Et après le 8 mars ?

Et après le 8 mars ?

Depuis quelques jours et demain encore, le 8 mars, nous assisterons à des envolées lyriques, des professions de foi sur la «liberté de la femme enfin recouvrée, ses droits octroyés» par tel ou tel politique ou encore par l’islam qui l’a libérée, ses acquis et très accessoirement et un peu en sourdine ses luttes à venir… Dans la foulée, une multitude de galas «à l‘occasion de la fête de la femme» c’est ainsi qu’on la nomme aujourd’hui, et à midi ou le soir, une virée au restaurent que le mari ou l’ami offrira à sa compagne pour ceux qui en ont les moyens, une rose pour d’autres et pour certains une déclaration de haute volée et ô combien généreuse :

c’est ta journée, c’est moi qui vais faire le ménage aujourd’hui. Tous ceux qui feront entendre ces voix seront fiers et déculpabilisés des 364 jours de l’année faits pour beaucoup d’indifférence et, plus grave pour certains, jalonnés de mépris de la compagne, parfois de violences, de harcèlement. Depuis quelques jours et demain encore, l’on aura aussi le loisir de profiter de ceux qui pensent à notre «beauté et notre bien-être» en allant faire un tour au salon Eve qui se veut dédié à cette «fête» de la femme. Et l’on y trouvera tout ce qui participe à aiguiser les désirs et endormir les consciences, les femmes étant surtout, n’estce pas, des consommatrices. Rien ne manquera donc, sauf l’essentiel. L’essentiel est donné en lecture dans la presse quasi quotidiennement : le visage plein d’ecchymoses, elle se réfugia chez ses voisins ; il soupçonne sa femme d’adultère, il la tue de trois balles ; elle ne voulait pas se soumettre au certificat de virginité, son frère la tue ; elles sont deux réfugiées maliennes qui ont subi un viol collectif ; leur patron les harcelait, cela devenait insupportable, elles osent enfin porter plainte… Ces exemples et tant d’autres sont le quotidien de beaucoup de femmes dans les centres urbains mais aussi dans des lieux reculés. Dans les deux cas et notamment en milieu rural, les victimes de viol sont des provocatrices, de mauvaise vie, autrement dit des prostituées et tant pis pour elles. Ces dernières victimes n’ont malheureusement pas la «chance» des citadines qui trouvent des associations pour être écoutées. Ces associations, dont certaines travaillent pour ne pas dire militent avec force, ne sont souvent pas aidées par les pouvoirs publics. Ces derniers, d’ailleurs, produisent peu de statistiques et leur discours sur la situation de la femme dans le pays est des plus convenus. La voix des officiels se limite, en toute occasion, à claironner que par sa participation à la guerre de Libération nationale, la femme a conquis sa place dans la société et soulignent au passage, qu’aujourd’hui, les réformes engagées lui ont ouvert grandes les portes d’une représentation sans précédent de 30% à l’APN et aux assemblées élues». C’est un fait, mais la représentativité dans les institutions peut-elle se limiter à un quota fixé par décret ; peut-elle se réduire à un léger lifting du code de la famille, à une volonté affichée et réitérée chaque année à l’occasion de la Fête de la femme ? Socialement parlant, sur ce problème en particulier, la régression est importante et elle n’est pas du tout féconde. L’Etat bien sûr et l’alliance pouvoir-islamistes est pour beaucoup, mais pas seulement : l’école, celle qui doit former les citoyens de demain, a sa part comme y ont d’ailleurs leur part les formations politiques et la société civile qui n’ont pas montré jusque-là de volonté de faire avancer cette société sur cet aspect particulier.

K. B.-A.

Khedidja_b@yahoo.fr