PARIS – Les documentaires « Vent de sable: le Sahara des essais nucléaires » et « L’Algérie De Gaulle et la bombe » sur l’enfer des essais nucléaires français dans le Sahara algérien, du réalisateur et journaliste algérien Larbi Benchiha ont été sélectionnés au Japon pour être projetés devant un parterre d’experts, les 6 et le 9 aout à l’Institut pour la Paix Hiroshima, dans la ville éponyme ainsi qu’à Nagasaki, a appris mardi soir l’APS auprès du réalisateur.
Ces projections qui se dérouleront en présence du réalisateur, sont programmées à la faveur de la commémoration des bombardements atomiques auxquels ont été soumises ces deux villes nipponnes par les Etats-Unis en ces journées fatidiques de l’année 1945.
Larbi Benchiha, se rendra successivement dans les deux villes à l’invitation de l’université d’Hiroshima pour présenter les documentaires en question et qui serviront de plate-forme de travail pour les nombreux scientifiques, historiens, et psychologues de multiples nationalités conviés à cette occasion.
« L’opportunité de se rendre au Japon est très importante de mon point de vue pour expliquer aux experts présents à cette commémoration, la situation tragique du Sahara algérien et leur dire que les populations sahariennes sont victimes d’une injustice qui dure plus d’un demi-siècle », a souligné ce spécialiste du dossier des essais nucléaires en Algérie sur lequel il travaille depuis 2007 en collaboration avec des scientifiques et experts.
« La France refuse toujours de reconnaître officiellement qu’elle a contaminé le Sahara, que des endroits sont saturées de produits toxiques issus des explosions atomiques, que des populations sont atteintes de maladies radio-induites qu’on s’obstine à ne pas reconnaître », a-t-il déploré.
Il a estimé que ce sera également l’occasion pour lui de d’affirmer que « les historiens, tant Algériens que Français doivent étudier ce pan opaque de l’histoire », faisant valoir qu’ « ils n’ont pas réalisé de travail de recherche réellement scientifique » sur cette problématique.
Larbi Benchiha considère ainsi qu’il est « grand temps de réparer cet oubli », d’autant que les témoins commencent à se faire rares.
Il a en outre indiqué qu’il se rendra à Hiroshima et Nagasaki pour raconter cette histoire, « une histoire, a-t-il dit, trop longtemps méconnue parce que savamment occultée », observant que si « on n’ignore pas aujourd’hui les risques avérés, on sait aussi qu’ils compromettent, à long terme, le développement de la vie dans ces régions et nuisent à leur avenir ».
Des preuves formelles, des traces indélébiles..
Il existe, a dit le réalisateur, « des preuves formelles, des traces indélébiles, des faits probants et tout un ensemble de détails et de faisceaux concordants qui nous font comprendre que sur une grande superficie du Sahara, des risques considérables ont été pris et que des conséquences sanitaires et écologiques dramatiques affectent et affecteront pour des milliers d’années l’écosystème de la région ».
Le réalisateur et journaliste a par ailleurs déploré que si les atolls du Pacifique Sud bénéficient d’une attention particulière en matière de décontamination et de surveillance radiologique et qu’un programme de suivi sanitaire des populations ont été mis en place pour comprendre et prévenir les pathologies radio induites, « en revanche, les populations sahariennes d’Algérie continuent de subir le mépris de l’ancienne puissance coloniale ».
A ce jour, ni suivi médical, ni indemnisation, ni réhabilitation de l’environnement ne sont envisagés, a-t-il rappelé.
La France coloniale a mené ses premières explosions nucléaires au Sahara algérien entre 1960 et 1966. Au total 17 explosions atomiques ont été menées en Algérie. Plusieurs d’entre elles ont été émaillés d’incidents, le plus grave s’est produit le 1er mai 1962. Ce tir qui avait pour nom de code « Béryl », est considéré comme un accident majeur dans le nucléaire militaire. L’armée française quittera le Sahara algérien pour le Pacifique en 1966.
Pour Larbi Benchiha « un demi-siècle de secret, de silence et de mensonges a empêché que la lumière se fasse sur cette page d’histoire ». « Il aura fallu attendre 2008, pour que soit mis en place un groupe d’experts algériens et français pour étudier la faisabilité d’un programme de réhabilitation des sites nucléaires, qui aujourd’hui encore, continuent d’exposer les populations aux dangers de la radioactivité », a-t-il dit.
C’est cette face cachée de l’histoire que le documentaire « L’Algérie, De Gaulle et la bombe » dévoile. Il fait partie d’une trilogie sur la question des essais nucléaires français en Algérie avec « Vent de sable : le Sahara des essais nucléaires ». Le troisième volet de cette trilogie réalisée par Larbi Benchiha sera consacré aux aspects sanitaires.