La Libye est à un grave et décisif tournant et les jours de son dirigeant «atypique», Muammar El Kadhafi, semblent comptés. Après une semaine de révolte populaire, au départ restreinte à certaines villes libyennes comme Benghazi et Syrte, plusieurs autres sont tombées hier aux mains des manifestants après des défections dans l’armée, a affirmé la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (Fidh), qui avance un bilan de 300 à 400 morts depuis le début du soulèvement.
Une autre ONG, Human Rights Watch, a fait état, de son côté, d’un bilan d’au moins 233 morts. Les violences en Libye n’ont pas épargné la capitale Tripoli, où des bâtiments publics ont été incendiés dans la nuit de dimanche à lundi. Les informations de la Fidh, basée à Paris, proviennent essentiellement des ligues libyennes des droits de l’Homme.
Selon ces informations, le camp de Bab El Azizia, où vit le dirigeant libyen à la périphérie de Tripoli, aurait également été attaqué dans la nuit de dimanche à lundi, rapporte l’AFP. Outre Benghazi et Syrte, la Fidh affirme que les localités de Tobrouk, à l’extrême est, ainsi que celles de Misrata, Khoms, Tarhounah, Zeiten, Zaouia et Zouara, qui sont plus proches de la capitale, sont également tombées aux mains des manifestants. Selon la Fidh, outre des militaires et des diplomates, de hauts responsables du régime auraient également rallié le mouvement de protestation qui réclame le départ du colonel El Kadhafi.
Le discours menaçant prononcé, dimanche soir, par Seïf Al Islam, le fils du colonel El Khadafi, et à travers lequel il a promis aux Libyens un bain de sang en cas de poursuite de l’insurrection n’aura fait qu’attiser le feu de la révolte. Réagissant à cette escalade de violence, le chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, a exprimé hier son «extrême inquiétude» après la répression sanglante des
manifestations contre le colonel Muammar Kadhafi en Libye, appelant à «cesser toutes les formes de violence». L’Union européenne (UE) redoute, quant à elle, un effondrement de l’Etat en Tunisie, en Libye et ailleurs, doublé d’une grave crise économique qui pourrait déclencher un afflux de migrants vers ses côtes méridionales et mettre à rude épreuve la solidarité entre ses pays membres.
En quelques jours, plus de 5 000 jeunes Tunisiens ont débarqué sur l’île italienne de Lampedusa, première porte d’entrée dans l’UE, prenant de court les autorités italiennes. «Si la Libye s’effondre et ne contrôle plus ses côtes, l’Europe risque d’assister à un déferlement de clandestins et elle ne pourra ni les contrôler ni les arrêter», a confié à l’AFP un responsable européen sous le couvert de l’anonymat. Le ministère russe des Affaires étrangères a appelé, pour sa part, toutes les parties en Libye à trouver une solution pacifique pour mettre fin aux violences qui ensanglantent le pays. Hier, la Libye sombrait dans le chaos le plus total et se vidait peu à peu de ses ressortissants étrangers, rapporte l’AFP.
Les entreprises allemandes ont commencé à rapatrier leurs salariés, en particulier le groupe pétrolier et gazier Wintershall, filiale de l’allemand BASF. L’Espagne a déconseillé, quant à elle, tout voyage «non essentiel» en Libye ainsi que tout déplacement en Cyrénaïque, la région de Benghazi alors que la compagnie de chemins de fer russe RZD a annoncé hier qu’elle allait évacuer ses employés de Libye.
Plus de 2 000 Tunisiens vivant en Libye ont également quitté ce pays depuis dimanche par crainte de l’aggravation de la situation, a indiqué hier l’agence Tap, citant l’Office des Tunisiens à l’étranger. La France a préféré, en revanche, attendre encore, estimant, par la voix de son ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, que «pour l’instant, il n’y avait pas de menaces directes» nécessitant le rapatriement des 750 Français vivant en Libye.