Et si le nouveau président français, François Hollande, osait franchir le pas et reconnaître dans la foulée les crimes coloniaux commis par la France en Algérie ?
Dans l’absolu, cette décision demeure impossible à satisfaire du côté français, mais en politique tout peut se négocier. En 2011, de hauts responsables français avaient laissé entendre que la France n’est nullement disposée à faire des excuses officielles aux Algériens sur ses crimes commis contre les populations civiles durant son occupation de l’Algérie de 1836 à 1962.
Un haut responsable français avait même précisé que son pays a tracé «une ligne rouge à ne pas franchir concernant la question de la repentance tant demandée par les Algériens».
Plus loin, cette source, qui n’a pas «caché son étonnement» par rapport à cette demande, a invité la partie algérienne à s’asseoir autour d’une même table. «Si cette question, au demeurant sensible, vous préoccupe (l’Etat algérien) à ce point, alors nous sommes disposés à nous réunir autour d’une table. Mais je dis et le répète, le pardon ne doit pas être du seul côté français uniquement. Parce que des deux côtés, il y avait des criminels», a déclaré ce haut responsable.
Ce dernier, qui avait agi sous couvert de l’anonymat, avait affirmé que le FLN «avait aussi commis des exactions à Oran à l’encontre de dizaines de ressortissants français à la veille de l’indépendance et durant leur retour en France». Pour l’entourage de l’ex-président français, les questions de mémoire ne doivent pas être un préalable au rapprochement entre l’Algérie et la France.
En juillet 2007, à l’occasion de son déplacement à Alger, Nicolas Sarkozy s’était prononcé pour une reconnaissance des faits mais pas pour le repentir, «une notion religieuse qui, selon lui, n’a pas de place dans les relations d’Etat à Etat». Mais avec le socialiste François Hollande, les choses peuvent évoluer en faveur de la repentance.
Et la thèse semble de plus en plus tenir la route, selon les propos récemment affichés par le nouveau locataire de l’Elysée : «Il faut que la vérité soit dite. Reconnaître ce qui s’est produit», avait écrit Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle française, dans une lettre datée du 26 mars 2012 mais jamais publiée.
Il y reconnaît implicitement les massacres perpétrés lors des manifestations du 8 mai 1945 à Sétif, qu’il qualifie de «répression sanglante en réponse aux émeutes survenues dans le département de Constantine», ainsi que la tuerie du 17 octobre 1961 qui a frappé l’émigration.
A propos de ce dernier événement, le nouveau président français avait déclaré : «Vous vous souvenez peut-être qu’en hommage aux Algériens morts lors de la manifestation du 17 octobre 1961, j’ai déposé une gerbe, le 17 octobre 2011, au pont de Clichy où des Algériens furent jetés à la Seine, il y a cinquante ans, par des policiers placés sous les ordres de Maurice Papon, préfet de police. Au cours de cette commémoration, j’ai tenu à témoigner ma solidarité aux enfants et petits-enfants des familles endeuillées par ce drame. Il faut que la vérité soit dite. Reconnaître ce qui s’est produit.
Ce jour-là, j’ai agi en tant que socialiste. À l’avenir, ce sera sans doute à la République de le faire.» Le président français avait écrit souhaiter que le 50e anniversaire soit l’occasion de cette initiative historique : «Il ne faut pas nous figer dans une commémoration qui sera forcément différente dans l’évocation, en Algérie et en France (…)
Ce sera l’occasion de rappeler le passé : l’histoire et ses douleurs multiples (…) Mon souhait, si je suis élu, est d’apaiser et de normaliser les relations entre la France et l’Algérie. (…) Nous devons être dans une relation de confiance mutuelle et dans la construction de projets communs.
Tant de liens humains, culturels et économiques nous unissent». Faut-il pour autant méditer ces paroles du nouveau président français ? D’où le voyage de François Hollande en Algérie au début du mois de juillet, en pleine préparation des festivités du cinquantenaire de l’indépendance. La question de la repentance reste au cœur des relations franco-algériennes et des rapports complexes qu’entretiennent les deux pays.
Hocine Adryen