La loi sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français dans le Sahara algérien est de portée très limitée compte tenu de son champ d’application et ne répond pas aux revendications des Algériens victimes de ces essais, a souligné mardi à Alger le juriste Azzedine Zalani.
« La loi sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires demeure de portée fort limitée au regard de son champ d’application et ne répond aucunement aux revendications algériennes quant aux droits des populations sahariennes », a expliqué Me Zalani dans une intervention au deuxième jour du colloque international sur les essais nucléaires de la France en Algérie.
Dans son exposé intitulé « La loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires : une loi a responsabilité limitée », il a observé que cette dernière fixe un cadre et des limites à la responsabilité civile.
« On s’aperçoit que le mot victime renvoie uniquement aux conséquences sanitaires et s’applique à des personnes déterminées, souffrant d’une maladie radio induite », a-t-il expliqué.
Pour le juriste, le législateur français ne semble pas vouloir également évoquer l’épineuse question des atteintes à l’environnement, causées par les explosions nucléaires, à travers des dispositions législatives et réglementaires.
Qualifier de très fortes explosions nucléaires de « simples essais » tend à inscrire ses opérations dans une optique à caractère scientifique plutôt que celle d’une entreprise de nature militaire, a-t-il relevé.
Or, a-t-il dit, l’effet générateur des dommages n’est pas l’explosion en elle-même mais les radiations qui continuent à se faire ressentir à ce jour.
Me Zalani a ajouté que cette loi porte, pourtant, un début de reconnaissance et un droit à l’indemnisation, mais uniquement « à certaines personnes, préalablement répertoriées et administrativement enregistrées auprès du ministère français de la Défense ».
Plus explicite, il a précisé que dans la loi Morin la présomption de responsabilité au profit des personnes visées ce limite au personnel civil et militaire engagé dans les centres d’expérimentation.
« La qualité de victime est conférée exclusivement aux personnes ayant résidé ou séjourné dans les centre de Reggane et de Tan Affella près d’In Ekker ou dans les zones dites périphériques à ces centres », regrette Me Zalani, qui estime que cette loi instaure une discrimination manifeste entre les populations concernées.
« Elle exclut (en effet) les populations nomades ou les personnes ne pouvant pas apporter une attestation de leur résidence ou de leur séjour dans ces centres militaire ou les zones qui leur sont périphériques ».
Pis encore, Me Zalani a noté qu’une autre condition « inadmissible » est contenue dans cette loi, fixant des périodes de présence limitées entre le début et la fin des expérimentations.
« Tout se passe comme si les émanations radioactives pouvaient s’arrêter subitement au 31 décembre 1967 et ne pouvaient atteindre les mêmes personnes ayant résidé ou séjourné dans son rayon d’action au lendemain de cette date butoir », s’étonne le juriste.
Pour lui, la solution à cette situation réside dans l’accélération des négociations afin d’aboutir à une convention bilatérale algéro-francaise en vertu de laquelle la France prendrait en charge les victimes et réparerait, entre autres, les dommage occasionnés à l’environnement.
Il a suggéré également que la question soit entendue et traitée à la Cour internationale de justice. De son côté, le professeur à la faculté de Droit d’Alger, Me Mohammed Mahieddine, a considéré, dans une intervention sur la responsabilité internationale de la France suite à ses essais nucléaires en Algérie, que la loi française du 5 janvier 2010 constitue une « nouvelle étape importante ».
« Cette loi est un pas en dépit du fait qu’elle soit formulée de manière ambiguë, en raison de l’exclusion des victimes algériennes.
Sa promulgation confirme, indirectement, la reconnaissance tacite de la responsabilité de l’Etat français », a-t-il dit. Il a estimé que la France est contrainte d’élargir son application aux victimes algériennes et prendre en charge aussi la réhabilitation des sites d’essais nucléaires, conformément à la législation internationale.
« Il est temps pour l’Algérie d’utiliser ses armes juridiques pour arracher son droit à la France », a affirmé Me Mahieddine, qui a souligné, dans ce contexte, que la France à tout à fait ignoré le volet environnement qui demeure un point important dans les lois internationales.
Pour sa part, l’avocate à la Cour d’Alger Fatima Ben Braham a abordé le thème des archives, assurant qu’elles doivent être considérées comme une question de souveraineté nationale et leur recouvrement une « nécessité absolue ».
Elle a appelé, de ce fait, à ce que les archives militaires françaises depuis la colonisation soient révélées à l’opinion publique et surtout à ceux qui les réclament pour défendre leurs droits.
Agences