu une sélection en jeune catégorie de l’équipe de France U-19, il serait logiquement avec l’équipe U-20 par la suite. Je suis les matchs de Tottenham puisque j’ai mon gardien qui évolue là-bas. Après, je pense qu’il aura un choix à faire puisque étant donné qu’il n’a pas fait d’apparition en équipe de France A, il peut changer d’équipe. Ce sont les sélections en A qui comptent le plus.
Des joueurs comme Feghouli qui évolue à Valence et Taïder à l’Inter de Milan, ont été formés par la France, mais ils ont choisi l’Algérie par la suite. Vous les regrettez ?
Je ne peux rien faire. Ils ont fait leur choix parce que le règlement le permet et c’est tout. Ils sont donc dans leur droit. Aujourd’hui, ils ne sont pas sélectionnable pour la France.
Même Gonzalo Huguian pouvait jouer au profit de l’équipe de France…
C’est pareil. Il a fait son choix, il faut alors l’accepter et le respecter. Je pense que lui est beaucoup plus Argentin que Français.
A votre avis, la nouvelle réglementation quant au changement de nationalité sportive, voté aux Bahamas, est-elle avantageuse pour les Fédérations européennes, comme la France par exemple ?
C’est moins avantageux pour les équipes européennes ou si on veut les pays formateurs comme la France. Le problème, c’est que les clubs et même la Fédération française de football investissent dans la formation avant de voir ces jeunes rejoindre leur pays d’origine. On n’y peut rien. Face à une telle situation, il faut faire avec et puis c’est tout.
La polémique dite des quotas, a-t-elle eu le mérite de clarifier le débats sur les binationaux ?
Non, il y a eu un amalgame de fait et je pense que beaucoup de choses ont été dites, mais sachez qu’en France, il y a beaucoup de races et d’origines que ce soit d’Afrique ou d’Outre-mer, c’est culturel, par rapport à beaucoup d’autres pays.
Une importante délégation de la Fédération française de football s’était entretenue avec ses homologues algériens pour un match amical. Souhaitez- vous qu’il ait lieu en Algérie ou en France ?
Oui, je sais. Je pense que ce match va avoir lieu sur le sol algérien et non pas sur le sol français. Il y a déjà eu un match amical entre les deux équipes sur le sol français. Maintenant, il va y en avoir un chez vous, sur le sol algérien.
Ce sera pour quand ?
Sincèrement, je ne sais pas encore. Cela va se discuter entre les deux présidents. Ce match amical à Alger est prévu depuis un moment.
Vous gardez quelques souvenirs du match France-Algérie de 2001 ?
Non, comme vous le savez déjà, je n’étais pas sur le terrain ce jour-là. J’avais arrêté ma carrière internationale juste après l’Euro 2000. J’avais suivi ce match à la télévision. Je pense que lorsque de tels matchs se jouent, ça parle trop. C’est ce qui pourrait créer l’amalgame. Il faut faire très attention. Pour moi, c’est un grand plaisir de rencontrer l’équipe d’Algérie ou même une autre équipe.
Vous étiez venu en mars 2010 à Alger avec l’association France 98 pour un tournoi Futsal. Vous en gardez des souvenirs aujourd’hui ?
Oui, bien sûr. Je garde même plein de souvenirs. Déjà, c’était mon premier séjour en Algérie. Puis, on avait vécu tous des moments vraiment extraordinaires ce jour-là. On a été aussi très bien accueillis. Il y avait une affluence record, parce qu’il y avait Zizou. Quand il y a Zidane, c’est tout le monde qui vient pour le voir.
Il y a Nasri et Benzema qui sont d’origine algérienne, Ribéry et Abidal qui ont des épouses de nationalité algérienne. Sentez-vous le soutien des Algériens pour les Bleus ?
Je pense que oui, mais l’inverse est aussi vrai. Ce sont des liens qui se sont tissés depuis la naissance, sans oublier que c’est aussi culturel.
Nasri et Benzema n’ont pas été retenus pour la Coupe du monde 2010 ; pensez-vous que c’était mérité ?
Je n’étais pas sélectionneur de la France à l’époque, donc je ne peux rien dire. Le sélectionneur de l’époque (ndlr : Raymond Domenech), avait jugé peut-être qu’il y avait des joueurs meilleurs qu’eux, plus en forme. Peut-être aussi que les deux joueurs ne convenaient pas à ce que voulait faire le coach. C’est un choix tout simplement.
Vous avez joué dans différents championnats européens comme l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne et la France aussi. Quel est le championnat qui convient le plus au footballeur algérien ?
Un grand joueur peut s’imposer dans n’importe quel championnat. Après, on connait tous le footballeur algérien qui est vraiment technique et qui possède justement cette facilité de transpercer n’importe quelle défense et la facilité de dribbler. Dans tous les championnats au monde, on cherche ce type de joueur.
Vous êtes l’unique capitaine français à avoir eu l’honneur de brandir la Coupe du monde. On aimerait savoir comment vous avez vécu ce qui s’est passé en 2010 lors de la Coupe du monde en Afrique, loin des terrains avec tous les problèmes qui ont eu lieu ?
Tout d’abord, je n’étais pas en équipe de France. Aujourd’hui, on est en 2014 et ce qui s’est passé date de quatre ans. Je peux vous dire que c’était un moment horrible pour le football français et pour tous les français. Personne ne peut effacer ce qui s’est passé, mais je pense qu’il ne faut pas trop se focaliser sur ça. Même pour les médias français, je pense que ça ne sert à rien de parler de ce sujet. A mon avis, le plus important est de parler de ce qui nous attend et de l’Euro 2016 qui est notre objectif. Il faut savoir que ce n’est pas en regardant ce qui s’est passé en 2010 qu’on va changer les choses. En tout cas, ça a été un moment très pénible et pour l’image du football français, ça a été désastreux.
En France, il y a eu Laurent Blanc, Didier Deschamps et sans doute Zidane qui va être futur sélectionneur, alors qu’en Algérie les Madjer, Belloumi et autres n’ont pas eu cette chance. Pensez-vous que le football doit revenir aux footballeurs ?
Je pense que oui. C’est important que les anciens joueurs soient de retour dans le monde du football, mais sous différents rôles. On peut être dirigeant dans un club, comme on peut être aussi entraîneur. Mais il faut savoir aussi que ce ne sont pas tous les joueurs qui peuvent devenir entraîneurs. Même en France, c’est difficile pour les anciens joueurs. Vous m’avez parlé de trois seulement, mais il faut savoir qu’il y en avait 23 dans le groupe.
Après Manchester City et Malaga, deux clubs français, à savoir le PSG et l’AS Monaco, ont carrément abandonné la formation pour acheter des joueurs à des prix exorbitants. Votre avis ?
Non, ils n’ont pas abandonné la formation. Au PSG par exemple, il y a toujours de jeunes joueurs comme Rabiot, Jallet et même Matuidi. Je pense qu’ils ne choisissent pas les joueurs par rapport à leur nationalité, mais c’est par rapport à ce dont ils ont besoin. Ces deux clubs ont de très grands moyens, c’est une bonne chose pour la Ligue Une, pour que le niveau soit encore plus élevé. Quand on voit Ibrahimovic, Falcao, Cavani, Thiago Silva et les autres, c’est de bon augure. Ce sont les grands joueurs qui tirent les autres vers le haut. J’espère qu’il y aura d’autres clubs qui vont avoir plus de moyens dans l’avenir pour que le championnat français soit beaucoup plus suivi.
Cristiano Ronaldo a remporté le Ballon d’or alors que beaucoup s’attendaient à ce que ce soit Ribéry qui remporte ce trophée. Un sentiment de frustration chez vous ?
Oui, je suis déçu parce qu’il l’aurait mérité autant que Ronaldo. Mais il est quand même parmi les trois meilleurs joueurs au monde avec Ronaldo et Messi. C’est vrai, on aurait aimé que ce soit Ribéry qui remporte le Ballon d’or par rapport aux titres qu’il a remportés la saison dernière, mais malheureusement, ça n’a pas compté, les données ont changé.
Votre venue à l’OM, a coïncidé avec le départ de Karim Ziani. Est-ce que le joueur a quitté le club par rapport à l’offre de Wolfsburg ou bien parce que vous ne comptiez pas sur lui ?
Non, avant ma venue, son départ était déjà acté. Je me souviens qu’à mon arrivé à Marseille, le président du club était décidé à vendre le contrat du joueur, après un accord avec l’intéressé. Donc, je n’ai aucun lien avec le départ de Ziani de Marseille.
Zizou entraîneur, vous le voyez faire du chemin dans ce métier ?
Eh bien, oui. Je le vois réussir. Déjà, il connait parfaitement le football. Le plus important, c’est qu’il ait décidé de devenir entraîneur. Donc, il a cette envie de réussir. Il a de l’expérience et maintenant, il va passer ses diplômes. En tout cas, j’espère du fond du cœur qu’il réussisse.
Un dernier mot aux Algériens ?
Je souhaite aux Algériens bonne chance en Coupe du monde, j’espère que votre équipe fera un bon parcours. J’espère aussi vous revoir vite (rire) à l’occasion du match France-Algérie qui va avoir lieu prochainement.
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Deschamps était en costume
Au moment de notre rencontre avec Didier Deschamps, nous étions surpris de le constater en costume classique, alors que nous avons l’habitude de le voir en tenue sportive. Le sélectionneur des Bleus avait décidé de porter un costume ce jour où il allait accueillir Le Buteur.
Il nous a promis une seconde interview en cas de sacre final au Brésil
A la fin de l’interview, nous avons souhaité bonne chance à Deschamps en Coupe du monde. A son tour, le sélectionneur français a tenu à souhaiter aux Algériens bonne chance aussi. A ce moment-là, nous lui avons demandé avec une pointe d’humour s’il y avait un moyen d’avoir une seconde interview au siège de la FFF. Le sélectionneur des Bleus a répondu : «Si on gagne la Coupe du monde, oui pas de problème !».