Une évolution floue
Les changements successifs en moins de deux ans à la tête de Sonatrach n’ont pas réglé loin s’en faut les difficultés de gouvernance de la première compagnie pétrolière en Afrique. Secoués par un scandale sans précédent dans l’histoire du pays, les dirigeants de la compagnie pétrolière nationale au cours de cette période n’ont pas réussi à rassurer les cadres du groupe. Au lieu de consacrer la transparence, les autorités du secteur ont encouragé plutôt l’opacité, soit la même situation de flou qui a favorisé une corruption de grande ampleur à Sonatrach à l’époque de Chakib Khelil. Une telle évolution a ancré la perception, selon laquelle cette société, qui assure 97% des ressources en devises et plus de 60% des recettes fiscales, appartient à un clan au pouvoir, auprès de la majorité des citoyens. Elle accrédite l’opinion répandue selon laquelle le contrôle et la répartition de la rente pétrolière sont entourés jusqu’ici de la plus totale opacité.
Il est certain, aujourd’hui, que nos réserves d’hydrocarbures connaissent un essoufflement, en raison de la politique de production intensive de pétrole et de gaz encouragée par Chakib Khelil. L’expert Abdelmadjid Attar indique que l’Algérie a consommé la moitié de ses réserves en gaz ! Les deux gisements, mamelles de l’Algérie, Hassi-R’mel et Hassi-Messaoud, connaissent des difficultés de production. Au point où Sonatrach est contrainte de développer l’exploration, de réhabiliter les deux champs supergéants et d’investir pour améliorer le taux de récupération des champs dits anciens, si l’Algérie veut que ses parts de marché ne soient pas grignotés en Europe par ses plus sérieux concurrents : la Russie et le Qatar. En attendant d’exploiter ce potentiel de liquides et d’hydrocarbures gazeux encore important, les gisements en partenariat sont appelés à la rescousse. Entre 2012 et 2015, les champs de pétrole et de gaz, qui seront mis en service en partenariat avec Anadarko, Eni, Conoco Philips, Petrovietnam, Total, Cepsa, Gaz de France, Repsol, permettront de compenser les chutes de production des anciens gisements. Il faut compter sur les champs nouveaux développés par Sonatrach seule, comme ceux du pourtour de Hassi-Messaoud. Mais il est clair que sans un véritable renforcement de l’amont, c’est-à-dire l’exploration-production avec des investissements conséquents dans la formation, le recyclage des géologues et autres ingénieurs et techniciens et la maîtrise des savoir-faire et procédés technologiques, on assisterait à un affaiblissement de la position de l’Algérie en tant qu’acteur majeur dans la scène énergétique mondiale.
Durant cette période transitoire, l’Algérie n’a pas d’autre choix que de développer le partenariat avec les compagnies étrangères.
Or, avec la nouvelle loi sur les hydrocarbures, les groupes internationaux restent réticents à s’engager dans le pays. Un retour à la loi 86-14 qui est à l’origine de la montée de la production de pétrole et de gaz dans les années 2000 permettrait de dynamiser ce partenariat. Les hésitations des autorités à s’engager dans cette voie risque de nous coûter cher.
Le contentieux de Sonatrach avec Anadarko est déjà le fruit amer de cette politique qui a livré le secteur des hydrocarbures aux mains d’un seul ministre. Une situation qui a favorisé la corruption au sein de la compagnie pétrolière nationale et encouragé un affaiblissement de Sonatrach. Il est temps aujourd’hui d’améliorer la gestion de la première compagnie africaine.
K. R.
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