Etat de guerre à nos frontières Sud,Les 7 éléments du puzzle sahélien

Etat de guerre à nos frontières Sud,Les 7 éléments du puzzle sahélien

La déclaration de l’indépendance de la région de l’Azawad change fondamentalement la donne dans la région du Sahel.

Comment explique-t-on qu’Al Jazeera soit sur les lieux de l’enlèvement du consul d’Algérie à Gao?

Le Mali est laminé par une double crise jamais égalée dans les annales de son histoire postindépendance survenue en l’espace de moins de 20 jours. Le 22 mars 2012, ce pays a connu le renversement de son président Amadou Toumani Touré par la junte militaire. Profitant du désordre institutionnel et du vide de légitimité de gouvernance qui en sont résultés, le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) a proclamé, hier 6 avril 2012, l’indépendance de cette région du Nord du Mali. Cette mise de l’histoire de la région en «mode accéléré» et la manière fulgurante qu’ont pris les événements inquiètent la communauté internationale. L’Algérie, qui partage ses frontières Sud avec la région de l’Azawad, est très préoccupée par la situation de guerre qui y prévaut.

La déclaration de l’indépendance de la région de l’Azawad dans le contexte actuel dégage au moins sept éléments d’interrogation dont la conjonction appelle beaucoup de questionnements sur la réactivation du volcan malien. Le premier élément concerne la proclamation elle-même de l’indépendance de l’Azawad, une région non viable et sans ressources. Qui est derrière la proclamation? Le Mouvement Azawad a-t-il reçu des assurances? De la part de qui? Dans quel intérêt? S’il est encore tôt d’oser des réponses à ces questions, d’autant plus que la communauté internationale s’est dite contre la division du Mali, le Mouvement Azawad tente l’explication.

Dans sa déclaration d’indépendance, ce Mouvement a justifié cette démarche par tous les malheurs que l’Etat malien a fait subir à la région. Il explique son option par «l’accumulation de plus de 50 ans de mal-gouvernance, de corruption et de collusion militaro-politico-financière, mettant en danger l’existence du peuple de l’Azawad et en péril la stabilité sous-régionale et la paix internationale».

Pourtant, le problème de l’Azawad se pose de manière cruciale depuis plus de 25 ans sans que l’option de la partition ne soit posée en ces termes. D’où le deuxième élément d’interrogation. Pourquoi maintenant et la proclamation de l’indépendance de l’Azawad est-elle dissociable de la dynamique de partition des Etats de la région? Le 6 du mois dernier, des chefs de tribu et de milice libyens ont proclamé à Benghazi l’autonomie de la Cyrénaïque. Le chef des Toubous en Libye brandit toujours la menace séparatiste, dénonçant un plan de «nettoyage ethnique». Une année plus tôt, c’est le Soudan qui a été divisé en deux. La présence inattendue du général Carter F. Ham, haut commandant des forces américaines pour l’Afrique (Africom) à Alger ce mercredi 4 avril est un autre élément d’interrogation, surtout lorsque l’on sait que le problème malien a été abordé avec ses interlocuteurs algériens. A cela s’ajoute la visite surprise, le même jour à Alger, du chef d’état-major des forces armées du Qatar, le général-major Hamad Ben Ali Attiya. Les deux responsables militaires ont été reçus par les plus hauts responsables algériens dont le chef de l’Etat et le général de corps d’armée, chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah. La visite, hier, du secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, dans la wilaya de Tamanrasset, wilaya frontalière avec la région de l’Azawad, partageant du surcroît la même identité touarègue, s’ajoute à ces éléments du puzzle sahélien. Le choix de la wilaya de Tamanrasset dans ce contexte explosif n’est certainement pas fortuit. Une polémique sur la position de l’Amenokal de la région sur les élections législatives du 10 mai a enflé récemment.

Mais l’élément le plus intriguant demeure la présence énigmatique de la chaîne de télévision qatarie Al Jazeera sur les lieux de l’enlèvement du consul d’Algérie à Gao, au nord-est du Mali, ainsi que des six membres de la représentation diplomatique par un groupe armé. Cette chaîne soupçonnée de collusion avec les terroristes d’El Qaîda a, en effet, filmé la scène du rapt.

Les images montrent le consul d’Algérie, Boualem Sias, à l’intérieur d’un véhicule, un pick-up, entouré par des hommes armés et un convoi de deux véhicules s’ébranlant vers une destination inconnue. Légitimement, on s’interroge par quel miracle l’envoyé de cette chaîne au Mali se trouvait sur les lieux au moment de l’enlèvement et pourquoi a-t-il été autorisé à filmer la scène? Une seule piste peut paraître plausible pour le moment. Al Jazeera a-t-elle été invitée par les terroristes à «couvrir» l’enlèvement? Dans ce cas de figure, la posture de cette chaîne de télévision serait grave. Elle serait ni plus ni moins complice de l’opération.