Dans une décision de justice rendue mercredi, une cour de Manhattan (ville de New York) a contraint Google à transmettre aux avocats de la partie adverse les coordonnées, adresse IP et courrier électronique, d’un internaute accusé d’avoir tenu des propos diffamatoires par l’intermédiaire d’un blog hébergé sur Blogger, un service qui appartient au moteur de recherche.
Baptisé « Skanks in NYC » (skank signifie ordure), le site abordait, en des termes peu amènes, différents aspects de la vie de la plaignante, Liskula Cohen, un mannequin de 37 ans qui a, à plusieurs reprises, fait la couverture de grands magazines féminins.
Sous le pseudo Anonymous, le blogueur responsable du site la comparait avec une sorcière, évoquant une vie dissolue (« trainée »), un corps fané qui n’avait pu être appétissant que dix ans auparavant, etc.
Sans surprise, l’intéressée n’a que moyennement apprécié les qualificatifs dont elle faisait l’objet.
En août 2008, ses avocats entrent en contact avec Google ainsi qu’avec l’éditeur présumé du site, qui rapidement disparait de Blogger.
L’affaire aurait pu en rester là. Considérant que le préjudice subi méritait réparation et désireuse de connaitre l’identité, Liskula Cohen décide d’aller plus loin, et porte début janvier l’affaire en justice afin d’obtenir de Google les informations nécessaires à l’identification de cet anonyme, ouvrant ainsi la voie à des poursuites à l’encontre de ce dernier.
Dans un premier temps, Google refuse. Bien que le blogueur anonyme ait argué du fait que les propos tenus via Blogger relevaient de la simple conversation, avec son lot d’invectives et de rodomontades, la cour a finalement décidé qu’il y avait bien diffamation.
Suite à cette décision, qui pourrait faire jurisprudence, le moteur de recherche dit n’avoir eu d’autre choix que d’obtempérer, et a donc livré les adresses email et IP de l’anonyme, qui s’est révélé être une connaissance lointaine de Liskula Cohen.
Au micro d’ABC, la plaignante a dit ne finalement pas vouloir porter plainte pour diffamation, mais ses avocats ont tenu un son de cloche différents à d’autres médias.
En attendant de voir si l’affaire va plus loin, d’aucuns se sont déjà émus de cette décision qui a contraint Google à divulguer l’identité d’un internaute.
Certains estiment que la décision est juste, dans la mesure où tout internaute reste responsable de ses actes et de ses écrits en ligne, qu’il affiche ou dissimule son identité.
A l’inverse, d’autres redoutent que cette affaire menace l’anonymat « légitime », celui auquel on recourt pour dénoncer des abus et qui de façon générale est l’une des garanties de liberté d’expression sur Internet.
Ceux-là arguent du fait que toute opinion, surtout lorsqu’elle est négative, doit pouvoir être exprimée en ligne sans crainte de représailles.
En France, le projet de Déclaration des Droits Fondamentaux Numériques déposé fin juin par un groupe de travail dirigé par Hervé Morin (Nouveau centre), actuel ministre de la Défense, propose que le droit à l’anonymat numérique gratuit « soit reconnu à toute personne, sous réserve de ne pas porter atteinte à l’ordre public et aux droits et libertés d’autrui ».