Evolution du prix du pétrole, La nouvelle donne iranienne

Evolution du prix du pétrole, La nouvelle donne iranienne
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Avec la signature à Vienne, mardi dernier, de l’accord sur le nucléaire entre l’Iran et les 5+1, un nouveau joueur, qui n’est pas prêt à se contenter du rôle de figurant, s’invite dans une compétition qui va connaître, à terme, de nouveaux chamboulements.

Une fois les sanctions levées, l’Iran retrouvera sa place sur le marché pétrolier, soit celle de la quatrième puissance mondiale en réserves pétrolières et de la deuxième puissance en gaz. Loin de la question du nucléaire proprement dite, la signature de cet accord entre l’Iran et les 6 puissances mondiales se traduira, graduellement, par la levée des sanctions, y compris celles relatives à l’accès aux marchés pétrolier et financier mondiaux. Autrement-dit, l’Iran risque de retrouver, dès 2016, sa totale marge de manœuvre sur le marché pétrolier mondial. Et, c’est de l’attitude de Téhéran que risquent de dépendre les éventuels bouleversements que connaîtra le marché pétrolier.

L’Iran est considéré comme l’une des victimes de la chute des prix du baril entamée dès la fin 2014. Il a constitué avec l’Algérie, le Venezuela, l’Angola… un sous-groupe au sein de l’Opep qui plaide pour la baisse de la production afin de faire remonter les prix dans une démarche qui n’a pas abouti face à la puissance de l’autre groupe dirigé par l’Arabie saoudite et, essentiellement, les autres monarchies du Golfe. Mais, avant l’accord du 14 juillet, l’Iran agissait alors qu’il est démuni des deux-tiers de sa capacité. En vertu des sanctions internationales, la production de l’Iran s’est limitée à 1 million/bj alors que sa capacité est de trois fois plus. Et, sur les marchés, le poids des nations en négociation se mesure, surtout, en leur capacité de production. Pour notre cas, une fois toutes les sanctions levées, l’Iran va récupérer sa quatrième place de puissance mondiale en pétrole et sa deuxième place de puissance en gaz. Ainsi, aujourd’hui, avec le retour de l’Iran sur le marché pétrolier mondial, qui reste une affaire de semaines selon des experts, deux scénarios se profilent.

Dans un premier scénario, l’Iran, fort de son retour sur le marché et de sa puissance de production va peser de son nouveau poids, avec l’Algérie entre autres, pour amener l’Arabie saoudite et ses alliés à revoir à la baisse la production au sein de l’Opep.

Cette variante peut être retenue par Téhéran pour des considérations à la fois géopolitiques et pragmatiques.

En restant dans le sous-groupe de l’Algérie, le Venezuela, l’Angola… l’Iran peut chercher à parasiter, pour des considérations de leadership, la politique de l’Arabie saoudite. Cela pour le côté géostratégique. Pour le côté pragmatique, pénalisé par des années de sous-investissements dans le secteur des hydrocarbures à cause des sanctions internationales, l’Iran risque d’avoir du mal, avant 2016, à mobiliser toutes ses capacités et réserves pour inonder le marché et, donc, son intérêt immédiat est de continuer à plaider pour une réduction de la production.

Dans un deuxième scénario, l’Iran va adopter le même profil que l’Arabie saoudite en augmentant, lui aussi, sa production pour récupérer le manque à gagner suite à la baisse des prix.

À ce jour, à cause des sanctions, la production-exportation de l’Iran est limitée à une moyenne de 1million/bj. Une production qui ne répond pas, surtout avec un baril au-dessous des 100 dollars, aux exigences du développement socioéconomique du pays. Selon cette variante, en attendant 2016, les Iraniens, et selon plusieurs sources au fait du dossier, ont déjà pris leurs devants et anticipé sur le scénario de l’aboutissement des négociations de Vienne.

La faiblesse des capacités de production à cause du sous-investissement induit par les sanctions sera compensée par une production stockée depuis le début de l’année 2015 et prête à être écoulée. L’Iran aurait déjà stocké pas moins de 40 millions de barils de pétrole et de condensat. Selon les Iraniens même, le pays est capable, à très court terme, c’est-à-dire d’ici la mi-août, d’augmenter sa production de 500 000/bj et, dès janvier 2016, de 1 million/bj. Autrement dit, en une année, l’Iran est capable d’atteindre les 3 millions/bj. Quand on sait que l’Algérie produit, aujourd’hui, une moyenne de 1,2 million/bj, on saisit le poids d’un retour “complet” de l’Iran sur le marché.

Comme dans tout travail de prospective, il va de soi que l’action d’un pays ou d’un groupe de pays reste tributaire de la conjoncture politique mondiale et des tendances lourdes du marché.

Le retour “complet” de l’Iran sur le marché pétrolier dépend de l’aboutissement des accords politiques entre Téhéran et les 5+1. Rien ne prouve que de nouvelles entraves ne viennent retarder la levée des sanctions. Une fois la contrainte politique levée, dans ses choix stratégiques, l’Iran va prendre en considération les tendances de l’économie mondiale et du marché pétrolier. Et, à ce niveau, les prévisions divergent d’un expert à un autre et d’une organisation à une autre.

À titre d’exemple, si ce sont les projections des analystes de l’Opep qui vont se réaliser, soit une croissance de la demande mondiale supérieur à 3% “boostant” la demande sur le pétrole, il est de l’intérêt de l’Iran de plaider pour une baisse de la production.

Si, par contre, ce sont les projections des analystes de l’AIE qui vont se réaliser, soit un ralentissement de la croissance économique mondiale freinant la demande sur le pétrole, il va de soi que l’Iran va exploiter au maximum ses capacités de production pour renflouer ses caisses.

Comme on le voit, le retour de l’Iran sur le marché pétrolier mondial va créer des chamboulements qui vont marquer l’économie de plusieurs pays. Reste que l’Iran, dans la conjoncture actuelle, est une donne complexe au sein d’une équation à variables… géométriques.

M.K.