Étrangers non admis sur le territoire français: Polémique autour d’un tribunal à Roissy

Étrangers non admis sur le territoire français: Polémique autour d’un tribunal à Roissy

La mise en service samedi dernier dans l’enceinte de l’aéroport international de Roissy-Charles de Gaulle, d’une annexe du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine Saint-Denis-région parisienne) a suscité l’ire des avocats parisiens. D’un commun accord, ils ont décidé de boycotter les audiences de cette juridiction appelée à se prononcer dans des délais très courts sur des cas d’expulsion concernant des étrangers arrivés en France, en possession de documents de voyage incomplets (absence de visa, de billet de retour ou d’attestation d’accueil).

Les mis en cause sont appréhendés à leur descente d’avion et transférés dans une Zone d’attente pour personnes en instance (Zapi), attenante à la salle d’audience. Selon des témoignages, l’édifice qui ressemble à un centre de rétention pour immigrés illégaux est entouré de grillage. La durée de détention de ses occupants peut aller jusqu’à trois semaines.

Les premières audiences ont eu lieu samedi dernier, à titre expérimental, en attendant le début effectif des séances en septembre prochain. Six étrangers ont comparu devant le juge des libertés et de la détention, dont un Algérien de 28 ans, arrivé de Panama et qui voulait faire escale à Paris, avant de rejoindre l’Algérie.

La décision le concernant a été prise en son absence (mise en détention de huit jours) et de celle d’un avocat. Les membres du barreau de Saint-Denis ont refusé de plaider, estimant que la localisation du tribunal dans une enceinte aéroportuaire (zone fret) difficile d’accès, est contraire aux principes de la justice et porte atteinte à la publicité des débats et à l’équité des jugements. En mai dernier, une cinquantaine de robes noires avait manifesté sur le tarmac de l’aéroport, au cours d’une visite de l’annexe, organisée à leur intention par le président du tribunal de Bobigny, Renaud Le Breton de Vannoise.

La bâtonnière Valérie Grimaud avait indiqué à cette occasion, qu’en isolant une juridiction, le tribunal allait isoler des gens. De son côté, Alexandre Moreau, président de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), a dénoncé dans les colonnes du Monde une justice expéditive. “La dignité, ils s’en foutent. Ce qu’ils veulent, c’est expulser plus vite”, a-t-il remarqué. En dépit de ces critiques, les autorités judiciaires ne comptent pas pour le moment revenir sur leur décision. Le président du tribunal de Bobigny estime que la mise en place d’une annexe du tribunal à l’intérieur de l’aéroport obéit à des considérations humanitaires.

D’après lui, les étrangers qui doivent actuellement “se lever très tôt, sont transportés par un car de CRS jusqu’au tribunal où ils sont conduits au deuxième sous-sol avant d’être groupés dans une petite salle d’attente borgne. Ils sont ensuite appelés à la barre et ne repartent que très tard en fin de journée, quand toutes les décisions ont été rendues”.

Selon des statistiques officielles, environ 6 000 personnes sont retenues dans la Zapi annuellement. Si au bout de trois semaines, leur demande d’entrée sur le territoire est rejetée par l’administration, une décision d’expulsion est prise à leur encontre par le juge.

Aujourd’hui, les autorités semblent vouloir accélérer les démarches de refoulement, en organisant à l’aéroport (une structure sous l’autorité de la police des frontières) des audiences, à huis clos. Autosaisi dans l’affaire du tribunal de Roissy, le défenseur des droits, Jacques Toubon, vient de révéler que le traitement du dossier suit son cours.