La commémoration de la révolte populaire d’Octobre 1988 est-elle passée de mode ? Contrairement aux années précédentes, le 24e anniversaire des émeutes juvéniles d’Octobre 88 n’a pas inspiré les commentaires médiatiques et politiques.
Les révoltes arabes, qui ont balayé successivement les régimes dictatoriaux de Ben Ali en Tunisie, de Hosni Moubarak en Égypte, de Ali Saleh au Yémen et de Mouammar Kadhafi en Libye, ont-elles réduit de la portée du soulèvement d’Octobre 1988 qui, à l’époque, a propulsé l’Algérie dans l’ère des multipartisme politique et médiatique ? Longtemps référent régional en matière d’émancipation citoyenne du règne du parti et de la pensée uniques, le soulèvement d’Octobre 1988 semble avoir perdu de sa symbolique, déclassé par d’autres révoltes populaires dans le monde arabe autrement plus fortes et plus percutantes. Des révoltes qui ne se sont pas suffi de petites ouvertures démocratiques mais ont poussé jusqu’à sonner le glas de dictatures que, jusque-là, d’aucuns pensaient indéboulonnables. Examiné à l’aune des changements intervenus dans le monde arabe, depuis janvier 2011, le soulèvement d’Octobre 1988 apparaît, pour nombre de jeunes Algériens, comme une révolution inaboutie, avortée. A raison, au demeurant, puisque la démocratie en Algérie n’a été, depuis, que de façade. Les émeutes de janvier 2011 et des mouvements de protestation qui ont suivi ont attesté de façon plus que nette de ce que Octobre 1988 a raté de poser les jalons d’une démocratie véritable. Vingt-deux ans plus tard, les Algériens étaient encore à réclamer une ouverture démocratique. Pour se mettre à l’abri d’une révolte populaire similaire à celles qui ont eu lieu dans des pays comme la Tunisie, l’Égypte, le Yémen, le Libye et celle devenue guerre civile en Syrie, le pouvoir et ses relais au sein de la classe politique et dans la société n’ont pas hésité à arguer que «le printemps algérien» a eu lieu bien longtemps avant celui qui vient d’éclore dans le monde arabe, en octobre 1988, justement. Ainsi manipulé, après avoir été détourné, le soulèvement d’Octobre ne pouvait dès lors que perdre de sa «sacralité». C’est ce qui explique, en partie du moins, qu’il n’a pas bénéficié, cette année, d’une singulière évocation.
S. A. I.