En 2012, le Global Financial Integrity, organisme américain qui traque sans relâche les mouvements suspects de capitaux à travers le monde, avait fait savoir que l’exportation illicite de capitaux était en passe de battre tous les records en Algérie par des mafieux en col blanc. En effet, le volume des devises sorties sous différentes formes et de manière illégale pour cette même année est évalué à environ 2 milliards de dollars.
De 1971 à 2009, l’Algérie a perdu en moyenne 6,8 milliards de dollars par an dans la fuite des capitaux vers l’étranger. Placée cette année au « Top Five » des fuites des capitaux en Afrique, ce sont en effet quelque 173 milliards de dollars qui ont été détournés de l’Algérie pour aller grossir les coffres des banques établies dans des paradis fiscaux.
Collecteur et redistributeur à la fois, le paradis fiscal assure l’effacement des traces de certains mouvements de capitaux, en faisant entrer en jeu des sociétés écran créées juste pour blanchir l’argent et le réexpédier vers une destination à investissement. En haut d’affiche des destinations devenues bizarrement attractives pour les fraudeurs algériens, Marseille et Alicante.
Si Marseille, de par sa situation géographique, fait rêver des Algériens désirant s’y installer et investir grâce à l’argent sorti frauduleusement d’Algérie, pour Alicante, c’est en revanche les prix de l’immobilier en chute libre suite à la crise financière qui frappe ce pays qui les attirent. Les prix de l’immobilier en Espagne font parfois rêver et les montants des transactions immobilières donnent par moment le tournis. Tant et si bien que pour un F6 de 190 m2 il est possible de débourser la somme de 200 000 euros seulement.
A Alger, ce même appartement aurait coûté le double de ce prix. Aussi, des spécialistes notent que Marseille est devenue ces deux dernières décennies, une sorte de plaque tournante des transactions immobilières pour les Algériens décidés à faire fuir leurs capitaux d’Algérie et s’assurer ainsi un pied- à-terre en France.
Et là ce sont de nombreux anciens ministres, hauts fonctionnaires de l’Administration algérienne, industriels, commerçants à avoir placé leur argent à Marseille, Paris et Nice en s’achetant villas, appartements, hôtels et commerces. Des agents immobiliers installés à Marseille ont cependant confirmé que durant les cinq premiers mois de l’année 2013, le rythme d’achat de biens immobiliers en France par des ressortissants algériens s’est sensiblement accéléré.
Les demandes d’achat ont effet été plus nombreuses de la part d’Algériens désireux d’acheter des biens immobiliers ou des commerces dans la cité phocéenne, notamment.
Du blanchiment d’argent pur et simple, estiment encore des observateurs, qui notent cependant que, depuis 1999, il y a eu une forte augmentation des fuites de capitaux, une période qui a également vu augmenter les prix du pétrole de 14 $ le baril de 1998 à 79 $ par baril en 2010. Si bien que le coefficient de corrélation entre la fuite des capitaux et du pétrole est de 0,66 pour la période 1971-2009 dans son ensemble, et de 0,76 pour la période 1999-2009.
Les estimations de certains experts indiquent cependant que la sous-facturation à l’exportation représente à elle seule près de 40 pour cent de la fuite des capitaux en Algérie et que la corrélation entre les prix du pétrole et la fuite des capitaux conjecture à l’idée de penser que les revenus pétroliers qui entraient au pays étaient également une source de fuite des capitaux.
Qui pourrait arrêter cette hémorragie, s’interroge-t-on encore ?. Personne, tant que les paradis fiscaux sont encore là !
Par Fadel Djenidi