L’avocate de l’ex-milliardaire algérien assure qu’elle n’acceptera pas que l’affaire soit renvoyée indéfiniment.
Pour Anita Vasisht, il n’y a pas de doute. Le caractère hautement “politique et sensible” de l’affaire portant sur l’extradition d’Abdelmoumen Khalifa vers l’Algérie explique pourquoi les juges de la Haute-Cour britannique ne veulent pas l’expédier.
“Il s’agit d’un dossier atypique”, explique l’avocate de Wilson’s and Co. Plus d’une année après avoir introduit un recours pour empêcher son transfert, l’ancien patron du groupe Khalifa attend toujours d’être convoqué à la barre. “Aucune date n’a été fixée pour une audition”, relève Me Vasisht. Elle estime que le retard pris dans le traitement de l’appel est important. “C’est inhabituel”, commente-t-elle. D’ordinaire, les magistrats de la Haute-Cour s’accordent quelques mois, quatre en moyenne, pour examiner les affaires de recours dans le fond et dans la forme, avant de programmer une audience, en présence des différentes parties et rendre leur verdict. Or, dans le cas du dossier Khalifa, personne, y compris sa défense, ne sait quand cela se produira. C’est en avril 2010, qu’Anita Vasisht a fait appel au nom de son client. Cette démarche visait à bloquer la procédure d’extradition, rendue possible suite au feu vert donné par Alan Johnson, ex-locataire du Home Office — ministère de l’intérieur. Celui-ci avait avalisé le jugement du tribunal de première instance, en estimant que l’Algérie a donné des garanties suffisantes sur la sécurité de Khalifa et la possibilité pour ce dernier de se défendre au cours d’un nouveau procès. En 2007, le tribunal criminel de la cour de Blida le condamnait par contumace à la réclusion à perpétuité, suite à la faillite frauduleuse de sa banque.
Au cours des auditions organisées entre mars 2008 et juin 2009, par le tribunal de Westminster pour l’examen de la demande d’extradition présentée par le gouvernement algérien, les avocats de Khalifa se sont employés à prévenir son transfert, en faisant valoir les menaces, une fois de retour dans son pays. Ils ont également tenté de convaincre le juge que leur client n’est pas un escroc, mais victime d’un règlement de compte politique.
Le patron d’El Khalifa Bank a été arrêté à Londres en mars 2007 par la brigade économique et financière de Scotland Yard, suite à un mandat d’arrêt délivré par un tribunal français. Un porte-parole du Home Office avait affirmé à l’époque des faits que “le Royaume-Uni n’est pas un refuge pour criminels et nous nous tenons prêts à aider toute demande d’extradition dans le cadre prévu par la loi”.
Trois mois plus tard, l’Algérie et la Grande-Bretagne signaient une convention d’extradition. En juillet de la même année, un juge accepte le transfert du milliardaire déchu en France. La procédure est néanmoins bloquée pour traiter la demande algérienne d’extradition, reçue par le Foreign Office à la fin de 2007. Beaucoup ont pensé que la justice et le gouvernement britannique étaient réticents à l’idée de renvoyer Abdelmoumen Rafik Khalifa dans son pays, ou du moins que le traitement du dossier allait traîner en longueur. Le transfert d’un autre Algérien, Rachid Ramda (accusé d’implication dans les attentats des transports parisiens en 1995) en France, a pris dix ans. Selon Me Vasisht, l’acceptation par les autorités britanniques de la demande algérienne d’extradition de Khalifa, dissimule un deal politique.
Elle évoque une vente concomitante comportant également le transfert d’islamistes. Par ailleurs, on estime que Londres ne souhaite pas qu’un nuage vienne obscurcir sa bonne entente avec Alger. Depuis quelques années, les relations entre les deux capitales ont connu un développement sans précédent, surtout dans les domaines économique et commercial. Plusieurs missions d’hommes d’affaires britanniques ont visité notre pays. L’Algérie est, aujourd’hui, le premier partenaire commercial du Royaume-Uni dans le Maghreb.