Eurostar et Eurotunnel se renvoient la faute de la panne

Eurostar et Eurotunnel se renvoient la faute de la panne

L’exploitant des lignes ferroviaires et le gérant des infrastructures du tunnel sous la Manche ne partagent pas le même avis sur les causes de la panne monstre de la fin de semaine. La querelle s’envenime.

Depuis le début du week-end, les voyageurs assistent à une véritable partie de ping-pong entre Eurostar et Eurotunnel. L’entreprise ferroviaire et l’exploitant du tunnel sous la Manche se renvoient la responsabilité de la panne qui a coincé près de 2.000 passagers dans la nuit de vendredi à samedi.

Le premier point de désaccord porte sur les causes exactes de l’accident. Pour Eurostar, elles sont purement météorologiques. La neige, qui s’est condensée à l’entrée du tunnel où il fait chaud, a bloqué les systèmes de ventilation et donc les moteurs. Les cinq TGV restés bloqués n’avaient aucun problème technique. Faux selon Eurotunnel. Pour le gérant des infrastructures, ce sont les TGV qui ont du mal à résister à la neige. «Cela s’est produit à Lille en 2002 et en 1996», tient à rappeler le groupe.

Mais Eurostar maintient. Les conditions météo étaient tellement extrêmes que même les navettes d’Eurotunnel, chargées d’assurer le transport de marchandise et de véhicules, étaient à l’arrêt. Une information formellement démentie par Eurotunnel dans un communiqué. «Pour dissiper les ambiguïtés et lever toute confusion, Eurotunnel précise que son infrastructure n’a jamais cessé d’être opérationnelle au cours des quatre derniers jours. L’exploitation de son système de transport a repris samedi à 5 h 30 et, jusqu’à ce jour lundi 21 décembre, 10 h, il a permis sans interruption de service le transport de 17.000 véhicules à travers la Manche».

Défaillance de communication et problème d’évacuation

Autre point de désaccord entre les deux sociétés : l’information des passagers. Les plus malchanceux sont restés bloqués pendant plus de 15 heures sans savoir ce qui leur arrivait. Pour Eurostar, lorsque le TGV est coincé dans le tunnel, c’est au gérant d’assurer la communication. Encore faux selon Eurotunnel pour qui Eurostar est censé garder le contact humain avec ses passagers, voiture par voiture.

Quand à l’évacuation des passagers, les deux sociétés se renvoient aussi la balle. Pour Eurostar, c’est à Eurotunnel de procéder aux évacuations lorsque les passagers sont bloqués dans le tunnel. A partir du moment où les trains s’y engagent, le personnel à bord est effectivement en contact exclusif avec Eurotunnel. Mais Eurotunnel prétend que pour l’un des trains, aucune demande d’aide ne lui a été transmise par les équipes Eurostar, comme cela aurait du être le cas. Plus globalement, le groupe dénonce le manque de préparation de la société ferroviaire face à ce genre de situation. Selon Eurotunnel ce jour là, «Eurostar n’avait ni moyen matériel, ni moyen humain» pour remorquer les trains bloqués dans le tunnel. D’où la lente intervention des équipes Eurotunnel pour évacuer les 1.364 passagers dans les navettes.

A organisation éclatée, responsabilité émiettée

Cette querelle montre que la gestion des lignes Paris-Londres-Bruxelles reste un casse tête permanent pour les sociétés qui en sont les actrices. Pour rappel, Eurostar est gérée de façon commune entre la SNCF, la société britannique London & Continental Railways, et les chemins de fer belge. La maintenance des trains est assurée dans des dépôts des trois pays. En dehors du tunnel sous la Manche, les réseaux et la gestion de la circulation relèvent de la responsabilité de chaque pays.

Eurotunnel vient s’ajouter à cette longue liste de protagonistes. Il est le gestionnaire du tunnel sous la Manche et l’exploitant des navettes qui transportent camions, voitures et autocars. Eurotunnel est chargé de la maintenance de l’infrastructure et de la régulation ferroviaire dans le tunnel.

Le conflit ouvert entre Eurostar et Eurotunnel met à jour les difficultés de gestion d’un train victime de son succès. Depuis sa création en 1994, l’Eurostar a transporté 100 millions de voyageurs. Le week-end dernier, ils étaient 40.000 à vouloir l’emprunter des deux cotés de la Manche. Difficile alors de trouver un unique responsable.

Hayat Gazzane (lefigaro.fr)