Au fil des dernières années, notre pays est devenu le cas d’école pour aborder les dysfonctionnements de gouvernance. Aujourd’hui notre pays est traversé de fragilités récurrentes, qu’elles soient territoriales, identitaires, économiques, sociales ou stratégiques. Pire encore les dernières évolutions de la vie politique ont fait dégrader l’image de l’Algérie auprès des algériens et des investisseurs étrangers. Le sentiment global est très négatif. Les principaux griefs? Un climat social et politique délétère, une corruption endémique, un marché du travail rigide, des inégalités qui ne cessent de se creuser, une incapacité à mettre des reformes, trop de lourdeurs administratives et une instabilité politique accrue. L’Algérie est devenue aux yeux d’une majorité, un pays sclérosée et surtout trop complexe.
Pour faire face à cette situation de crise, le gouvernement tente de répondre par des lois et des réformes dans une improvisation permanente ou par des mises en scènes politiques aidés par certains médias, mais aujourd’hui à l’heure du bilan un an après le début de la crise les chiffres sont là : Les finances publiques ont subit une réduction de près de 44% des recettes d’exportation des hydrocarbures. Le déficit public s’est accru de 755 milliards au premier semestre soit +53 % par rapport à la même période de 2014. Les réserves du FRR baissent de 33% en six mois, soit plus de 967 milliards de dinars. En parallèle, nos réserves de changes accélèrent leurs fontes et devraient atteindre 151 milliards de dollars (mds usd) à fin 2015 et à 121 mds usd à fin 2016 soit une perte d’au moins 80 mds usd selon le ministre des finances et probablement plutôt au alentour de 100 mds usd d’ici fin 2016. En parallèle, le taux de chômage à augmenter de 1,5 point en un an et devrait continuer à s’accélérer avec la baisse des investissements et le gel des recrutements. Pour finir sur le front des mauvaises nouvelles les exportations hors hydrocarbures n’ont augmentés que de 1% en un an.
De plus, le contexte économique mondial s’aggrave. Partout, la récession s’installe et la déflation risque de s’en mêler. Les raisons en sont multiples: crise des dettes, la concurrence accrue, la surproduction. La situation n’est donc ni favorable pour un retour élevé des prix des hydrocarbures ni pour exporter nos autres produits surtout quand peu d’entreprises algériennes sont certifiées et compétitives.
Pour compléter le tableau, les experts algériens et internationaux ne sont pas écoutés et l’équipe gouvernemental qui a été incapable d’avoir des résultats durant les périodes fastes et la même qui doit sortir le pays de la crise. Nous sommes face à une utopie inquiétante.
Pourtant si rien n’est mis en œuvre en l’état, le futur ne sera que la continuité de ce que l’on constate. Aujourd’hui la situation sociale est insupportable et bientôt, le sera bien plus encore, il est temps pour chacun de se prendre en main, sans attendre indéfiniment des solutions miraculeuses. Il ne s’agit pas de résistance, ni de résilience mais simplement de faire émerger enfin une société civil capable de construire l’avenir de l’Algérie. L’accumulation initiative et de projets micro-économique vertueux aura forcément des conséquences positives macro-économiquement.
La gouvernance est une faiblisse structurelle de nos dirigeants depuis l’indépendance; ils sont incapables malgré des ressources considérables de transformer comme l’avait fait les dirigeants de Singapour une île minuscule, inhospitalière, au milieu de nulle part, sans soutien de personne en pays développés dont le revenu moyen dépasse 55 000 dollars par ans quand celui-ci peinée à attendre les 500 dollars 50 ans au paravent. Comment sont-ils arrivés là ? D’abord parce qu’ils disposaient de gouvernants avec un extraordinaire leadership, un exceptionnel architecte économique et d’un stratège culturel et militaire. Ensuite, ils ont réussie à mettre en œuvre une politique fondée sur trois principes : la méritocratie, le pragmatisme et l’honnêteté (lutter impitoyablement contre la corruption).
Forcer de constater que le bilan des différents hommes politiques au pouvoir depuis l’indépendance sont à l’antipode de cette politique, nous n’avons d’autre choix que d’amorcer nous même le développement économique de notre pays.
Malgré ces perspectives sombres, nous disposons pour autant de piliers nécessaires pour amorcer un développement qui serait basé : sur nos ressources humaines grâce à une jeunesse nombreuse et de mieux en mieux formée ; une diaspora aguerri à la mondialisation ; sur nos ressources naturelles considérables ; une culture et des traditions riches ; des positions géostratégique et géoéconomique privilégiées pour conquérir les marches européens et africains.
Pour arriver à utiliser nos atouts, il est fondamentale de trouver notre propre modèle de développement différent des modèles libéraux ou socialistes qui ont successivement échoués en Algérie depuis l’indépendance. Un modèle spécifique à la société algérienne qui serait un bon équilibre entre un modèle social basé sur un niveau élevé de protection sociale, de redistribution, de régulation économique et de transition écologique. Et un modèle plus libéral, adapté à la mondialisation, qui serait plus vertueux en matière de dépenses publiques et qui inclurait des réformes facilitant le développement. Ce nouveau modèle crédible permettrait de modifier positivement et durablement l’image du pays facilitant le retour de la confiance et le développement des investissements.
Forcer de constater que les institutions sont incapables de faire affleurer ce modèle, nous devons tenter de le faire émerger grâce au développement d’une nouvelle forme de société civile qui serait un acteur du développement de notre pays. Cette société qui agirait au travers du renouveau d’ONG local, de syndicats, d’associations d’usagers, de groupements sociaux professionnels, d’entreprises ou d’élus locaux permettrait la mise en œuvre d’initiatives aux tours de deux axes qui seraient le développement local et le développement de l’économie sociale et solidaire. Les notions de société civile, de citoyenneté et de gouvernance sont souvent associées dans la construction historique des pays développés.
Le rôle de cette société civile serait de faire coopérer au niveau local: les acteurs locaux de l’Etat, le secteur privé, le secteur à but non lucratif à vocation sociale. Autour de concept comme : le financement participatif, la lutte contre la corruption, le développement durable du territoire intégrant la dimension environnementale mais aussi sociale, lutte contre l’exclusion, solidarité et citoyenneté, participation des habitants, démocratie participative. Ce type de démarche permettrait de faire agir les communautés pour trouver une solution à un problème auxquelles elles sont confrontées, favorisant la création de petites entreprises, considérées comme le « terreau vital », et un enjeu de développement local durable. En complément, celle-ci pourrait favoriser l’utilisation des avantages concurrentiels et des forces de chacune de nos régions.
Dans le contexte de tarification de plus en plus accentuée de nos ressources financières, nous ne pouvons plus compter seulement sur les mécanismes classiques pour se prémunir contre un déficit d’emploi, le manque d’entreprises ou le sous-développement.
Il faut bien comprendre que le désastre est à nos portes et que nous avons d’autres choix que de sauver nous même notre pays. Même si les premiers responsables de la situation catastrophiques du pays sont les politiques ; ils ne demeurent pas moins que nous nous pouvons plus nous plaindre de l’état futur du pays si nous ne faisant rien. Et ne rien faire pour développer notre pays est la pire façon d’agir.
Benadda Yassine
Expert en Finance et en Business international