A l’université d’Alger. C’est une nouvelle toute chaude encore qui vient de tomber à l’université d’Alger : le ministre de l’Enseignement supérieur vient d’envoyer un message à ses subalternes, recteurs et autres directeurs d’instituts, les instruisant de demander aux enseignants de se montrer « souples » vis-à-vis des étudiants lors des examens de fin d’année.
« ‘Souple’, moi je voudrais bien l’être, dira à DNA un professeur a l’institut des sciences de l’information et des relations internationales à Alger, mais je veux que l’on m’explique d’abord le sens du mot souple pour que je puisse l’appliquer afin de rendre heureux mes supérieurs ».
Depuis que ce message est tombé, un grand débat agite le microcosme universitaire sur le sens exact à donner au mot « souple ». Les enseignants ont finalement tombés d’accord sur le fait que le mot avait un sens caché qu’il était de leur devoir de découvrir.
Se montrer souple, c’est, par exemple, ne recaler aucun étudiant et faire en sorte que tous les étudiants, qu’ils soient de brillants sujets ou d’indécrottables cancres, réussissent leurs examens de passage.
Dans un lycée a Bab El Oued
Lorsqu’un élève obtient une mauvaise note, il y a toujours moyen d’y remédier. Il suffit juste au papa de cet élève indélicat d’afficher son mécontentement pour que des solutions s’offrent à lui. Il y a aura toujours une surveillante un peu plus attentionnée que les autres pour se présenter au malheureux et lui proposer de revoir la copie de son cher rejeton.
« Il est possible que l’enseignante ait oublié de faire un bon comptage, ou qu’elle ait fait une mauvaise correction, vous ne voulez pas qu’on lui dise de revoir cette copie ?» demandera la gentille surveillante à cette mère plus inquiète du « que dira-t-on » dans sa famille et auprès de ses amies que de la raison pour laquelle son enfant a obtenu de mauvaises notes.
Entre gens intelligents on finit toujours par se comprendre sans même se parler. D’un simple coup d’œil. Pas besoin de contrat signé entre les deux parties ni de témoins gênants pour s’entendre sur ce « marché » pas comme les autres.
Conversation authentique entendue par notre journaliste
– « Je vais voir l’enseignante pour arranger cela. En retour, que pouvez vous donner ?» dira la surveillante.
– « Ce que vous voudrez, mais s’il vous plait, régler moi ce problème, » dira la mère ravie de trouver des gens aussi « compréhensifs ».
Elle ajoutera qu’elle travaille dans le dispensaire pas loin de l’école, et qu’elle peux donc donner un coup de pouce a tous ceux qui pourraient aider son fils a obtenir une bonne note.
– « Médicaments, rendez vous, radiographie…pas de problèmes, » dira-t-elle.
– « Combien a-t-il eu ? »
– « Moi c’est surtout le 7/20 en mathématiques qui me dérange. »
– « La prof de maths n’est pas facile, mais on va voir. »
– « Si possible, je voudrais un 13. »
– « On va voir. »
La surveillante se rend chez la prof de maths. En deux temps trois mouvements, on parvient à un accord.
-« Un 13, mais en retour une boite de contraceptifs par mois. »
– « C’est bon, je suis d’accord. Aucun problème. »
« Moi je t’envois de temps à autre de la famille et des amis au dispensaire. Prend bien soin d’eux. Et de mon coté, pas de problème pour ton fils. »
– « Merci. »
– « Allons, c’est la moindre des choses. »
Un papa, parent d’élève dans le même établissement est au courant de ce business. Choqué, outré, sidéré il veut dénoncer mais il a peur que l’on s’en prenne a son fils.
– « Ce qui me tue c’est que tout le monde est au courant, du directeur au plus petit des surveillants et des agents administratifs. Les enseignantes n’hésitent même plus à vendre les sujets des examens. Ce n’est pas normal, » dit-il.
Cours privés, petits arrangements
Autre pratique répandue : des parents engagent les enseignants de leurs enfants pour des cours privés. L’objectif n’est pas d’améliorer le niveau mais plutôt d’obtenir les questions des examens afin de garantir une bonne note.
Plus grave encore : les enfants des enseignants bénéficient d’un traitement de faveur. L’enseignante de sciences donnera son sujet à sa collègue de maths, qui en retour lui donnera le sien. Et ainsi de suite.
« On a vu des enseignantes rentrer dans la salle d’examen pour donner un coup de pouce a leurs enfants, parfois en apportant des copies corrigées, où va-t-on comme cela ? » dira ce père de famille qui ne sait plus à quel saint se vouer.
« Il en va de l’éducation de nos enfants, on ne doit pas se taire, » dira-t-il.
Et cela se passe à ciel ouvert dans un établissement à Bab El Oued, quartier populaire de la capitale Comme sans doute dans beaucoup d’établissements scolaires à travers le pays.