Evaluée à 100 milliards de dollars, La fuite des cerveaux se paie cash

Evaluée à 100 milliards de dollars, La fuite des cerveaux se paie cash

Dans un pays aussi beau et riche que le nôtre et évoluant au cœur d’une zone géostratégique, on a le droit de s’interroger pourquoi il importe un savoir-faire de tous les pays et exporte, directement ou indirectement, le savoir-faire de sa richesse humaine.

Les statistiques du Réseau des Algériens diplômés des grandes écoles et universités françaises (Reage) rendues publiques lors de la 3e édition du Forum économique annuel du Reage révèlent que la communauté algérienne établie à l’étranger comptera six millions de ressortissants à l’horizon 2020, dont 400 000 cadres occupant des postes-clés ainsi qu’un million d’autres cadres décideurs au niveau de l’Etat, des entreprises et des institutions.



Un nombre qui risque d’être beaucoup plus important puisque les compétences scientifiques algériennes n’hésitent pas à prendre la fuite à chaque fois que l’ occasion leur est offerte.

Tandis que ces forces contribuent au développement économique étranger et s’épanouissent dans leur vie socioprofessionnelle, l’économie de l’Algérie continue à vendre ses hydrocarbures qui représentent 98% de ses exportations.

Cette économie fondée sur les richesses naturelles n’a rien changé au quotidien des Algériens qui rencontrent des difficultés telle la cherté de la vie puisque le pays connaît une constante croissance des importations.

Les facteurs d’un déséquilibre économique flagrant en matière d’importation et exportation sont divers et complexes. Mais la question qui s’impose est relative au rôle de la richesse humaine et du savoir-faire national dans l’épanouissement de l’industrie et de l’économie algériennes.

L’Algérie ne préserve malheureusement que son sous-sol naturel et laisse échapper sans peine ce qu’elle possède comme capacités humaines et autres ressources, à l’instar de ses terres agricoles. C’est un des facteurs qui ont engendré l’échec des différentes politiques et stratégies de développement qui se sont succédé dans notre pays.

Un échec qui se justifie naturellement par la dégradation du cadre de vie et les tensions sociales qui montent dans plusieurs secteurs, en l’occurrence ceux de la santé et de l’enseignement. Le climat socioprofessionnel n’encourage nullement des diplômés qualifiés à s’investir dans leur pays, d’autant que l’Etat ne se soucie pas de ses élites et fait appel à des experts et investisseurs étrangers.

Pour que le pétrole et les cerveaux investissent ensemble

Le cerveau algérien ne semble pas avoir une valeur dans son pays où la confiance et les chances sont données aux étrangers. S’il s’agissait de simples harraga qui quittent leur pays à la recherche d’une vie meilleure, on peut laisser passer l’opinion qui soutient l’«incapacité des Algériens» à contribuer au développement de l’Algérie.

Mais quand il s’agit de la fuite des cerveaux, on se demande si ce potentiel humain n’est pas suffisamment intelligent pour avoir choisi la fuite pour servir les autres et céder ainsi le passage à des compétences qui proviennent d’ailleurs.

La mise en valeur du savoir-faire de la richesse humaine algérienne ne semble pas connaître de beaux jours. Elle dépend des politiques qui comptent sur les richesse naturelles rentables et favorisent l’investissement étranger au détriment de son propre potentiel humain.

Chaque année, ils sont des centaines à quitter l’Algérie dans l’espoir de trouver un espace qui leur procure des conditions de vie dignes. Les précédentes stratégies algériennes ont raté le train pour ne pas avoir planifié l’investissement des compétences humaines nationales, les laissant chercher des climats d’épanouissement en dehors du périmètre algérien.

En termes de chiffre et selon les déclarations faites par le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, quelque «3 000 chercheurs algériens se trouvent aux Etats-Unis», «plus 15 200 Algériens représentant les compétences scientifiques des niveaux académiques établies à l’étranger sont inscrits auprès des représentations diplomatiques et consulaires».

Les hôpitaux français embauchent 5 000 médecins, dont 2 000 ont fui l’Algérie durant les deux dernières années. Les experts sont unanimes pour lier le retard qu’accuse l’Algérie en matière de développement économique à l’hémorragie des ses compétences.

Selon M. Benyahia, professeur en relations internationales et expert, «plus de 40% des entreprises algériennes feraient face à des déficiences de compétences et managériales». Selon la même source, «la fuite des compétences est à l’origine de la régression de l’Algérie.

Elle a coûté cher à l’Algérie, quelque 100 milliards de dollars». Le choix reste toujours à faire, puisque même au cas où l’Algérie montre sa volonté de récupérer ses compétences, la tâche sera rude puisqu’un investissement des compétences exilées dépendra de la valeur que donne la politique algérienne au potentiel humain qui se trouve déjà en Algérie.

Seules des mesures radicales et concrètes pourront préserver d’abord ce que possède l’Algérie comme compétences nationales, et réfléchir ensuite à récupérer ou investir le savoir-faire de ses compétences ayant quitté le pays pour des raisons claires et précises, la dégradation des conditions de vie et de travail.

L’Algérie compte quand même profiter des compétences de la communauté algérienne à l’étranger avec plusieurs options, à savoir leur coopération à distance à travers le transfert d’expériences et la création d’entreprises économiques dans le domaine de la production et des services, ou directement par leur retour pour investir en Algérie.

Un retour qui restera otage des moyens et des mécanismes à mettre à la disposition d’un développement basé sur l’investissement des richesses humaines propres du pays afin qu’il ne participe plus, de près ou de loin, au développement d’autres pays en leur offrant le meilleur de ses richesses humaines.

Yasmine Ayadi