Évènement de ghardaia, Une fitna structurée et organisée

Évènement de ghardaia, Une fitna structurée et organisée
Beaucoup a été dit et écrit sur les tensions et violences qui opposeraient deux communautés distinctes de la région du M’zab

Des esprits en manque d’imagination, évoqueront la piste identitaire qui mettrait aux prises sédentaires-nomades, Berbères-Arabes et ibadites-malékites.

C’est donc parce qu’elle a réduit les esprits vigoureux au silence, semblait dire Cheikh Brahim Bayyoud dans une conférence tenue au lendemain de l’indépendance, et aussi parce qu’elle a sous-estimé le peuple que l’idéologie officielle s’est momifiée laissant l’initiative à des forces du mal autrement plus redoutables. Des forces qui allaient emprunter des sentiers dogmatiques et castrateurs pour compromettre dangereusement l’avenir d’un peuple et retarder considérablement les transformations démocratiques de la société.

Beaucoup a été dit et écrit sur les tensions et violences qui opposeraient deux communautés distinctes de la région du M’zab. A l’appui, plusieurs facteurs auront été avancés avec à la clé, celui de l’affichage, en décembre 2013, d’une liste de personnes ayant bénéficié d’un logement social. Ce qui au demeurant, est loin de revêtir un caractère exceptionnel puisque des scènes violentes auront été enregistrées çà et là, à travers le territoire national, sans que personne ne fasse allusion à une quelconque fitna. A l’effet de donner dans cette fitna tant suggérée par des salons en manque d’imagination, certains esprits chagrins évoqueront alors la piste identitaire qui mettrait aux prises sédentaires-nomades, Berbères-Arabes et ibadites-malékites. En parfaits magnétophones, les sources en question emprunteront allègrement quelques sentiers sinueux pour tenter de saucissonner le peuple algérien en arabophones et en berbérophones feignant, par la même occasion, d’oublier que c’est l’unité nationale de ce peuple qui aura eu raison du projet colonial de la France en Algérie. Les dérives et autres surenchères sémantiques, puisque d’aucuns parlent aussi de races qui s’affronteraient, ont encore de beaux jours alors que la raison et le patriotisme cher à ce peuple commandent à ce que l’Etat ne tolère plus de tels écarts qui constituent, à eux seuls, une fitna au quotidien. Un Etat qui, de par sa permissivité de quelques-unes de ses actions populistes, en arrive à faire le jeu de ce que son ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales appelle «la main de l’étranger». Les commis de l’idéologie dominante en charge de cet épineux dossier oublient-ils que le dynamisme de la diplomatie algérienne au Mali et en Libye sans oublier sa position irréfragable sur le droit des peuples à l’Autodétermination ne sont pas sans lui attirer les foudres de guerre de certaines nations particulièrement favorables au nouveau concept de «la colonisation autrement»? C’est justement cette passivité, fut-elle tactique, qui a donné naissance à une sorte de terreau fertile où prospèrent déjà toutes les grilles de lecture en mesure d’irriguer les théories déclinistes ayant appelé les forces étrangères à intervenir en Algérie pour empêcher le massacre programmé de la race mozabite. Comme si cette même communauté n’était pas de race algérienne, arabo-berbère et fière de l’être! Pour Aoumeur Bakelli, «ce qui nous arrive ici dans notre région comme affrontements n’est en réalité qu’une ‘fitna » structurée, organisée afin de défaire des liens qui ont été les premiers éléments d’une civilisation millénaire dans une région qui aura donné les plus belles facettes d’une culture basée sur le respect des différences, en prenant de la différence ce qu’il y a de plus utile afin d’en faire bénéficier toute la nation. Et si notre intention de réponse est de défaire tout plan machiavélique visant à déstabiliser la région et par là le pays entier, nous devrons en tant qu’Algériens responsables – pas en groupes politiques prétendument ethniques soutenant la cause des uns au détriment des droits des autres – agir.» Pour cet anthropologue originaire d’El Atteuf, ville millénaire s’il en et la première de la communauté ibadite, le drame tel que vécu présentement au M’zab «est un acte unique dans les annales, une vaine et énième tentative de sabordage d’un Pacte social et serment de nos aïeux vis-à-vis de Dieu et de nous-mêmes consistant à faire en sorte de ne plus retourner aux guerres et de travailler de concert avec nos semblables afin de nous éloigner le plus possible des causes qui auront été à l’origine de la chute de civilisations entières». La même source estime qu’il nous faut rester vigilants car l’instant est grave, il nous faudra réapprendre à communiquer entre Algériens et faire ensemble barrière à toutes les vaines tentatives de déstabilisation. Un appel à la raison éclairante que ce sentiment clairement affiché car si la foi s’adresse au coeur, elle s’adresse surtout à la raison, source de la connaissance. En cela, Aoumeur Bakelli demeure fidèle à l’ibadisme qui prône l’ijtihad et permet l’adaptation nécessaire au monde en évolution, à la confrontation saine des idées et à un dialogue refondateur avec les malékites, notamment à l’occasion de la création, en 1931, de l’Association des Ouléma, création à laquelle avaient pris part les cheikhs Abderrahmane Ben Omar d’El Ateuf, Abul Yaqdhan et Brahim Bayyoudh de Guerara. Plusieurs spécialistes s’accordent à dire que le FLN du 1er Novembre 1954 a sensiblement accéléré cette dynamique. Ses mots d’ordre unitaires ont accéléré ce mouvement et le formidable brassage opéré au cours de la lutte armée en Algérie a sinon détruit, du moins très fortement atténué les vieux clivages et les préjugés régionalistes. Feu Abdelmadjid Meziane nous a enseigné que notre société est entrée d’une manière irrémédiable dans l’ère du conservatisme à partir du XIIe siècle, période qui coïncida d’ailleurs avec les premiers indices de notre décadence culturelle: «C’est bien ce peuple qui passa sans trop d’embarras du sunnisme au kharédjisme, du kharédjisme au chiisme, et du chiisme à la Sunna.» «D’un côté, les cerveaux créateurs étaient réduits au silence et annihilés par des penseurs officiels et le processus de décadence ne pouvait être qu’accéléré par ce dessèchement culturel. D’un autre côté, le peuple qui ne faisait que prendre le masque des orthodoxies, ne manquait pas d’assouvir ses vengeances contre ces idéologies de contrainte.» C’est donc parce qu’elle a réduit les esprits vigoureux au silence, semblait dire Cheikh Brahim Bayyoud dans une conférence tenue au lendemain de l’indépendance, et aussi parce qu’elle a sous-estimé le peuple que l’idéologie officielle s’est momifiée laissant l’initiative à des forces du mal autrement plus redoutables. Des forces qui allaient emprunter des sentiers dogmatiques et castrateurs pour compromettre dangereusement l’avenir d’un peuple et retarder considérablement les transformations démocratiques de la société.

Des commerçants mozabites baissent rideau

De nombreux commerçants mozabites ont fermé hier leurs boutiques dans plusieurs grandes villes du pays pour protester contre les évènements douloureux que connaît, depuis début juillet, la région de Ghardaïa. Ces fermetures, observées à Batna, Sétif, Constantine et, dans une moindre mesure, à Annaba et à Bordj Bou Arréridj, ont surpris les habitants des localités concernées, habitués à l’intense activité de ces commerces, surtout durant le Ramadhan. A Constantine, des commerçants originaires du M’zab soutiennent suivre l’appel lancé par le Conseil des notables de Ksar Guerrara pour dénoncer les nouvelles échauffourées vécues dans cette région. A la rue Larbi Ben-M’hidi (Trik Jdida), la totalité des commerçants mozabites, très nombreux dans cette artère, ont baissé rideau hier et accroché des écriteaux appelant à mettre fin à l’effusion de sang. A Sétif, aucun des commerçants originaires de la wilaya de Ghardaïa, qui foisonnent rue Mostefa Benboulaïd, n’a ouvert son magasin hier, tandis qu’à Bordj Bou Arréridj et à Annaba le mouvement est moyennement suivi.